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11e édition des Universités des Notaires d’Afrique: Copropriété des immeubles bâtis en Afrique : quels moyens pour son développement ?

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Par   LANATION, le 26 mai 2016 à 08h12

Ouverts mardi 24 mai dernier, à Cotonou, les travaux de la 11e édition des Universités des Notaires d’Afrique se sont poursuivis mercredi. Comme annoncé, la copropriété est au cœur des travaux d’un des ateliers. Le professeur agrégé des facultés de droit, Mayatta Ndiaye Mbaye, a notamment entretenu les participants sur le thème de « La copropriété des immeubles bâtis : solutions africaines ».

Comme prélude à son développement, le professeur Mbaye a recouru à un constat publicitaire dans nos différentes villes avec certains slogans utilisés par les promoteurs immobiliers, notamment: « Prends ton avenir en main, deviens propriétaire »; « C’est bon d’être propriétaire! »; etc. Ceci pour dire que la tendance à l’acquisition de la propriété foncière individuelle est flagrante. Mais, comme cette forme de propriété foncière, la propriété collective n’est pas une nouveauté sur le continent. Mieux, elle est un principe historique en matière foncière en Afrique ; tout comme la propriété privée collective est une situation ancienne. Ce qu’illustrent l’indivision temporaire dans les rapports de famille et la copropriété de la mitoyenneté dans les rapports de voisinages qui se sont imposées comme une nécessité pratique. Et aujourd’hui encore, nous assistons à une véritable explosion des formes de propriété collective, assure-t-il tout en invitant à faire attention à la « fausse propriété collective » qui met en jeu la propriété des biens de la personne morale comme c’est le cas à l’alinéa 1er de l’article 23 de loi sénégalaise de 1988. Cet alinéa dispose : « Lorsque plusieurs lots sont attribués à des personnes qui ont constitué une société propriétaire de ces lots, chaque associé participe néanmoins à l’assemblée générale du syndicat et y dispose d’un nombre de voix égal à la quote-part dans les parties communes correspondant au lot dont il a la jouissance. » Mais, le professeur Mayatta Ndiaye Mbaye va s’appesantir sur les cas de vraies propriétés collectives comme l’indivision ordinaire, plus connue sous le nom d’indivision. C’est, détaille-t-il, la copropriété temporaire par essence où les copropriétaires disposent de la faculté de mettre fin, s’ils le désirent, à la copropriété, en procédant au partage. C’est la forme la plus répandue de propriété collective temporaire. Il en va ainsi lorsque le patrimoine du défunt se résume en une seule entreprise dont l’exploitation fournit l’essentiel de la substance de la famille, ou encore lorsque le partage immédiat risque de conduire à un morcellement des terres. Distinguant plusieurs autres types de copropriété (copropriété en volumes, multipropriété ou propriété spatiotemporelle ou propriété à temps partagé, nouvelle propriété, copropriété forcée…), le professeur Mbaye débouche sur la copropriété des immeubles bâtis qu’il définit comme le « mode d’appropriation des immeubles divisés par étages ou par appartements, dans lesquels chaque copropriétaire est titulaire d’un lot comprenant la propriété exclusive d’une partie privative et d’une quote-part dans la copropriété des parties communes, qui sont la propriété de l’ensemble des copropriétaires et destinés à l’usage de tous.» Cette copropriété est désignée de plusieurs façons : copropriété par appartements, copropriété par lots, copropriété des immeubles divisés en appartements, copropriété divise. Et il explique que dans ces circonstances, tout copropriétaire est, en même temps, propriétaire individuel d’une partie privative et copropriétaire indivis des parties communes. Les parties communes demeurent en indivision forcée car elles sont affectées nécessairement à l’usage commun des propriétaires privatifs.

Ceci dit en prélude, le Professeur Mayatta Ndiaye Mbaye a présenté l’état des lieux et des perspectives de la copropriété des immeubles bâtis en Afrique.

Quel état des lieux et perspectives ?

