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Regard expert de Patrick Juillard sur les prestations du Bénin: « Cette victoire pose les bases d’un avenir prometteur pour le football béninois »

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Patrick Juillard, journaliste français et analyste voit les signes d’une équipe béninoise en devenir Patrick Juillard, journaliste français et analyste voit les signes d’une équipe béninoise en devenir

Historique et porteuse d’espoir, la victoire du Bénin face au Botswana (1-0), lors de la deuxième journée de la Coupe d’Afrique des Nations (Can) Maroc 2025, a marqué un tournant pour les Guépards. Présent à Rabat, Patrick Juillard, journaliste français et analyste reconnu du football africain, livre son regard expert sur les prestations béninoises, les enseignements à tirer avant le choc face au Sénégal et les ambitions possibles dans cette compétition continentale.

Par   Abdul Fataï SANNI, le 30 déc. 2025 à 08h56 Durée 3 min.
#Can Maroc 2025 #Patrick Juillard

La Nation : Vous avez suivi les deux rencontres disputées à Rabat par les Guépards du Bénin. Quel regard portez-vous sur ces deux matchs ?

Patrick Juillard : Ce qui m’incite à un optimisme mesuré mais réel concernant le Bénin, c’est avant tout la progression perceptible entre les deux sorties. Dès le premier match, malgré de nombreuses absences dues à des suspensions, l’équipe béninoise a affiché un visage cohérent et livré une prestation globalement satisfaisante. Elle a toutefois manqué de précision et de justesse dans les deux surfaces, ce qui, face à des Congolais particulièrement opportunistes, s’est finalement payé au prix fort. Lors du deuxième match, j’ai le sentiment que le Bénin a su tirer les enseignements de ses insuffisances initiales. Les lignes ont été resserrées, les automatismes mieux huilés, et cette correction s’est traduite par un but relativement rapide, venu concrétiser une entame de match très convaincante. Les Guépards ont d’emblée imposé leur domination et dicté le tempo de la rencontre. Mais en seconde période, l’équipe s’est sans doute montrée un peu plus fébrile, se crispant sur son avantage et subissant davantage qu’elle ne l’aurait souhaité. En fin de match, quelques alertes sérieuses ont été à signaler. Néanmoins, l’essentiel est acquis. Il n’y a pas eu de dégâts, et surtout, il y a cette victoire libératrice. Elle revêt une dimension historique, puisqu’il s’agit de la toute première victoire du Bénin en phase finale de Coupe d’Afrique des nations. C’est un moment exceptionnel. Le pays attendait ce succès depuis les débuts des Ecureuils en 2004. Le décrocher aujourd’hui, au Maroc, avec une équipe jeune et engagée dans un processus de reconstruction, est d’autant plus encourageant. Cela illustre parfaitement l’importance de la détection et de la valorisation des jeunes talents, un enjeu majeur pour l’avenir du football africain. A mes yeux, cette victoire est historique à plus d’un titre et constitue, si le travail se poursuit avec rigueur, le socle d’un avenir prometteur pour le football béninois.

La suite du parcours s’annonce face au Sénégal. Le Bénin compte désormais trois points. Comment entrevoyez-vous cette perspective ?

Trois points peuvent effectivement suffire pour figurer parmi les meilleurs troisièmes, d’autant qu’il est probable que certains groupes se soldent par des troisièmes à deux points seulement. Je pense notamment au groupe du Maroc et de l’Egypte. Pour le Bénin, l’idéal serait évidemment d’affronter un Sénégal déjà qualifié, susceptible de faire tourner son effectif après deux victoires. Dans le cas contraire, il faudra se présenter avec sérieux et confiance, en s’appuyant sur le contenu proposé lors des deux premières rencontres. Au regard de ce que le Bénin a montré depuis le début du tournoi, je ne crois pas que l’équipe soit exposée à une lourde déconvenue face au Sénégal. Il faut surtout y croire. Cette sélection sénégalaise, aussi solide soit-elle, a déjà montré par le passé qu’elle pouvait rencontrer des difficultés face à des adversaires supposés plus modestes, comme ce fut le cas lors de la Can 2021 contre le Zimbabwe. Pourquoi, dès lors, le Bénin ne tenterait-il pas de faire douter les Lions de la Teranga ? Cela étant, il est encore trop tôt pour se projeter pleinement. L’heure est avant tout à la célébration de cette victoire historique. La qualification est désormais à portée, et il sera temps de préparer méthodiquement le match contre le Sénégal une fois connu le résultat de son match contre la République démocratique du Congo (1-1).

Après cette rencontre face au Botswana, quels ajustements vous semblent nécessaires avant d’affronter le Sénégal ?

Le principal axe de progression concerne, selon moi, l’efficacité. Il s’agit d’être plus clinique dans la surface adverse et davantage serein dans la surface béninoise. Le chemin parcouru entre le premier et le deuxième match est déjà très encourageant, mais des marges de progression subsistent. Je connais bien le sélectionneur Gernot Rohr. C’est un technicien méthodique, rigoureux et particulièrement exigeant. Je suis convaincu qu’il a déjà identifié les aspects précis sur lesquels travailler afin d’améliorer encore le rendement de son équipe. Le travail est en bonne voie, et les fondations semblent solides.

Jusqu’où voyez-vous le Bénin aller dans cette compétition ?

Je pense sincèrement que le Bénin sortira de cette phase de groupes. Avec trois points après deux matches et une différence de buts nulle, les Guépards ont de fortes chances de figurer parmi les meilleurs troisièmes, au minimum. Ils peuvent même ambitionner la deuxième place, même si le Sénégal me paraît supérieur sur le papier dans cette poule. Pour la suite, sans avoir encore une vision précise du tableau final, le Bénin peut nourrir l’espoir de jouer les trouble-fêtes. Pourquoi ne pas viser une performance comparable à celle réalisée en 2019 ? C’est tout le mal que l’on peut souhaiter à cette équipe béninoise.