La Nation Bénin...
La
sélection nationale des moins de 20 ans du Bénin a participé au tournoi Ufoa-B,
mais son parcours s'est arrêté dès les phases de groupes, au grand regret des
supporters. Dans cet entretien, Vincent Rautureau, manager général des équipes
de jeunes du Bénin, dresse le bilan de la participation béninoise et énonce les
perspectives.
La
Nation : Le Bénin a été éliminé dès le premier tour du tournoi Ufoa-B U20.
L'objectif de passer ce cap n'a pas été atteint. Que retenir de cette
expérience ?
Vincent
Rautureau : Avant tout, c'est une grande frustration que nous ressentons. Finir
une compétition en n'ayant pas passé le premier tour est une déception
profonde. Nous avions fixé comme objectif d'atteindre les demi-finales, et ne
pas l'avoir accompli, laisse forcément un goût amer. Ce matin (du jeudi 24
octobre, ndlr), nous nous levons avec une frustration, une déception, et même
une certaine amertume en sachant que nous étions si proches du but. Mais c’est
aussi un ensemble de petits détails sur lesquels nous devons nous pencher, que
nous allons analyser soigneusement afin de pouvoir rebondir. L’échec, après
tout, est une expérience humaine et sportive. Il est possible de trébucher,
mais il est essentiel de se relever, car c'est cela la force des grands
joueurs, la marque des grandes personnes.
Cet
échec ne trouve-t-il pas en partie son origine dans le premier match contre le
Ghana, où l’équipe menait au score avant de concéder un penalty dans les
dernières minutes ?
On peut, bien sûr, évoquer ce match contre le Ghana, mais pour moi, c’est la totalité des matchs qui compte. Sur les trois rencontres, nos prestations ont globalement été insuffisantes pour espérer atteindre les demi-finales. Avant de récolter, il faut savoir semer avec sérieux. Lors de ce premier match (face au Ghana 2-2, ndlr), nous étions effectivement proches de la victoire. Nous avons eu des occasions de marquer un troisième, voire un quatrième but, même si la rencontre a été difficile. Mais l’efficacité nous a manqué, et nos remplaçants n’ont pas apporté la plus-value nécessaire pour nous faire gagner. Le deuxième match contre le Togo montre aussi nos difficultés. Nous avons eu du mal à gérer la pression ; c’est un élément crucial. On constate d’ailleurs que les meilleurs joueurs du tournoi sont ceux qui évoluent dans notre championnat, dans des équipes comme Sobemap, Loto-Popo ou Bani gansè. Quant aux joueurs moins performants, ce sont souvent ceux qui jouent peu ou qui viennent des académies. Ce qui prouve que nous avons encore un travail de fond à réaliser. Jouer sous pression, face au pays organisateur, a démontré que certains joueurs n’ont pas su répondre présents, bien que le match se soit soldé par un nul (0-0). Contre le Niger, nous avons produit un jeu que je considère digne de ce que nous devions présenter. Nous étions au courant que le match entre le Ghana et le Togo se soldait par un nul d’un but partout, ce qui signifiait que nous n’avions pas d’autre choix que de gagner. Nous avons tout donné, nous avons tenté notre chance, mais sans succès face à une inefficacité criante. Ce coup dur, cette « claque » que nous venons de recevoir, nous atteint tous, le staff et moi en premier lieu. Mais nous allons analyser la situation pour en tirer des enseignements et améliorer notre approche. Nous avons d’ailleurs discuté avec les instances, l’Etat et la Fédération, et nous allons dresser un constat complet de cette campagne pour élaborer une feuille de route professionnelle et budgétisée. Le Bénin doit désormais organiser des rassemblements périodiques dans toutes les catégories d’âge, avec pour objectif commun de réussir. Si chacun s’implique sérieusement et avec rigueur, je suis convaincu que nous pourrons observer des progrès notables dans les six mois à un an, en fondant notre travail sur des bases solides.
Sur
ce dernier match (face au Niger), est-ce que vous avez des regrets, envers
vous-même ou envers les joueurs ?
Il
est impératif de savoir se remettre en question. C'est un élément fondamental
si l’on souhaite progresser. Nous, entraîneurs et staff, devons questionner nos
choix, tout comme les joueurs. Après le match, je me suis interrogé : aurais-je
dû faire jouer un autre joueur? Devais-je opter pour d’autres changements ? La
vérité est que nous avons perdu, ce qui signifie que peut-être, en tant
qu’entraîneur, j’ai commis des erreurs. Mais il est inutile de s’attarder sur
ce qui est passé. Il nous faut plutôt mener une analyse lucide, car c’est
demain que se dessine l’avenir du Bénin. Ce rassemblement des U20 doit servir
de base à un travail en profondeur pour toutes les catégories de jeunes. Nous
devons planter une graine, la cultiver avec soin, et espérer voir les fruits de
nos efforts dans les compétitions futures.
