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Vincent Rautureau, manager des équipes de catégories d’âge du Bénin: « Le potentiel est là, il faut maintenant se mettre au travail »

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Vincent Rautureau, manager des équipes de  catégories d’âge du Bénin Vincent Rautureau, manager des équipes de catégories d’âge du Bénin

La sélection nationale des moins de 20 ans du Bénin a participé au tournoi Ufoa-B, mais son parcours s'est arrêté dès les phases de groupes, au grand regret des supporters. Dans cet entretien, Vincent Rautureau, manager général des équipes de jeunes du Bénin, dresse le bilan de la participation béninoise et énonce les perspectives.

Par   Abdul Fataï SANNI, le 27 nov. 2024 à 08h55 Durée 5 min.

La Nation : Le Bénin a été éliminé dès le premier tour du tournoi Ufoa-B U20. L'objectif de passer ce cap n'a pas été atteint. Que retenir de cette expérience ?

 

Vincent Rautureau : Avant tout, c'est une grande frustration que nous ressentons. Finir une compétition en n'ayant pas passé le premier tour est une déception profonde. Nous avions fixé comme objectif d'atteindre les demi-finales, et ne pas l'avoir accompli, laisse forcément un goût amer. Ce matin (du jeudi 24 octobre, ndlr), nous nous levons avec une frustration, une déception, et même une certaine amertume en sachant que nous étions si proches du but. Mais c’est aussi un ensemble de petits détails sur lesquels nous devons nous pencher, que nous allons analyser soigneusement afin de pouvoir rebondir. L’échec, après tout, est une expérience humaine et sportive. Il est possible de trébucher, mais il est essentiel de se relever, car c'est cela la force des grands joueurs, la marque des grandes personnes.

 

Cet échec ne trouve-t-il pas en partie son origine dans le premier match contre le Ghana, où l’équipe menait au score avant de concéder un penalty dans les dernières minutes ?

 

On peut, bien sûr, évoquer ce match contre le Ghana, mais pour moi, c’est la totalité des matchs qui compte. Sur les trois rencontres, nos prestations ont globalement été insuffisantes pour espérer atteindre les demi-finales. Avant de récolter, il faut savoir semer avec sérieux. Lors de ce premier match (face au Ghana 2-2, ndlr), nous étions effectivement proches de la victoire. Nous avons eu des occasions de marquer un troisième, voire un quatrième but, même si la rencontre a été difficile. Mais l’efficacité nous a manqué, et nos remplaçants n’ont pas apporté la plus-value nécessaire pour nous faire gagner. Le deuxième match contre le Togo montre aussi nos difficultés. Nous avons eu du mal à gérer la pression ; c’est un élément crucial. On constate d’ailleurs que les meilleurs joueurs du tournoi sont ceux qui évoluent dans notre championnat, dans des équipes comme Sobemap, Loto-Popo ou Bani gansè. Quant aux joueurs moins performants, ce sont souvent ceux qui jouent peu ou qui viennent des académies. Ce qui prouve que nous avons encore un travail de fond à réaliser. Jouer sous pression, face au pays organisateur, a démontré que certains joueurs n’ont pas su répondre présents, bien que le match se soit soldé par un nul (0-0). Contre le Niger, nous avons produit un jeu que je considère digne de ce que nous devions présenter. Nous étions au courant que le match entre le Ghana et le Togo se soldait par un nul d’un but partout, ce qui signifiait que nous n’avions pas d’autre choix que de gagner. Nous avons tout donné, nous avons tenté notre chance, mais sans succès face à une inefficacité criante. Ce coup dur, cette « claque » que nous venons de recevoir, nous atteint tous, le staff et moi en premier lieu. Mais nous allons analyser la situation pour en tirer des enseignements et améliorer notre approche. Nous avons d’ailleurs discuté avec les instances, l’Etat et la Fédération, et nous allons dresser un constat complet de cette campagne pour élaborer une feuille de route professionnelle et budgétisée. Le Bénin doit désormais organiser des rassemblements périodiques dans toutes les catégories d’âge, avec pour objectif commun de réussir. Si chacun s’implique sérieusement et avec rigueur, je suis convaincu que nous pourrons observer des progrès notables dans les six mois à un an, en fondant notre travail sur des bases solides.

Sur ce dernier match (face au Niger), est-ce que vous avez des regrets, envers vous-même ou envers les joueurs ?

 

Il est impératif de savoir se remettre en question. C'est un élément fondamental si l’on souhaite progresser. Nous, entraîneurs et staff, devons questionner nos choix, tout comme les joueurs. Après le match, je me suis interrogé : aurais-je dû faire jouer un autre joueur? Devais-je opter pour d’autres changements ? La vérité est que nous avons perdu, ce qui signifie que peut-être, en tant qu’entraîneur, j’ai commis des erreurs. Mais il est inutile de s’attarder sur ce qui est passé. Il nous faut plutôt mener une analyse lucide, car c’est demain que se dessine l’avenir du Bénin. Ce rassemblement des U20 doit servir de base à un travail en profondeur pour toutes les catégories de jeunes. Nous devons planter une graine, la cultiver avec soin, et espérer voir les fruits de nos efforts dans les compétitions futures.

