La Nation Bénin...
La soixantaine révolue, Hounguè Toudonou dit « Patati », n’a pas permis aux rides de s’emparer de ses souvenirs de footballeur. Chaleureux, sourire en coin, légèrement voûté, c’est avec passion, et parfois des regrets dans la voix, qu’il aime à raconter le «bon vieux temps où le football faisait vibrer les cœurs et déchaînait les passions». A travers cet entretien accordé à notre rédaction fin décembre 2015, il revient sur son parcours, ses souvenirs, et évoque la situation que traverse actuellement le football national tout en proposant des solutions.
La Nation: Qu’est devenue aujourd’hui cette ancienne vedette des Dragons et des Ecureuils ?
Patati : (Sourire) Comme tout ancien footballeur béninois, je me débrouille. Je vis à Porto-Novo….
Que peut retenir la nouvelle génération de votre parcours ?
J’ai commencé à jouer à l’âge de 16 ans dans l’équipe du quartier qu’on appelait Etoile polaire. C’est dans cette équipe que le coach Vincent Flacanji m’a détecté pour m’amener dans l’équipe sportive de Porto-Novo. J’avais à peine 18 ans en ce moment. J’ai joué la Coupe du Dahomey, la Coupe de l’indépendance et j’ai la chance d’être champion au moins deux fois avant d’aller jouer pour l’Africa-Sports de Côte d’Ivoire en 1975. Mais je ne me suis pas éternisé en Côte d’Ivoire, j’ai fait une semaine quand les dirigeants de l’Etoile m’ont ramené de la Côte d’Ivoire. Je me souviens que c’est la Coupe d’Afrique qui a fait que le gouvernement militaire révolutionnaire avait dissout les clubs. C’est à cause de l’Etoile. A l’époque on était allé faire 2 à 1 au Burkina-Faso. Au match retour, sur nos propres installations, ils nous ont battu 2- 0. C’est, selon moi, ce qui a fait qu’on a dissout les clubs. C’était en 1975. J’ai alors pris le chemin du Gabon. J’ai joué dans le V.Club Magougou, c’est le club de la Police. J’étais en Tanzanie en Coupe d’Afrique et à Brazzaville contre les Diables noirs. Mais en 1977, les Gabonais ont rapatrié tous les Béninois de chez eux. C’est de là que j’ai rejoins les Dragons de l’Ouémé, avant de repartir plus tard dans le même club gabonais devenu entretemps Union sportive M’bilia zambie (USM) de Libreville.
Qui étaient vos coéquipiers au sein de ce club phare à l’époque ?
J’ai joué avec les do-Régo Saadou, les frères Zèvounou, Johnson Fernando, avant qu’il aille aux Requins, les Ahanmada Yaovi, Blaise Codja, Ogougnon Adolphe, Raoul Zamba et autres. Après cela, j’ai laissé le football en 1984.
Comment cela est-il arrivé. Vous étiez quand même encore jeune à l’époque
(Profond soupir) C’est après un match de Coupe d’Afrique qui a opposé les Dragons au Fès du Maroc. J’ai joué le match aller au Maroc, mais à la manche retour à domicile, les dirigeants ont amené des joueurs ghanéens et j’ai décidé de laisser ma place. …Je suis partisan de la promotion des joueurs locaux. C’est mon combat depuis toujours (Puis un long silence)
Mais j’avoue qu’après le départ des dirigeants comme Moucharafou Gbadamassi, on a vu que le football a évolué dans le mauvais sens. Désormais, pour être champion au Bénin, il faut des arrangements. Pour l’être, il faut aller chercher des joueurs au Nigeria et au Ghana. Comment est-ce que dans un championnat, on peut admettre qu’une équipe aligne jusqu’à 6 étrangers sur un terrain de football. Nous qui avions eu la chance d’évoluer à l’extérieur, on a jamais évolué à 3 comme étrangers dans une même rencontre. C’est d’ailleurs la seule condition pour disposer d’une bonne équipe de compétition. Pourquoi joue-t-on alors un championnat ? Je crois que c’est pour avoir de grands joueurs pour prendre part à la Coupe d’Afrique des Nations ou la Coupe du monde. Chez nous, on dirait que ce n’est pas le cas. Malheureusement, aujourd’hui toutes nos erreurs nous rattrapent et tout s’écroule. On ne joue pas au football et ce sont les dirigeants qui se chamaillent pour rien. Mais j’ai espoir que quelqu’un viendra mettre fin à cela un jour.
Comment cela se fera t-il ?
Convoquer des assises nationales du football à l’image de la Conférence nationale politique dans ce pays et vous verrez le résultat. Si on le fait, ça doit marcher.
Racontez-nous l’évènement sportif qui vous a le plus marqué
(Froncement des sourcils). C’est le match qu’on a joué à Cotonou contre le Canon de Yaoundé. J’étais le capitaine et c’est moi qui ai joué le 2e pénalty. C’est- à dire quoi ? Il y avait eu un penalty que mon coéquipier Adolphe Ogougnon a mis sur la barre transversale. En tant que capitaine, j’ai réclamé et obtenu de l’arbitre qu’il soit rejoué, parce que le gardien adverse aurait bougé de sa ligne de but. J’ai donc repris le tir, très confiant que j’allais marquer le mien. Mais hélas, je suis passé à côté. J’avoue que j’en ai été malade. Je n’ai pas dormi pendant une semaine. Ça m’a marqué, parce que c’est pour la première fois ; et la dernière d’ailleurs, que mon épouse est venue au stade.
C’était à quelle occasion ?
C’était une Coupe d’Afrique des clubs champions. On a fait 2-0 à Yaoundé et à Cotonou nous dominions 1-0 à quelques minutes de la fin, lorsqu’on a eu un pénalty et j’ai mis à côté. Vous voyez ce que cela peut faire pour un peuple. Ce jour-là, le stade était plein. On ne verra plus un stade plein comme celui de ce jour. Malheureusement il y avait eu également des morts.
Je me souviens également que ce jour, Jean Manga Onguéné du Cameroun disait à ses joueurs «jouer ça chauffe ». C’est l’époque des grands dirigeants de football. Je le dis parce que j’avais la chance d’en rencontrer. Je pense à Simplice de Messy Zinsou, président d’Africa-sport d’Abidjan, Jean-Boniface Assélé de l’USM Libreville. Comme anecdote, je précise qu’un jour les Dragons allaient à une rencontre de Coupe d’Afrique au Congo RDC, lorsque Simplice Zinsou qui était présent à Porto- Novo l’a appris, il s’est rendu aussitôt au QG de l’équipe et a mis aussi bien les billets d’avion que les maillots de la rencontre à disposition. On avait eu des dirigeants dignes de ce nom dans le football. Aujourd’hui, osons le dire, l’argent a tout pourri. Dommages !¦