La Nation Bénin...
La Cour constitutionnelle,Saisie d’une requête du 08 août 2011 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 1801/097/REC, par laquelle monsieur Noël Olivier Koko forme un recours pour «contrôle de constitutionnalité de l’accord sur la revalorisation du point indiciaire du personnel de l’Etat signé le vendredi 5 août 2011 entre le gouvernement et les syndicats»;
Saisie d’une autre requête du 06 décembre 2011 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 2483/153/REC, par laquelle monsieur Jean Sourou Agossou forme un recours contre le décret n° 2011-505 du 05 août 2011 portant institution d’un coefficient de revalorisation des indices de traitement des agents de l’Etat pour violation de la Constitution ;
Saisie enfin par une requête du 04 décembre 2013 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 2273/180/REC, par laquelle monsieur Stéphane François Djossinou Ahouan-djinou introduit devant la haute juridiction une «dénonciation du caractère discriminatoire du décret n° 2011-505 du 05 août 2011 et violation des droits économiques des travailleurs et des retraités.»;
Vu la Constitution du 11 décembre 1990 ;
Vu la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Maître Simplice C. Dato en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Contenu des recours
Considérant que monsieur Noël Olivier Koko expose : «…En se basant sur la décision DCC 11-042 du 21 juin 2011, la Cour constitutionnelle a dit et jugé que la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de finances dispose en son article 1er alinéas 3 et 4 : "Lorsque des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n’ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente loi … ces transformations d’emplois ainsi que les recrutements, les avancements et modifications de rémunérations ne peuvent être décidés s’ils sont de nature à provoquer un dépassement des crédits annuels préalablement ouverts ; que l’incidence financière découlant du coefficient de revalorisation du traitement indiciaire de 1,25 accordé au personnel de l’Etat en service au ministère de l’Economie et des Finances n’est pas prévue au budget général de l’Etat exercice 2011 ; que, dès lors, il y a lieu pour la Cour de dire et juger que le décret n° 2011-335 du 29 avril 2011 est contraire à la loi organique précitée et par conséquent à la Constitution" alors que dans le relevé des conclusions des négociations gouvernement/syndicats paru dans le quotidien béninois d’information et d’analyses "la presse du jour" n° 1446 du 08 août 2011 précisément en son point 2.3 "… l’application du coefficient de revalorisation de 1,25 de l’indice de traitement au profit du personnel du ministère de l’Economie et des Finances prend effet à compter du 1er janvier 2011…" Au surplus, dans la loi de finances pour l’exercice 2011 en vigueur, nulle part cette charge n’y est prévue comme l’affirme la Cour constitutionnelle dans sa décision précitée. …En mentionnant dans le relevé des décisions au point 2.3 que "… L’application du coefficient de revalorisation de 1,25 de l’indice de traitement au profit du personnel du ministère de l’Economie et des Finances prend effet à compter du 1er janvier 2011", le gouvernement viole le principe de l’autorité de la chose jugée attachée à la décision DCC 11-042 du 21 juin 2011 et par conséquent viole l’article 124 de la Loi fondamentale qui dispose : "Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application. Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles"»; qu’il demande à la haute juridiction de « déclarer contraire à la Constitution l’accord sur la revalorisation du point indiciaire du personnel de l’Etat signé le 5 août 2011 entre le gouvernement et les syndicats dans la mesure où ce n’est pas prévu dans le budget exercice 2011» ;
Considérant que pour sa part, monsieur Jean Sourou Agossou expose « Courant août 2011, il m’a été donné de savoir que les salaires des agents du ministère de l’Economie et des Finances ont connu une majoration de 25 %.
J’ai aussitôt entrepris des investigations en vue de connaître le fondement de cette opération en adressant à monsieur le Premier ministre, président de la commission nationale permanente de concertation et de négociation collectives gouvernement/centrales et confédérations syndicales, un courrier en date du 1er septembre 2011, mais c’est après un silence de plus de deux mois que le ministre du Travail et de la Fonction publique m’a transmis par bordereau en date du 06 octobre 2011 le décret n° 2011-505 daté du 05 août 2011…
De la lecture de ce décret, il apparaît clairement une discrimination entre les personnels agents permanents de l’Etat et agents contractuels de l’Etat en service au ministère de l’Economie et des Finances, d’une part, ceux des autres ministères et institutions de l’Etat, d’autre part.
