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« Fowatexi », la foire des terroirs à Ouidah: Le goût typique de la gastronomie ancestrale

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Des officiels en rang pour se faire servir. Au milieu, le maire de la commune de Ouidah Des officiels en rang pour se faire servir. Au milieu, le maire de la commune de Ouidah

Des mets des terroirs à déguster à volonté ! Ouidah n’est plus seulement cette belle, historique et touristique cité aux mille attraits. Elle tend de plus en plus la main à ses visiteurs et les draine vers des saveurs culinaires inédites. 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 14 août 2024 à 08h16 Durée 3 min.
#foire des terroirs à Ouidah

Du Kowé avec Yoyoê, du Abla, Ôlêlê, Bomiwô, Bêounjou, Akpan, Lihan, Hwesisôja, Abôbô (le fameux plat fumant de haricot), O'nkpa, Adôwê, Gali yiyan, Jo'ngoli, Bokoun, Kaklou, Klêklê... pour qui connait les recettes culinaires du Bénin, cette short list ne représente qu’une infime partie des mets traditionnels devenus rares. Pour les apprécier, ou du moins les retrouver avec leurs saveurs originales, il faut aller dans certaines localités reculées du pays où des personnes d’un certain âge continuent de les perpétuer en attendant de disparaître avec ce savoir-faire ancestral. Fort heureusement, tous les premiers samedis du mois, « Aux Retrouvailles » de Vasexo dans la commune de Ouidah, il y a moyen de se replonger dans les vieilles marmites à travers une gamme de mets devenus rares. A l’air libre, en connexion avec les 37 degrés des lieux et du corps humain, à partir de midi, place à la dégustation. Les visiteurs sont projetés dans l’univers des vieilles marmites autour des artisans. Les mets ne sont ni emprisonnés dans du plastique, ni exposés au soleil; ils prennent leur aise dans des contenants en calebasse et en terre cuite. Ceux qui ont déjà fait le tour l’ont érigé en un rendez-vous immanquable. Tous les premiers samedis du mois, « Aux Retrouvailles » de Vasexo dans la commune de Ouidah, les inconditionnels du bon goût se donnent rendez-vous avec Fowatexi, la foire des terroirs de Ouidah. 

Il y en a pour toutes les générations et pour tous les goûts avec des recettes de grand-mère et la cuisine à l’ancienne. Des mets locaux devenus rares ou en disparition, d’autres galvaudés par les cuisines contemporaines retrouvent à Ouidah leur goût authentique et se laissent apprécier. Depuis plusieurs mois, cette initiative des artisanes de Ouidah accueille du monde. Chaque édition draine son lot de férus et de nouveaux adhérents qui dégustent, apprécient, emportent et prennent date pour une édition à venir. 

Se reconnecter aux saveurs

Si l’initiative a pris ses quartiers à Ouidah, ce n’est pas par hasard. La cité des Kpassè est l’une des rares villes du pays où toutes les ethnies du Bénin sont représentées par l’histoire, explique Yvonne Adjovi Mehouèdé, conseiller technique à l’Ecocitoyenneté et à la déconcentration au ministère du Cadre de vie et des Transports en charge du Développement durable. La native de Ouidah fait partie des bénévoles engagés à travailler à la visibilité et à la promotion de l’évènement. Elle y prend son aise tous les premiers samedis du mois, accueille, oriente, conseille, partage, explique. « Ce marché s’anime pour mettre un peu en expo-vente les savoir-faire climatiques, traditionnels et ancestraux qui aujourd’hui sont économiques et répondent à l’écotourisme», laisse-t-elle entendre. C’est davantage le savoir-faire des rares artisanes à détenir encore le secret de la vieille cuisine que met en exergue l’auteure Wlanvi Akoşiba Micheline Adjovi, une autre bénévole dont l’engagement pour le développement de la ville de Ouidah se laisse apprécier au détour de cette initiative dénommée Fowatexi, la foire des terroirs de Ouidah. Infatigable et sur plusieurs fronts à la fois, elle sonne par tous les moyens la mobilisation autour de l’évènement. Celle à qui l’on doit des ouvrages comme « Ouidah, fille légataire de l’Égypte antique», « Xwéda vodoun dagbé, le python tutélaire du peuple Xwéda », justifie son engagement par la volonté de promouvoir le génie des rares femmes qui détiennent encore le savoir-faire culinaire de certains mets locaux. « A la foire des terroirs, on déguste des repas typiquement béninois qui ont disparu des assiettes. Il faut qu’elle soit suffisamment connue », exhorte Yvonne Adjovi Mehouèdé. 

