La Nation Bénin...
Les
députés ont adopté, vendredi 21 juin, la loi n°2024-27 sur l’urbanisme dont ils
avaient suspendu, la veille, l’examen à l’étape du livre VI abordant les
dispositions répressives. Lesquelles dispositions avaient suscité un tollé
général dans les rangs des élus du peuple, toutes tendances confondues, du fait
de la nature des infractions assorties de sanctions jugées sévères et
inadaptées aux réalités du Bénin.
L’ajournement
de l’examen du projet de loi sur l’urbanisme en République du Bénin décidé par
les députés en leur séance plénière du jeudi 20 juin dernier, n’a été que de
très courte durée. Les travaux sur le dossier, suspendus la veille, ont été
relancés, vendredi 21 juin dernier, et achevés. La loi a été adoptée par 80
voix pour, 28 contre et 00 abstention. Seuls les élus de la majorité présidentielle ont approuvé la
loi. Les députés Les Démocrates (Ld), parti de l’Opposition, ont voté contre le
texte.
Les choses sont allées très vite à la relance et la poursuite de l’examen de la loi. Le président de la commission en charge du Plan, Lambert Agongbonon a fait part à la plénière des fruits de sa concertation avec ses collègues députés. Ces derniers avaient eu la dent dure contre le livre VI qui va des articles 150 à 167 réprimant notamment les violations des documents d’urbanisme ; les infractions relatives aux opérations d’aménagement urbain ; les infractions relatives au permis de construire avec recours aux architectes ou de démolir et les infractions relatives aux zones de montagne ou de colline. Les députés avaient demandé le report sine die de l’examen du texte trouvant les dispositions de ce livre trop répressives et inadaptées aux réalités du Bénin. Ils ont jugé nécessaire de reculer afin de mieux sauter dans l’examen de ce projet de loi en se donnant le temps de revoir les articles querellés.
Les architectes incontournables
Revenant
sur la question vendredi dernier, le président de la commission en charge du
Plan de l’Assemblée nationale, a expliqué que les infractions et sanctions de
ce livre VI ne sont rien d’autre que la reconduction des dispositions du code
pénal et de la loi-cadre sur l’environnement déjà en vigueur. Il n’y a rien de
nouveau dans le texte qui corse la répression en matière d’urbanisme. Bien au
contraire, apaise Lambert Agongbonon, certaines amendes ont été revues par
endroits à la baisse par rapport à ce qui est prévu dans le code pénal adopté
en 2018 par le même Parlement. Ces explications ont convaincu le député Assan
Séïbou, auteur de l’alerte et de la demande d’ajournement de l’examen du texte.
L’élu du peuple a dit, au regard des éclaircissements du président de la
commission en charge du Plan, qu’il préfère les sanctions prévues dans la loi
sur l’urbanisme plutôt que celles trop répressives du Code pénal. Assan Séïbou
a invité ses collègues qui l’ont suivi dans le report des travaux sur le
dossier à faire marche arrière encore avec lui pour un vote à l’unanimité du
texte. Le député Malick Gomina, plus préoccupé, plaide pour que la loi soit
assortie d’une période transitoire d’un certain nombre d’années avant sa mise
en œuvre comme ce fut le cas pour le code foncier domanial. Ce temps mort
permettra de sensibiliser fortement les populations aux dispositions de cette
loi sur l’urbanisme. Cette sensibilisation, embraye Armand Gansè, est
nécessaire avant l’application de cette loi pour mettre les citoyens des villes
et campagnes à l’abri des effets de ce texte ; surtout dans un pays où chacun
veut être chez soi et construire sa propre maison.
«
Il faut légiférer pour les hommes et non pour la beauté des choses», a asséné
le député de l’Opposition, Eric Houndété. L’élu Ld dit ne pas être du tout
convaincu par les explications du président de la commission en charge du Plan
soutenant que les dispositions répressives querellées ne sont que des
copier-coller notamment du Code pénal.
Clarifications apaisantes
Mais des clarifications apaisantes viendront des députés Aké Natondé et Jérémie Adomahou. Ils rassurent tous que les dispositions contraignantes qui inquiètent plus d’un à savoir notamment disposer d’un permis de construire avant toute construction ou d’un permis de démolition avant toute démolition ne concerne pas toutes les communes du Bénin. Ces mesures ne touchent que les localités disposant d’un plan d’urbanisation ou d’aménagement urbain. Certaines zones de la même commune peuvent ne pas être concernées par les dispositions, apaise le député Jérémie Adomahou, spécialiste de l’Aménagement du territoire.
Mettant
fin au débat, le président de l’Assemblée nationale, Louis Vlavonou, président
de céans, a invité ses collègues à s’en tenir aux explications rassurantes de
l’élu de la majorité présidentielle. Sur ce, le livre VI sera mis au vote et
adopté.
Le
septième et dernier livre de la loi sera de même adopté mais sans grand débat
ici. Conformément à la procédure parlementaire, l’ensemble de la loi en examen
sera voté. Le vote est sanctionné par un score de 80 voix pour et 28 contre.