 

Avant cette compétition, estimez-vous que le temps de préparation a été suffisant pour asseoir une équipe capable de répondre aux exigences d’un tel tournoi ?

 

Vous mettez le doigt sur un point crucial. Avant de récolter, il faut savoir préparer le terrain. Nous avons eu deux semaines de rassemblement, ce qui est très insuffisant pour espérer des résultats significatifs, même si nous avons montré que nous étions proches du but. A l’avenir, il sera impératif d’organiser des regroupements réguliers à chaque date Fifa pour chaque catégorie d’âge. Il est aussi essentiel de multiplier les matchs amicaux. Plus les joueurs se confrontent à d’autres nations, plus nous serons capables de jauger leur niveau. Certains joueurs sont déjà prêts à supporter la pression, car ils évoluent en championnat. D’autres, en revanche, ont encore besoin de temps et d'expérience. Si nous avions eu davantage de matchs de préparation, nous aurions pu affiner notre sélection. Notre seule opposition avant le tournoi a été une rencontre de 2x40 minutes contre Sitatunga au stade de l’Amitié. Ce qui est bien trop peu pour espérer briller dans une compétition internationale. Au-delà des quatre ou cinq joueurs qui se sont distingués, nous avons vite réalisé que certains joueurs n’avaient ni le niveau ni la préparation mentale nécessaires.

 

Après cette compétition, quelles sont les prochaines étapes ?

 

Nous allons tout d'abord examiner attentivement les prochaines compétitions de cette catégorie U20. L’objectif est d’instaurer des rassemblements tous les trois mois afin de revoir régulièrement l'effectif et de donner une chance à de nouveaux joueurs d’intégrer les sélections. Il faut déjà penser à préparer les futurs U20 qui pourront alimenter la sélection A et épauler des joueurs comme Moumini et Olaïtan dans les Guépards A, dans l'optique de qualification pour la Coupe du monde.

Mathias Deguénon était avec vous au début de cette aventure. A Lomé, nous avons constaté son absence…

 

En effet, une restructuration est actuellement en cours avec le Directeur technique national (Dtn), qui implique une réorganisation des postes de sélectionneurs, adjoints et préparateurs physiques. Mathias (Déguénon) n’a pas pu nous accompagner car il est salarié d’une entreprise, d’un club (Sobemap). Il lui est difficile de répondre aux exigences des deux engagements. Nous sommes néanmoins fiers de lui et du travail qu’il accomplit à Sobemap (4e avec 17 points +5, ndlr). Les instances de la Fédération vont très prochainement nommer officiellement les responsables des différentes sélections, des U15 aux U20, garçons et filles. Nous aurions aimé que ce processus soit plus rapide, mais cela devrait se concrétiser sous peu.

 

En tant que manager général des sélections de catégories d’âge, que prévoyez-vous pour éviter de revivre le même scénario avec les U17 ?

 

Nous avons déjà commencé le travail de fond avec les U15 scolaires (qui ont pris part au tournoi Ufoa-B scolaire). Ce type de rassemblement sera la norme pour toutes les autres catégories. Cela nous permettra de limiter les erreurs de sélection et d’assurer que les joueurs que nous choisissons sont prêts pour les compétitions internationales.

 

Justement, quelles sont les perspectives ?

 

Nous devons établir une feuille de route professionnelle, avec un soutien financier et organisationnel de la Fédération et du ministère des Sports. Il est impératif que chaque catégorie d'âge se réunisse régulièrement, au moins tous les trois mois. Nous devrions aussi ouvrir la porte aux talents binationaux, comme Kenzo (du Dijon Fco), qui a apporté une réelle plus-value à l’équipe. Grâce à ces efforts et à une structure renforcée, je suis persuadé que le Bénin pourra concourir dignement à des compétitions continentales, voire mondiales.

 

Un mot pour conclure…

 

C’est un honneur pour moi que le Bénin m’ait rappelé. Après deux ans et demi passés à Dadjè, j’ai gardé un attachement profond pour le Bénin. Le potentiel est là, mais il est indispensable que la Fédération, le ministère et l’Etat s’unissent pour établir un plan de travail professionnel. Il est aussi important de mobiliser les binationaux, car leur expérience enrichira notre sélection. Je vous demande simplement de nous accorder six mois pour évaluer notre travail, et je suis intimement convaincu qu’au bout d’un an, une de nos sélections, que ce soit les U15, U17 ou U20, pourra se qualifier pour une compétition comme la Can ou même la Coupe du monde. Le potentiel est bien là, mais il faut maintenant se mettre au travail■