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Assemblée nationale: Une procédure de révision constitutionnelle enclenchée

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L’honorable Assan Séïbou L’honorable Assan Séïbou

Une proposition de loi portant révision de la Constitution est introduite, vendredi 26 janvier dernier, à l’Assemblée nationale. L’initiative émane du député Assan Séïbou, président du Groupe parlementaire Bloc républicain (Br) qui propose notamment une réorganisation du calendrier électoral en 2026 de sorte à avoir l’élection présidentielle avant les législatives et communales. 

Par   Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau, le 29 janv. 2024 à 00h21 Durée 4 min.
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La proposition de révision constitutionnelle touche deux articles de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin telle que modifiée par la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019.  Il s’agit des articles 42 alinéa 2 et 153 de la loi fondamentale. L’alinéa 2 de l’article 42 actuellement en vigueur dispose: « En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats présidentiels ». Cette disposition avait été initiée pour épargner définitivement le Bénin de la dérive de troisième mandat présidentiel. Le député Assan Séïbou trouve, toutefois, cette disposition de l’article 42 alinéa 2 telle que rédigée et libellée pas très correcte parce qu'elle prêterait à plusieurs interprétations, y compris celle qui autorise une troisième candidature après une double élection présidentielle. Ainsi, pour régler une fois pour de bon la question et consolider cet article 42 alinéa 2, l’auteur de la proposition de révision constitutionnelle propose la reformulation suivante : « Dans tous les cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats présidentiels ». Cette réécriture permettra de mettre fin à la crainte du troisième mandat présidentiel au Bénin que certains tentent de distiller dans l’opinion publique, espère l’auteur de la proposition de loi constitutionnelle.

L’article 153 fixe surtout l’ordre des élections à savoir législatives/communales en couplage organisées avant l'élection  du duo président de la République et vice-président de la République au cours de l’année électorale et les conditions d’attributions des sièges en ce qui concerne notamment les élections des députés et des conseillers communaux. Le député Assan Séïbou trouve impertinentes, imprécises et confuses par endroits certaines dispositions des alinéas 1,2 et 3 de cet article 153 de la Constitution. Il propose d’inverser l’ordre des élections de sorte à rétablir la prééminence de l’élection présidentielle dans le cycle électoral. Si cette proposition d’inversion est adoptée, l’élection présidentielle aura lieu en 2026 avant les deux autres. Cela constitue par ailleurs, une solution législative qu’appelle la Cour constitutionnelle dans sa décision Dcc n°24-001 du 4 janvier 2024 en vue de satisfaire aux principes de l’égalité et de légitimité des députés et maires devant parrainer les candidats à l’élection présidentielle au Bénin.

« A titre d’élections générales, sont organisées dans une même année électorale, l’élection du duo président de la République et vice-président de la République, puis simultanément, celles des députés et des conseillers municipaux », dispose l’article 153-1 nouveau. 

Mandat du président Talon écourté ? 

L’article 153-2 nouveau, toujours aux termes de la proposition de modification constitutionnelle, est libellé comme suit : «L’élection du duo président de la République et vice-président de la République est organisée le premier dimanche du mois de février de l’année électorale. Un second tour de scrutin est organisé, le cas échéant, le quatrième dimanche du mois de février. En aucun cas, l’élection du duo président de la République et vice-président de la République ne peut être organisée simultanément avec les élections législatives et les élections communales. Dans tous les cas, le président de la République élu entre en fonction et prête serment le deuxième dimanche du mois de mars ». Le député Assan Séïbou n’a pas fait les choses à moitié. Il a prévu, dans sa proposition de loi, le calendrier des élections législatives et communales à organiser en couplage. « Les élections couplées, législatives et communales, sont organisées le troisième dimanche du mois de mai de l’année électorale. Les députés élus à l’Assemblée nationale entrent en fonction et sont installés le deuxième dimanche du mois de juin. Les conseillers communaux élus entrent en fonction et sont installés dans les conditions prévues par la loi », détaille l’article 153-3 nouveau de la proposition de loi portant révision de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin telle que modifiée par la loi n°2019-40 du 7 novembre 2019. Si le dossier passe en l’état au Parlement, le mandat actuel du président de la République, Patrice Talon, qui devrait s’achever en mai 2026 prendra fin plus tôt que prévu. Le mandat va finir en mars 2026, c’est-à-dire à l’entrée en fonction du chef de l’Etat élu à l’issue de l’élection présidentielle de 2026. Il en serait de même pour le mandat de la vice-présidente de la République, Mariam Chabi Talata. Les députés de la neuvième législature verront, quant à eux, leur mandat prorogé de quatre mois environ. Au lieu du 11 février 2026, la mandature parlementaire sera prolongée jusqu’à l’installation, le deuxième dimanche du mois de juin 2026, des membres de l’Assemblée nationale, dixième législature. Le statu quo est presque observé au niveau de la période de fin de mandat des conseillers municipaux et communaux actuels. Il n’y a eu ici ni de prorogation ni de réduction de mandat.

