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Yessoufou Moukaïla, entraîneur de Tonnerre de Bohicon : « Le championnat oui, mais laisser les clubs se mettre en jambes »

Sports
Par   Maurille GNASSOUNOU A/R Borgou-Alibori, le 08 févr. 2016 à 05h39

La crise du football béninois est plus qu’institutionnelle. Ses grandes victimes sont les clubs. Il y a longtemps qu’ils ne sont plus en compétition. Aux sorties d’une rencontre entre certains acteurs de ce football et les membres du Comité de normalisation (Conor) à laquelle il a participé, l’entraîneur de Tonnerre FC de Bohicon, Yessoufou Moukaïla, exaspéré par la situation, souhaite un rapide retour à la normale.

La Nation : Que pensez-vous des séances de concertation que le Conor a engagées avec les différents acteurs du football béninois, à travers tout le pays ?

Yessoufou Moukaïla : Il faut avoir le courage de le reconnaître, c’est une très bonne initiative. J’espère que ce n’était pas du folklore. Maintenant, qu’est-ce qu'il y aura après ces rencontres? Qu’est-ce que le Conor fera des observations et propositions qui ont été faites par les différents acteurs? C’est ce qu’on attend de voir. Il se pourrait que le président Rafiou Paraïso et les membres de son comité aient déjà en tête, ce qu’ils veulent faire. C’est certainement pour que les acteurs ne leur reprochent pas de ne les avoir pas écoutés, qu’ils ont organisé ces rencontres. S’ils peuvent prendre tout ce qui leur sera dit en compte, on aurait alors gagné quelque chose. Dans le cas contraire, ce serait regrettable pour notre football. Ils vont vouloir organiser le championnat que tous nous appelons de nos vœux et finalement, tout compromettre encore.

Qu’est-ce que vous craignez ?

Ecoutez, en dehors des intérêts du football béninois qui me préoccupent, je ne crains rien. Le plus important, c’est que les compétitions reprennent.

Comment est-ce que votre club vit cette situation, sans championnat ?

C’est vraiment pénible, surtout pour l’entraîneur que je suis et mes joueurs. Certains ne vivent que du football. Imaginez que ce soit l’école qui traversait cette période avec des enseignants à qui, l’Etat ne se trouve plus dans l’obligation de payer le salaire depuis plusieurs mois. Tout serait paralysé. Si au sein des clubs, on avait signé des contrats dignes du nom, les choses se passeraient autrement. Les joueurs sont désœuvrés. Ils passent leur temps à se promener. Pour la plupart, ils sont touchés psychologiquement. Certains parmi eux ne pourront même plus retourner au football ou sur les terrains. En tant qu’entraîneur, vous comprenez mon amertume.

Qu’est-ce que la plupart de vos joueurs sont devenus ?

Chacun d’eux a pris sa direction. Ils se débrouillent. Sincèrement, j’ignore ce qu’ils sont réellement devenus. Certains sont à Bohicon. On se rencontre parfois. Mais pour les autres, je ne sais comment est-ce qu’ils vivent.

C’est à croire que Tonnerre FC ne livre même plus des matches amicaux?

On ne sait même pas, quand est-ce que le championnat va reprendre. Dans ces conditions, quelle est l’utilité de ces matches amicaux. Il ne faut également pas perdre de vue les difficultés auxquelles la plupart des clubs dont le nôtre est confronté. Nous n’avons pas les moyens. C’est difficilement que nous nous entraînons. Certains joueurs n’arrivent pas à manger à leur faim et vous parlez de matches amicaux. Il y a longtemps que nous avons mis un terme aux séances d’entraînement. Lorsque tout rentrera dans l’ordre, nous les reprendrons.

Il y a donc longtemps que votre club ne s’entraîne plus ?

Quel entraînement voulez-vous qu’on fasse, si à la fin, vous n’êtes pas sûrs de subvenir aux besoins des joueurs, parce qu’il n’y a aucune compétition en vue ? Tout le monde est découragé et préfère attendre. C’est vrai que personnellement, j’avais mis quelque chose en place pour pouvoir aider les joueurs disponibles à entretenir leur forme. Mais depuis le démarrage des travaux sur notre aire de jeu avec la pose du gazon synthétique, j’ai pris du recul. Au cours de la rencontre avec le Conor, on a appris que le championnat national de réconciliation va bientôt démarrer. Les clubs ont d’ailleurs été invités à s’inscrire. C’est une nouvelle réjouissante qui nous redonne espoir. Pour nous, crise du football ou pas, il faut que la balle roule à nouveau pour le bonheur de la jeunesse. Malgré les problèmes auxquels la FIFA est confrontée, les éliminatoires de la Coupe du Monde Russie 2018 ont continué à se jouer. Avant de lancer le championnat, le Conor devrait chercher à accorder au moins un minimum de temps aux clubs pour se préparer. Tous reviennent d’une longue période d’inactivité. Je ne sais même pas pourquoi, le Conor tient nécessairement à organiser ce championnat maintenant? Si nous tenons à ce que cette compétition ait un niveau, qu’on laisse les clubs se mettre un peu en jambes, avant de la lancer.
L’organisation de ce championnat fait partie des missions que la FIFA lui a assignées et qui prennent fin le 30 avril prochain.
Je comprends le souci du président Rafiou Paraïso et des membres de son comité. Ils ne veulent pas perdre du temps et tiennent à ce qu’on ne leur dise pas qu’ils n’ont rien fait. Mais là, ce ne sera pas facile pour les clubs. Sinon, combien sont-ils à avoir gardé l’effectif de leurs joueurs ? Ne pouvant pas continuer à leur payer les salaires, ils ne les ont pas gardés. A mon niveau, j’ai personnellement quelques-uns avec lesquels je saurai commencer. La plupart d’entre eux sont les enfants de mon centre et quelques jeunes de Bohicon. C’est la chance que j’ai actuellement. Il ne me sera pas difficile de les rassembler, si les moyens suivent.

Parlant de votre centre, pourriez-vous nous le présenter davantage ?

Créé depuis 7 ans, il a été affilié, il y a pratiquement 4 ans. Il est à Bohicon et participe même au tournoi des centres des formations organisé chaque année par le ministère de la Jeunesse, des Sports et Loisirs. Nous recrutons les joueurs et nous essayons de les former comme on peut¦