Pour le professeur Mbaye, quand on parle de la copropriété des immeubles bâtis en Afrique, cela fait appel à deux certitudes, deux constats et un objectif. Comme certitudes, il énumère l’utilité de la copropriété des immeubles bâtis et l’existence d’un droit « moderne » applicable à la copropriété des immeubles bâtis. En termes d’utilité, il relève que la pratique permet de répondre aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux, de remédier à la crise de l’habitat urbain et de rationaliser les terrains constructibles. Et c’est pour cette raison, argumente le professeur, que la pratique se développe essentiellement dans les grandes villes, les grandes agglomérations. Par ailleurs, la copropriété permet de financer l’acquisition de la propriété foncière : c’est un système d’accession à la propriété qui associe chaque copropriétaire aux frais d’achat du terrain. Ces frais partagés sont de moins en moins élevés que le nombre d’appartements construits est plus grand. D’où l’intérêt des tours de plusieurs étages. Comme autres avantages, la copropriété aide à financer la construction immobilière, à réaliser la politique d’habitat de l’Etat et à développer l’habitat. Elle favorise l’investissement immobilier car la propriété des logements est devenue un moyen de placer ses capitaux notamment pour palier la dévaluation monétaire. Enfin, elle assure une meilleure gestion des immeubles et ensembles immobiliers partagés, particulièrement en milieu urbain.
S’agissant de l’existence d’un droit « moderne » applicable à la matière, le professeur Mbaye renseigne que la majorité des pays africains se sont dotés de textes (code foncier ou décrets régissant la copropriété) régissant la copropriété des immeubles bâtis. Il en est ainsi notamment de l’Algérie, du Bénin, du Burkina Faso, du Sénégal, de la Tunisie, du Tchad. Dans tous les cas où les textes ont été identifiés, il s’observe que ces textes sont essentiellement similaires. En effet, signale le professeur Mbaye, leur source d’inspiration est le régime français de la copropriété des immeubles bâtis aujourd’hui contenu dans la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis en France et son Décret d’application n° 67-223 du 17 mars 1967 relatif au statut de la copropriété des immeubles bâtis en France.
Pour ce qui est des constats, ils relèvent de la timidité dans le développement de la copropriété des immeubles bâtis en Afrique et de la diversité des difficultés de la copropriété des immeubles bâtis en Afrique.
Sur le premier constat, le professeur fait observer que si dans certains Etats la copropriété se développe activement, dans d’autres, le rejet de la copropriété verticale comme mode résidentiel a pu être vérifié avec l’échec de la commercialisation d’ensembles immobiliers qui n’ont pu être cédés, soit parce que le coût était prohibitif, soit parce que les populations préfèrent avoir un droit de propriété individuelle plutôt qu’une partie de l’immeuble collectif édifié. Cela traduit, à son avis, un fort attachement au sol qui se matérialise notamment par la facilité de morcellement et la vente des possessions coutumières révélatrices d’une forte aspiration à la petite propriété.
Il apparaît alors que la perception sociologique et psychologique erronée de la copropriété des immeubles bâtis constitue un des obstacles majeurs au développement de la copropriété des immeubles bâtis en Afrique. Un appui des praticiens de l’immobilier et du foncier que constituent les notaires s’avère donc indispensable à l’expansion de cette forme de propriété foncière adaptée au développement de nos villes.

Quelles solutions africaines donc ?

