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Seule femme détentrice de la Licence B Caf au Bénin: Adicatou Adam incarne résilience et détermination

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Adicatou Adam Adicatou Adam

Dans un pays où le football reste majoritairement perçu comme une affaire d’hommes, Adicatou Adam s’impose avec détermination. Ancienne talentueuse joueuse et aujourd’hui entraîneure chevronnée, elle incarne la résilience et l’engagement au service du football féminin béninois. Son parcours, jalonné de défis, témoigne d’une volonté inébranlable de propulser le football féminin vers l’excellence.

Par   Abdul Fataï SANNI, le 10 févr. 2025 à 07h32 Durée 3 min.
#Licence B Caf au Bénin

Née à Cotonou, Adicatou Adam découvre le football dès son plus jeune âge (à 6 ans), dans son quartier à Bar-Tito Sikècodji. Elle touche le ballon pour la première fois à l’école primaire publique de Sèhogan, à Sikècodji. Défiant les protocoles, elle joue avec les garçons, s’imposant par son talent naturel et son intelligence de jeu. Repérée à 13 ans par un observateur (Bovis), admiratif de ses qualités techniques, elle intègre le club Flèche Noire, marquant ainsi ses premiers pas dans le football organisé (le championnat national de football). Malgré les réticences familiales liées à sa culture yoruba, elle persévère, trouvant des subterfuges pour poursuivre sa passion. Très vite, elle est désignée capitaine, un rôle qu’elle jouera avec brio tout au long de sa carrière. D’ailleurs, sa carrière de joueuse la mène ensuite dans plusieurs clubs majeurs du pays, où elle s’impose toujours comme capitaine. De Flèche Noire à Espoir de Cotonou, en passant par Arc-en-Ciel, Adicatou Adam s’illustre par son leadership et son efficacité offensive. Attaquante redoutable, elle devient la meilleure buteuse du championnat, prouvant qu’une femme pouvait exceller dans cette discipline. En 2004, elle est sélectionnée en équipe nationale et en porte même le brassard de capitaine. Mais cette ascension fulgurante est brutalement interrompue par une grave blessure au genou en 2006, mettant ainsi fin à ses ambitions de joueuse.

 

Un tournant décisif dans sa carrière

Loin de se laisser abattre par cette (vilaine) blessure, l’ancienne joueuse de Espoir de Cotonou trouve une nouvelle voie et se réoriente vers l’entraînement. Grâce au soutien de Bruno Didavi (ancien secrétaire général de la Fbf et actuel membre de la faitière, ndlr), elle part au Togo suivre une formation en football féminin, décrochant son premier diplôme d’entraîneur délivré par la Confédération africaine de football (Caf). De retour au Bénin, et forte de cet apprentissage, elle devient entraîneure adjointe d’Espoir de Cotonou (son ancien club), seconde son ancien coach avant de prendre elle-même les rênes de l’équipe la menant à une série de victoires.

Cependant, sa progression connaît une pause exigée par les contraintes familiales. Son mari s’oppose à sa carrière, la poussant à s’éloigner du football pendant plusieurs années. Mère de deux enfants (deux garçons), ce n’est qu’en 2019 qu’elle effectue un retour déterminé, consciente que son diplôme initial ne suffit plus pour prétendre aux postes d’entraîneur d’élite. En 2022, elle participe à une session de recyclage pour la Licence C (alors qu’elle avait décroché cette Licence en 2011, ndlr) et décide de franchir un cap supplémentaire en obtenant la Licence B, indispensable pour encadrer une équipe nationale. Sa formation, exigeante, se déroule entre théorie (à Porto-Novo, capitale politique du Bénin) et pratique (au centre d’Excellence de Missérété), avec des journées de travail débutant à l’aube et s’achevant tard dans la soirée. Mais son investissement paie. Le 22 décembre 2024, elle décroche sa Licence B Caf. « Je suis très contente. Car, ce que j’ai remarqué, les Béninois peuvent t’élever du jour au lendemain. De la même manière, ils peuvent aussi te nuire pour toujours. Depuis que l’information est sortie sur les réseaux sociaux, partout où je passe, je reçois des mots d’encouragements et de félicitations. Je me demande aujourd’hui : et si j’avais abandonné ? C’est la question que je me pose sans cesse. Est-ce que ces mêmes personnes qui nous embêtaient sur le terrain, qui ne voulaient pas nous voir diriger des équipes féminines, qui nous critiquaient et nous collaient toutes sortes d’étiquettes, seraient aujourd’hui prêtes à nous soutenir ? Ce sont désormais ces mêmes personnes qui me disent : ‘’Vraiment coach, félicitations. Nous sommes fiers de toi et nous prions pour que tu décroches facilement ta Licence A.’’ Je suis donc honorée et très fière de moi-même. Cependant, le chemin n’a pas été facile », va-t-elle confier avec émotion.