Approche inclusive privilégiée

Le député Assan Séïbou, avant de déposer sa proposition de loi de révision constitutionnelle, vendredi 26 janvier dernier, aurait pris soin de partager, apprend-on, son intention d’initier ce dossier avec ses deux autres collègues présidents de groupes parlementaires. Il aurait approché, en marge de la séance plénière du mercredi 24 janvier dernier, le président Aké Natondé du Groupe parlementaire Union progressiste (Up) Le Renouveau et Nourénou Atchadé, président du Groupe parlementaire Les Démocrates (Ld), parti d’opposition. Assan Séïbou aurait mis les deux au parfum de son initiative de soumettre à modification certaines dispositions de la Constitution béninoise. Par la même occasion, le président du Groupe parlementaire Bloc républicain (Br) aurait invité ses deux collègues à accompagner l’initiative pour un large consensus et un heureux aboutissement en son temps dès que le dossier sera abordé en commission en charge des Lois puis en plénière. Sa doléance ne serait pas tombée dans l’oreille d’un sourd d’autant qu’on apprend que chaque Groupe parlementaire aurait prévu de discuter à l’interne du dossier pour décider de qui est convenable à son avis.

Une procédure législative particulière

La révision de la Constitution n’obéit pas à la même procédure législative d’examen que les projets ou propositions de lois ordinaires. La procédure ici est particulière et exige deux étapes. Comme c’était d’ailleurs le cas, lors de la modification constitutionnelle réussie de 2019. D’abord, l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République, après décision prise en Conseil des ministres, et aux membres de l’Assemblée nationale, comme c’est le cas actuellement du député Assan Séïbou. Seulement, le dépôt du dossier n’est juste qu’une formalité. Il permet d’enclencher la procédure. Le dossier devra être affecté à la Commission en charge des Lois du Parlement pour étude et rapport. Le rapport sera programmé pour être examiné en séance plénière. L’examen en plénière suit deux grandes étapes législatives. Il y a l’étape de la prise en considération de la proposition de révision constitutionnelle. Laquelle doit être votée à la majorité des trois-quarts des membres composant l’Assemblée nationale. Ainsi, pour que la proposition de loi constitutionnelle de Assan Séïbou franchisse cette première phase, le dossier doit être adopté par 82 députés au moins, c’est-à-dire les ¾ des 109 députés actuels. Vient ensuite la seconde étape. La proposition de révision ne sera acquise qu’après avoir été approuvée par 88 députés au moins, équivalant à la majorité des 4/5 des parlementaires. « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale», prévoit l’article 155 de la Constitution béninoise. «Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l’État ne peuvent faire l’objet d’une révision », précise l’article 156. Il est utile de préciser que sur les 109 députés que compte la 9e législature, 53 sont de l’Up Le Renouveau ; 28 du Br et les 28 autres de Ld. Ce qui fait un effectif numérique de 81 députés pour la majorité présidentielle contre 28 pour l’opposition parlementaire. Ainsi, comme cela se voit, une synergie des forces politiques est nécessaire pour la réalisation de la double étape de la procédure législative. C’est en cela que l’approche inclusive privilégiée par le président du Groupe parlementaire (Br), Assan Séïbou, auteur de la proposition de loi constitutionnelle, pour une mobilisation de tous les députés autour de son initiative est bien réfléchie.