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Parti de Cotonou pour la France à vélo :Carlos Bossouvi, une passion au service de l’humanitaire

Sports
Par   zounars, le 23 févr. 2015 à 05h14

La vingtaine, teint noir et poitrine légèrement dégagée, Carlos Boussouvi a la tête bien sur les épaules, le regard vif et le langage posé. Pendant 97 jours, ce passionné du sport a parcouru à vélo 6473km et a recueilli 6032 euros environ soit 4 millions de nos francs pour soutenir les personnes en situation difficile. Au bout de cette difficile et périlleuse aventure à vélo dans le désert et ses farces, Carlos Bossouvi raconte comme dans un conte romancé, ses nuits et jours faits de mélancolies, de joies et de chutes sanitaires, bref, son affront des plus impertinents.

Il a rallié à vélo Cotonou à la France dans la bourgade de Jarcieu près de Lyon. Avec son vélo de course, l’intrépide aventurier a traversé le Burkina, le Mali, la Mauritanie, le Maroc et par bateau, la méditerranée. Au total, 6473 km à coups de pédales pour marquer sa solidarité à l’association Jarnati en France.

Randonnée de joies et de mélancolies

Une association humanitaire qui intervient au Bénin précisément à Natitingou, à travers des dons de manuels scolaires et qui appuie plusieurs projets béninois au profit des plus démunis. «Moi en tant que Béninois, je n’ai pas les moyens nécessaires pour accompagner cette association et donc pour la motiver, j’ai décidé de rallier leur siège, sis à Jarcieu à vélo au terme de 6473km, en récoltant 1euro par kilomètre», a expliqué Carlos Bossouvi à l'Institut français de Cotonou où nous l’avons rencontré. Si l’homme a pu récolter 6032 euros sur les 6473 euros espérés, il se dit néanmoins surpris car cette moisson est au-delà des attentes. Au cours des 47 étapes de son voyage à vélo, Carlos Bossouvi se souvient d’une de ses performances qui a fini par le clouer au lit au Burkina Faso.

Les ennuis de santé au Maroc puisque l’étape de la Mauritanie lui a pris jusque dans ses réserves d’énergies, en le clouant pendant deux jours sur le lit de l’hôpital. Ce qui l’amène à réduire son rythme de 140 km par jour. « Au Burkina Faso, j’ai roulé de 5 heures à 23 heures 30 minutes pour atteindre Bobo-Dioulasso. A mon arrivée, j’ai eu des irritations au niveau de l’entre-jambes », se souvient-il. Solitaire, nuit et jour sur les routes, Carlos Bossouvi a pu dénombrer sept crevaisons de pneu sur son parcours qui l’ont amené à changer la roue arrière.

« Au pays des hommes intègres où j’ai eu une crevaison, j’ai été dépanné par une femme qui vendait du maïs au bord de la voie. J’étais sceptique mais la bonne dame avait si bien fait que j’ai appris du métier», affirme Carlos Bossouvi qui poursuit que cette dame, après avoir collé la chambre à air, a passé la main à l’intérieur du pneu pour sortir l’objet qui avait causé la crevaison. «Ce que le premier qui m’avait dépanné, n’avait pas fait », ajoute t-il. Sous 50° Celsius en Mauritanie et sous de violents vents de sable, l’athlète buvait 8 à 10 litres d’eau. Intrépide dans l’âme, Carlos Bossouvi se souvient de cette étape en Mauritanie où il apercevait sa ville de destination à 10 km quand, son pneu crève une nouvelle fois.

Après l’avoir réparé, il crève une autre fois à 4 km. A chaudes larmes, ses guidons en main, il pleurait car il se demandait quand est-ce qu’il arrivera à destination. Il confie qu’à 125 km de Nouaktchott, il ne pouvait se reposer pour défaut d’arbres. « J’ai passé 20 minutes pour monter sur une dune de sable pour me donner le courage de poursuivre». Au bout du parcours, il a été reçu à l’Elysée par la représentante Afrique de François Hollande.

Coups de cœur

Ce sont «ces moments inattendus de solidarité que j’ai rencontrés en particulier dans certaines régions où je ne m’y attendais pas, comme par exemple quand un directeur d’hôtel m’a offert tout mon séjour dans son complexe au Maroc, un pays qu’on dit raciste à souhait». Son aventure lui aura permis de renforcer ses convictions, de découvrir d’autres cultures, d’autres manières de penser et de vivre. Comme il l’avoue lui-même, cette aventure lui a appris la patience, surtout face aux obstacles de la vie «et le fait que lorsque l’on fait un effort particulier pour une cause que l’on croit juste, les gens sont plus solidaires, et vous apportent spontanément une aide», même s’il s’est énervé quelques fois contre sa bicyclette. Avec sept crevaisons pour 6473 km, «ma femme», comme il l’a surnommée, lui a bien rendu sa fidélité. « Au départ de Cotonou, c’était Carlos Bossouvi, mais à la traversée de chaque pays, c’était le Bénin qui voyageait », fait-il remarquer avec la fierté d’avoir vendu sa patrie. «Un voyage est un piège parce qu’une fois que tu y as goûté, tu deviens accro, ça devient comme de la nourriture pour toi, chaque instant tu y penses et tu songes à repartir », martèle l’athlète.

Le vent comme une silhouette

«Le vent a été un compagnon de tous les jours pour moi. Dans le Sahara mauritanien, j’ai dû me cacher derrière une borne kilométrique pendant près de deux heures car il était très fort et ensablé. Je l’ai toujours eu dans la face à des degrés différents(…) Au début, je ne l’ai pas accepté comme compagnon, mais avec le temps, je suis devenu son ami car j’ai fini par me rendre compte que c’est le seul qui était en ma compagnie nuit et jour, pour rompre ma solitude». «Même si leur accueil a été bon à 80%, la plupart du temps, les Africains ne savaient pas quoi dire. Ils m’abordaient avec un mélange de curiosité, d’admiration, de perplexité, de compassion et de respect», évoque Carlos Bossouvi. Aux éléments naturels qui ont mis sa détermination à rude épreuve, se sont ajoutés les obstacles, plus fourbes de l’administration. Plus il remontait son continent, plus elle lui a mis des bâtons dans les roues. Malgré les renseignements pris à l’avance, à la frontière mauritanienne, on le renvoie illico à Bamako au Mali, pour demander un visa. Le Maroc voulait le renvoyer à Dakar, au Sénégal. Quand au visa Schengen – le plus dur à obtenir, - il aura fallu plusieurs interventions au plus haut niveau avant qu’on le lui accorde finalement.

Qui est Carlos Bossouvi ?

Né en 1990 à Ouidah, Carlos Bossouvi est employé dans une société d’import-export indienne et interprète à ses heures perdues. Jamais pourtant, son voyage ne lui est apparu comme une souffrance inutile. Ce voyage entre l’Afrique et l’Europe a révélé Carlos Bossouvi. Il en ressort grandi, toujours aussi modeste. Carlos Bossouvi souhaite écrire un livre et donner des conférences pour amener plus de Béninois et les Africains à s’investir dans le développement de leur pays. Il tient à raconter la solidarité entre les personnes et les peuples, quels que soient le pays, la religion, la couleur, la race et la culture. Il veut donner l’envie aux jeunes de se fixer des objectifs, de les atteindre, de se dépasser en gardant toujours une relation de confiance, de fraternité et d’amitié.