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Samedi 1er juin ! Les premiers habitants de la ville de retour de leur rituel de plantation d’arbres se sont donné rendez-vous pour un moment de partage. A peine ont-ils pris quartier que le calme légendaire des lieux est perturbé par un bruit inhabituel de véhicules haut de gamme. On reconnait à chaque portière qui s’ouvre, des personnalités de la vie politique du pays. Préfet, maires, députés, personnalités politiques de tous ordres et leurs accompagnateurs, cadres et natifs de Ouidah. De retour de la tournée gouvernementale de reddition de comptes aux populations, étape de Ouidah, Christian Houétchénou, édile de la cité des Kpassè, a convoyé une partie de ses hôtes sur les lieux pour leur présenter cette expérience unique qu’abrite sa ville. On le voit heureux et souriant, faisant le tour des stands et présentant à ses invités les menus du jour. L’odeur qui s’y échappe n’a pas permis à certains de se contenir plus longtemps. Calebasse de Akpan et de Tchakpalo, dégustation des fretins frits à l’huile rouge, de Abla, de Kêklê ont ponctué cette visite qui n’a pas pu aller à son terme, tellement les invités avaient hâte de se reconnecter à ces saveurs qui ont bercé l’enfance de chacun d’eux et qui, au fil du temps, ont cédé place à la cuisine venue d’ailleurs et d’autres saveurs. 

Révéler les mets traditionnels

Entre rires, souvenirs, anecdotes, et nostalgie, les plats se vidaient les uns après les autres. Les vendeuses, elles, quelque peu débordées, faisaient la navette entre les tables. Chacune d’elles tenait à faire partager sa spécialité. Cette fête improvisée autour des mets du terroir va durer un peu moins de deux heures au bout desquelles ces hôtes de marque vident les lieux, l’air content et épanoui, tels des gamins au retour d’une séance de maraudage. Ils sont repartis en promettant en majorité aux artisanes de revenir. « Tous les premiers samedis du mois, nous serons désormais avec vous… Ce que vous faites est excellent », promettent à la fois le maire d’une commune voisine et un député. Des contacts sont échangés pour des commandes à l’occasion de réceptions ou pour les besoins des familles. Quelques-uns des invités repartent aussi avec des plats acquis. Si pari il y avait, il aura été gagné pour le maire de Ouidah qui est resté, tel un veilleur de nuit, à assurer la navette entre ses invités et les artisanes, sans doute pour s’assurer que chacun est satisfait. De quoi faire aussi la satisfaction des accompagnatrices de l’initiative, Micheline Adjovi et Yvonne Adjovi Mehouèdé pour qui, « ce rendez-vous révèle les semences authentiques par la culture ethnique et la tradition éthique ».

« Cette foire est spéciale. Elle est mise en place pour révéler les mets traditionnels en voie de disparition. Nous avons voulu mettre en place et soutenir cette initiative pour que le Abla, le Ata tchitchi… qui sont notre spécialité à Ouidah et qui disparaissent, puissent reprendre vie et se révéler », soutient Christian Houétchénou, maire de Ouidah. « Nous voulons réintroduire ces mets dans le quotidien des Béninoises et des Béninois… De plus en plus de personnalités dans les réceptions, demandent ces mets locaux de Ouidah pour les servir à leurs invités de marque. C’est quelque chose d’exceptionnel à l’actif des initiatrices de cette foire », apprécie-t-il. « Nous allons poursuivre sur cette lancée, améliorer le cadre et les conditions d’accueil. La mairie mettra les moyens à disposition pour soutenir cette initiative et lui apporter plus de visibilité», s’engage-t-il ensuite. Pour l’édile, sa commune a tout à gagner à travers cette initiative qui lui «apporte beaucoup de visibilité». Il y voit aussi une aubaine pour que ces savoir-faire ancestraux ne disparaissent et mieux encore, une belle offre pour la promotion de l’économie locale. « Nos femmes, nos mamans, nos sœurs qui animent cette foire doivent être capables avec cela de nourrir leurs familles et de subvenir à leurs besoins », c’est pourquoi « la mairie veut aussi accompagner financièrement l’initiative », rassure l'édile de Ouidah