Cette discrimination intervient en violation des dispositions de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment en ses articles 30 et 35, celles des Conventions n° 100 et 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par le Bénin, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, la loi n° 86-013 portant statut des agents permanents de l’Etat du 26 février 1986 et les principes à valeur constitutionnelle. »; qu’il poursuit : « Sur la discrimination engendrée par le décret n° 2011-505 du 05 août 2011.
Il ressort de la lecture des articles 2 et 3 dudit décret que le coefficient de revalorisation de l’indice de traitement sera appliqué rétroactivement à compter du 1er janvier 2011 aux personnels agents permanents de l’Etat et agents contractuels de l’Etat en service au ministère de l’Economie et des Finances alors qu’aux autres travailleurs bénéficiaires de la même mesure, le coefficient de revalorisation de 1,25 leur sera appliqué progressivement sur une période de quatre (04) années à partir des indices acquis au 31 décembre 2011 ;
L’article 4 dudit décret précise qu’il sera appliqué aux personnels des autres ministères les taux de :
- 5% au titre de l’année 2011,
- 5 % au titre de l’année 2012,
- 5 % au titre de l’année 2013
- et 10 % en 2014.
Ainsi, au cours des années 2011, 2012, 2013 et 2014, les travailleurs du ministère de l’Economie et des Finances percevront un salaire majoré de 25 % durant toute cette période alors que leurs homologues des autres ministères ne percevront que 0% en 2011, 10 % en 2012, 15 % en 2013 et 25 % en 2014.
A titre d’exemple, le manque à gagner résultant de cette décision s’élève à 1.200.000 francs CFA pour un salaire de référence de 200 000 francs CFA et à 1 800 000 francs CFA pour un salaire de référence de 300 000 francs CFA pour les personnels agents permanents de l’Etat et agents contractuels de l’Etat des autres ministères et institutions de l’Etat…
Or, les personnels agents permanents de l’Etat et agents contractuels de l’Etat en service au ministère de l’Economie et des Finances et ceux des autres ministères sont tous régis par la loi n° 86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents permanents de l’Etat qui ne distingue pas entre les fonctionnaires.
C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu la Cour de céans à travers la décision DCC 11-042 du 21 juin 2011 rendue suite au recours en inconstitutionnalité du décret n° 2011-335 du 29 avril 2011…
Mieux, elle a également reconnu dans la même décision le principe de l’égalité de tous devant la loi…
En se référant donc à la décision DCC 11-042 du 21 juin 2011, il apparaît nettement que le décret n° 2011-505 qui crée une inégalité de traitement entre les agents permanents de l’Etat du fait de l’application différée de la mise en vigueur de la valorisation de l’indice de traitement pour les agents permanents et agents contractuels de l’Etat des ministères et institutions de l’Etat autres que ceux du ministère de l’Economie et des Finances… viole la Constitution du 11 décembre 1990.
De même, ce décret viole les dispositions des articles 30, 35 et 147 de la Constitution du 11 décembre 1990 ainsi que celles des Conventions n° 100 et 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par le Bénin, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et les principes à valeur constitutionnelle en cours dans notre pays. » ;
Considérant qu’il ajoute : « Sur la violation par le chef de l’Etat de l’article 35 de la Constitution du 11 décembre 1990.
L’article 35 de ladite Constitution dispose en effet que : "Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun".
Ce qui implique que les citoyens chargés d’une fonction publique se doivent de l’accomplir conformément à l’intérêt général, or le décret n° 2011-505 du 05 août 2011 crée, pour certains fonctionnaires issus d’une même catégorie, un manque à gagner constitutif de discrimination envers les fonctionnaires des ministères autres que celui de l’Economie et des Finances.