Le professeur préconise, pour le développement de la copropriété des immeubles bâtis en Afrique, les solutions suivantes : la maîtrise de la mise en copropriété et la diligence dans la gestion des immeubles en copropriété. Sur le plan juridique et technique, il considère comme nécessaires la détermination du champ d’application de la copropriété et la matérialisation de la copropriété des immeubles bâtis. Il souligne que la copropriété n’est effective que si l’immeuble qui en constitue l’objet existe et est divisé en lots. Sur l’existence de l’immeuble, le professeur enseigne que deux conditions sont exigées pour que l’immeuble soit en copropriété : il doit être bâti (Il est donc impropre au sens de cette présentation de parler de copropriété au sens des dispositions spécifiques qui nous intéressent lorsqu’il s’agit d’un immeuble non bâti, d’un terrain nu. L’absence de constructions équivaut à l’absence de lots et à l’existence d’un bien unique, le terrain, donc un droit de propriété unique. Ainsi, le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne s’applique qu’à l’achèvement des travaux et à l’entrée en possession des copropriétaires. Sont exclus du domaine d’application, les immeubles en cours de construction. En attendant leur achèvement, ils sont soumis au régime de l’indivision de droit commun.). L’immeuble doit également être susceptible d’appropriation privée car il ne suffit pas que l’immeuble soit bâti. Il faut également qu’il le soit sur un terrain susceptible d’appropriation privée afin que les lots puissent, eux aussi, faire l’objet d’appropriation privée par les copropriétaires. Et le professeur renseigne ici que tous les régimes de copropriété analysés apprécient une telle condition juridique comme une évidence.
Néanmoins, en Côte d’Ivoire et au Maroc, tout immeuble bâti peut faire l’objet de copropriété, qu’il s’agisse d’immeubles immatriculés, en cours d’immatriculation ou non immatriculés (article 1 alinéa 1 du décret ivoirien n°2013-225 du 22 mars 2013 portant règlementation du statut de la copropriété et article 1 de la loi marocaine n° 18.00 relative au statut de la copropriété des immeubles bâtis). En République démocratique du Congo, le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat (article 53 loi relative au régime foncier). Dès lors, la propriété immobilière existe car le droit concédé par l’Etat sur le sol est totalement distinct du droit de propriété du concessionnaire sur l’immeuble édifié. D’où la notion de propriété immobilière et la possibilité de mettre en place une propriété en volumes.

Des types de copropriété et quelques exigences

La copropriété exige le respect d’un formalisme qui fait qu’elle ne peut être présumée. En effet, le régime de la copropriété des immeubles bâtis s’applique à tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots comprenant chacun une partie privative et une quote-part des parties communes. Ainsi, le statut de la copropriété s’applique obligatoirement : soit à la copropriété verticale, c’est-à-dire à un immeuble divisé par appartements, étages ou locaux : c’est le plus fréquent en pratique ; soit à la copropriété horizontale, c’est-à-dire à un ensemble homogène de plusieurs immeubles bâtis sur un terrain commun. Il peut s’agir notamment de résidences constituées d’habitations contigües et séparées sous forme de petites maisons individuelles privatives bâties sur un terrain commun et dotées d’équipements communs. Mais le régime de la copropriété des immeubles bâtis ne s’applique que lorsque l’immeuble est divisé par lots, chaque lot comprenant un droit de propriété sur une partie privative déterminée et un droit de copropriété sur les parties communes. La division par lots, suivie de l’appropriation de ces lots par différents acquéreurs, constitue le critère de l’application obligatoire du régime de la copropriété des immeubles bâtis. Mais encore faudra-t-il matérialiser la copropriété. Cela nécessite la maîtrise de la pratique des montages de mise en copropriété des immeubles bâtis et la disponibilité des actes de mise en copropriété des immeubles bâtis.
En outre, si la gestion de la copropriété peut parfois poser problèmes, le problème Mbaye recommande pour sa meilleure gestion la diligence et la collaboration des parties prenantes, l’équité et la transparence dans la gestion et la flexibilité dans le traitement du contentieux de la propriété. Ces recommandations vont toutes dans le sens de la réunion des conditions d’une jouissance paisible des lots privatifs dans le respect des droits des voisins. Et il faut avoir à cœur que la copropriété étant une propriété collective forcée, ne peut être éteinte que dans des cas exceptionnels, comme la réunion de l’ensemble des lots de la copropriété entre les mains d’une même personne, la scission d’une copropriété d’un ensemble immobilier lorsque les immeubles qui le composent peuvent, individuellement, faire l’objet d’une copropriété. Cette situation n’entraîne pas d’ailleurs une extinction pure et simple de la copropriété mais plutôt la création de plusieurs copropriétés. Ainsi, vu l’utilité de la copropriété, l’ensemble des parties prenantes (copropriétaires, organes de la copropriété, notaires, banques, Administration foncière, pouvoirs politiques) doivent œuvrer à l’appropriation du droit la copropriété des immeubles bâtis en Afrique. ?