Les
infractions et sanctions à l’aune de la nouvelle loi sur l’urbanisme
Article
150
Les
documents et projets d'urbanisme élaborés ou réalisés en violation des
dispositions de la présente loi sont nuls et de nul effet. La nullité est
prononcée, selon le cas, par l’autorité administrative supérieure à l’autorité
compétente pour établir les documents ou, le cas échéant, les approuver. Elle
est prononcée par voie de justice, lorsque les documents et projets ont été
régulièrement approuvés, sauf retrait effectué par l’autorité compétente de sa
propre initiative.
Article
151
Toute
personne auteur d'altérations frauduleuses, de contrefaçon, d'utilisation à des
fins frauduleuses des documents d'urbanisme, est passible de peines prévues aux
dispositions de la présente loi, ou à défaut, du code pénal.
Article
152
Toute
personne, urbaniste, architecte, géomètre-expert, ingénieur génie civil
promoteur immobilier, technicien, entrepreneur coupable de violation du secret
professionnel dans le cadre de la préparation des documents d’urbanisme pour le
compte d’une collectivité publique est passible d'une sanction administrative
conformément aux textes régissant la corporation concernée et le cas échéant,
des peines prévues par la loi pénale.
Article
153
Est passible d'une amende de deux millions (2 000 000) francs Cfa à vingt millions (20 000 000) francs Cfaet, en cas de récidive, d'une amende de dix millions (10 000 000) francs Cfa à trente millions (30 000 000) francs Cfa et d'un emprisonnement de six (06) mois à trois (03) ans quiconque :
-initie
une opération d’urbanisme ou d’aménagement urbain sans autorisation préalable
ou poursuit cette opération malgré une
décision administrative ordonnant qu'il soit sursis à l'exécution de
l’opération ; change de destination des réserves foncières prévues dans les
plans d’aménagement urbain, en violation des dispositions légales en vigueur ;
-ne
respecte pas la destination du zonage dans les opérations d’aménagement urbain ;
-ne
respecte pas les prescriptions inscrites dans un certificat d’urbanisme ;
-morclle
des réserves foncières à des fins spéculatives.
Article
154
Est punie d'une amende d'un million (1 000 000) francs Cfa à dix millions (10 000 000) francs Cfa et, en cas de récidive, d'une amende de cinq millions (5 000 000) francs Cfa à vingt millions (20 000 000) francs Cfa, tout lotisseur, sauf en vertu d’une dérogation, qui vend ou loue des terrains bâtis ou non, compris dans un aménagement urbain non autorisé ou non achevé.
Article
155
L’opposition
à l’inspection des travaux en cours ou achevés par les autorités compétentes
est sanctionnée par une amende de trois cent mille (300 000) francs Cfa par
jour. En cas de récidive, l'amende est portée au double.
Article
156
Est
puni d’une amende évaluée à dix (10) fois les frais d’étude au mètre carré de
construction multipliés par la superficie totale des constructions mises en
cause, quiconque réalise une construction sans permis de construire ou procède
à une démolition sans permis de démolir. Cette amende est assortie de l’arrêt
des travaux.
Article
157
Est
puni d’une amende de cinquante mille (50 000) francs Cfa par jour de travail
supplémentaire, quiconque ne respecte pas la décision d’arrêt ou de suspension
des travaux.
Article
158
Est
puni d’une amende de deux cent mille (200 000) francs Cfa, quiconque n’affiche
pas le permis de construire. Cette amende est assortie de la suspension des
travaux.
Article
159
Est
puni, d’une amende de cinquante mille (50 000) francs Cfa par jour de retard
d’affichage, après le constat du défaut d’affichage, quiconque ne respecte pas
le délai imparti pour se conformer à l’obligation d’affichage du permis de
construire.
Article
160
Est
puni d’une amende de deux cent mille (200 000) francs Cfa, quiconque n’implante
pas de panneau de chantier.
Article
161
Est
puni d’une amende de cinquante mille (50 000) francs Cfa par jour de travail
supplémentaire, quiconque poursuit des travaux dont la suspension est ordonnée.
Article
162
Est
puni d’une amende de deux cent mille (200 000) francs Cfa par jour de retard,
quiconque ne respecte pas le délai imparti pour la mise en conformité des
ouvrages ou des travaux au permis de construire.
Article
163
Est puni d’une amende d’un million (1 000 000) de francs Cfa, quiconque ne respecte pas la note méthodologique de la démolition.
Article
164
Est puni d’une amende de cent mille (100 000) francs Cfa, quiconque réalise une construction sans recours au professionnel requis.
Article
165
Quiconque
jette, déverse, délaisse, ou écoule directement ou indirectement dans les cours
d'eau, rivières ainsi que dans les plans d'eau à proximité des zones de
montagne et de colline, des substances quelconques ayant porté atteinte à la
vie des poissons, à leur alimentation ou à leur reproduction est puni d'une
peine d'emprisonnement de six (06) mois à cinq (05) ans et d'une amende de cinq
cent mille (500 000) francs Cfa à cinquante millions (50 000 000) de francs
Cfa.
Article
166
Quiconque
coupe ou détruit de la végétation, quelle qu’elle soit, accrochée aux montagne
et colline est passible d'une amende de dix mille (10 000) francs Cfa à
cinquante mille (50 000) francs Cfa.
Article
167
Toute
construction en matériaux définitifs dans les zones de montagne et de colline
sans autorisation de construire est puni d’une amende de cinq cent mille (500
000) francs Cfa à cinq millions (5 000 000) de francs Cfa■