Avant
cette compétition, estimez-vous que le temps de préparation a été suffisant
pour asseoir une équipe capable de répondre aux exigences d’un tel tournoi ?
Vous
mettez le doigt sur un point crucial. Avant de récolter, il faut savoir
préparer le terrain. Nous avons eu deux semaines de rassemblement, ce qui est
très insuffisant pour espérer des résultats significatifs, même si nous avons
montré que nous étions proches du but. A l’avenir, il sera impératif
d’organiser des regroupements réguliers à chaque date Fifa pour chaque
catégorie d’âge. Il est aussi essentiel de multiplier les matchs amicaux. Plus
les joueurs se confrontent à d’autres nations, plus nous serons capables de
jauger leur niveau. Certains joueurs sont déjà prêts à supporter la pression,
car ils évoluent en championnat. D’autres, en revanche, ont encore besoin de
temps et d'expérience. Si nous avions eu davantage de matchs de préparation,
nous aurions pu affiner notre sélection. Notre seule opposition avant le
tournoi a été une rencontre de 2x40 minutes contre Sitatunga au stade de
l’Amitié. Ce qui est bien trop peu pour espérer briller dans une compétition
internationale. Au-delà des quatre ou cinq joueurs qui se sont distingués, nous
avons vite réalisé que certains joueurs n’avaient ni le niveau ni la
préparation mentale nécessaires.
Après
cette compétition, quelles sont les prochaines étapes ?
Nous
allons tout d'abord examiner attentivement les prochaines compétitions de cette
catégorie U20. L’objectif est d’instaurer des rassemblements tous les trois
mois afin de revoir régulièrement l'effectif et de donner une chance à de
nouveaux joueurs d’intégrer les sélections. Il faut déjà penser à préparer les
futurs U20 qui pourront alimenter la sélection A et épauler des joueurs comme
Moumini et Olaïtan dans les Guépards A, dans l'optique de qualification pour la
Coupe du monde.
Mathias
Deguénon était avec vous au début de cette aventure. A Lomé, nous avons
constaté son absence…
En
effet, une restructuration est actuellement en cours avec le Directeur
technique national (Dtn), qui implique une réorganisation des postes de
sélectionneurs, adjoints et préparateurs physiques. Mathias (Déguénon) n’a pas
pu nous accompagner car il est salarié d’une entreprise, d’un club (Sobemap).
Il lui est difficile de répondre aux exigences des deux engagements. Nous
sommes néanmoins fiers de lui et du travail qu’il accomplit à Sobemap (4e avec
17 points +5, ndlr). Les instances de la Fédération vont très prochainement
nommer officiellement les responsables des différentes sélections, des U15 aux
U20, garçons et filles. Nous aurions aimé que ce processus soit plus rapide,
mais cela devrait se concrétiser sous peu.
En
tant que manager général des sélections de catégories d’âge, que prévoyez-vous
pour éviter de revivre le même scénario avec les U17 ?
Nous
avons déjà commencé le travail de fond avec les U15 scolaires (qui ont pris
part au tournoi Ufoa-B scolaire). Ce type de rassemblement sera la norme pour
toutes les autres catégories. Cela nous permettra de limiter les erreurs de
sélection et d’assurer que les joueurs que nous choisissons sont prêts pour les
compétitions internationales.
Justement,
quelles sont les perspectives ?
Nous
devons établir une feuille de route professionnelle, avec un soutien financier
et organisationnel de la Fédération et du ministère des Sports. Il est
impératif que chaque catégorie d'âge se réunisse régulièrement, au moins tous
les trois mois. Nous devrions aussi ouvrir la porte aux talents binationaux,
comme Kenzo (du Dijon Fco), qui a apporté une réelle plus-value à l’équipe.
Grâce à ces efforts et à une structure renforcée, je suis persuadé que le Bénin
pourra concourir dignement à des compétitions continentales, voire mondiales.
Un
mot pour conclure…
C’est
un honneur pour moi que le Bénin m’ait rappelé. Après deux ans et demi passés à
Dadjè, j’ai gardé un attachement profond pour le Bénin. Le potentiel est là,
mais il est indispensable que la Fédération, le ministère et l’Etat s’unissent
pour établir un plan de travail professionnel. Il est aussi important de
mobiliser les binationaux, car leur expérience enrichira notre sélection. Je
vous demande simplement de nous accorder six mois pour évaluer notre travail,
et je suis intimement convaincu qu’au bout d’un an, une de nos sélections, que
ce soit les U15, U17 ou U20, pourra se qualifier pour une compétition comme la
Can ou même la Coupe du monde. Le potentiel est bien là, mais il faut
maintenant se mettre au travail■