Une ambition sans limite

Entraîneure de l’équipe 2AB en deuxième division du championnat national féminin de football et sélectionneure adjointe des U20 féminines du Bénin, Adicatou Adam ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Déterminée à poursuivre son ascension, elle vise désormais la Licence A, ultime reconnaissance pour s’asseoir sur le banc d’une sélection nationale. « Si je m’arrête à la licence B, cela signifie que je ne suis pas ambitieuse. J’aime les défis. Mais c’est Dieu qui décide de ma vie. Si Dieu me donne l’opportunité d’aller plus loin, pourquoi pas? », a avoué Adicatou Adam. Pour elle, il ne s’agit pas de dormir sur ses lauriers. « Avec ce diplôme, je vais commencer à beaucoup bouger. Je vais aller vers mes collègues, car il est vrai que j’ai ce diplôme, mais la suite, c’est quoi? C’est le travail sur le terrain », souligne-t-elle avant d’ajouter que le football n’est pas dans les bureaux ni chez soi. « Il faut se déplacer, aller à la rencontre des autres, partager des expériences. Ce n’est pas parce que j’ai obtenu ce diplôme que je suis la meilleure du Bénin. Non ! Je dois continuer à apprendre, à faire des recherches, à approfondir mes connaissances », indique-t-elle.

Mais au-delà de son ambition personnelle, son engagement dépasse son propre parcours. Elle milite pour une meilleure structuration du football féminin béninois, dénonçant les irrégularités et la tricherie qui gangrènent les championnats nationaux féminins. Elle fustige l’absence de vision à long terme et l’incohérence dans l’intégration des joueuses locales en équipe nationale, face à la présence massive de joueuses étrangères dans le championnat domestique. A l’en croire, la solution réside dans une mentalité renouvelée. « Le changement doit commencer par les dirigeants. Il faut cesser l’improvisation et soutenir les véritables centres de formation, afin de construire un football féminin solide et compétitif », propose-t-elle.

Un modèle pour les générations futures

Aujourd’hui, Adicatou Adam constitue un modèle pour les jeunes filles aspirant à une carrière dans le football. Son message est clair : le travail et la persévérance sont les seules voies vers la réussite. Elle encourage les femmes à croire en leur capacité et à ne jamais quémander leur place. « Nous avons de la valeur. Seul notre travail déterminera qui nous sommes», va-t-elle préciser. Le regard tourné vers l’avenir, elle se consacre désormais à la formation des jeunes joueuses, convaincue que la relève du football féminin béninois repose sur une transmission de savoirs rigoureuse et exigeante. « Mon souhait est de promouvoir le football féminin. Il est important d’être un modèle pour les femmes qui nous observent de loin, afin qu’elles puissent s’inspirer de nous et chercher à obtenir des diplômes pour devenir, elles aussi, entraîneures de football féminin », avance-t-elle. Son combat, elle le mène avec la même ferveur : prouver que le football est un terrain où les femmes ont toute leur place.