Ce décret étant signé du chef de l’Etat, il va sans dire que ce dernier a violé les dispositions de l’article 35 de notre Constitution.»; qu’il demande à la Cour de: « - constater que le décret n° 2011-505 du 05 août 2011 comporte des dispositions discriminatoires ;
- constater que ledit décret viole les dispositions de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment en ses articles 26, 30, 35 et 147, celles des Conventions n°100 et 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par le Bénin, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, la loi n° 86-013 portant statut des agents permanents de l’Etat du 26 février 1986 et les principes à valeur constitutionnelle ;
- dire en conséquence que le décret n° 2011-505 du 05 août 2011 est contraire à la Constitution du 11 décembre 1990 ;
- constater que le décret n° 2011-505 du 05 août 2011 n’a pas été pris en tenant compte de l’intérêt général ;
- dire que le chef de l’Etat a violé l’article 35 de notre Constitution.» ;
Considérant que Monsieur Stéphane François Djossinou Ahouandjinou fait remarquer que « …l’examen minutieux, sérieux et approfondi de toutes les dispositions des articles 2, 3 et 4 du décret n° 2011-505 du 5 août 2011 met en évidence de manière incontestable le caractère discriminatoire et l’absence d’égalité de cet acte du gouvernement.
Il est donc indéniable que le décret n° 2011-505 du 5 août 2011 porte de graves atteintes aux droits d’une large majorité des agents de l’Etat encore en activité et à ceux des retraités de divers administrations et services publics qui ne sont pas sous la tutelle du ministre de l’Economie et des Finances.
En effet, dans les dispositions de l’article 2 du décret n° 2011-505 du 5 août 2011, nulle part, il n’est prévu que le coefficient de 1,25 de revalorisation des indices de traitement doit être appliqué sur les pensions mensuelles des retraités de tous les services ou administrations rattachés au ministère de l’Economie et des Finances.
Cependant, il est incontestable, voire évident, que tous les retraités des services financiers, du Trésor public, des Impôts et Domaines et de la Douane ont eu le bénéfice de 1,25 de revalorisation des indices de traitement sur leur pension respective et ce, depuis le 1er janvier 2011.
Les uns et les autres de ces retraités ont perçu d’importante somme au titre de rappels sur leur pension.
Quant aux autres retraités des administrations et services publics qui ne dépendent pas du ministère de l’Economie et des Finances, ils n’ont eu que 5% d’augmentation sur leur pension bien que le décret n° 2011-505 du 5 août 2011 ait fixé les pourcentages à appliquer chaque année à partir de 2011 dans les proportions ci-après indiquées :
Année 2011 5%
Année 2012 5 %
Année 2013 5 %
Année 2014 10 %
Les 5 % des années 2012 et 2013 ne sont pas encore payés.
Certains retraités n’ont pas encore perçu les 5 % de 2011. D’autres qui sont des agents du trésor qui étaient en détachement auprès d’un autre ministère et qui sont retraités, n’ont pas bénéficié de 1,25 % d’augmentation de leur pension jusqu’à ce jour.
Le requérant qui n’est ni un agent des services financiers ni un technicien des finances publiques, après de profondes réflexions, s’est livré à une étude comparative sur les gains qu’un agent en activité et un retraité du ministère de l’Economie et des Finances devront percevoir de 2011 à 2014. L’étude est faite par rapport aux gains que les autres agents et retraités des autres ministères et institutions de l’Etat percevront du 1er janvier 2011 jusqu’au 31 décembre 2014. L’illustration de cette étude par les scenarii … met aisément en évidence la discrimination et l’injustice sociale dont sont victimes les agents et les retraités des administrations et services publics qui ne sont pas sous la tutelle du ministère de l’Economie et des Finances…
Faut-il corriger cette injustice sociale ou continuer à faire prévaloir la discrimination sur le droit à la justice ?
Faut-il continuer à faire subir cette discrimination instaurée par le gouvernement aux personnes qui sont faibles par rapport à l’Etat nonobstant les dispositions des articles 26 et 36 de notre Constitution ?... » ; qu’il demande enfin à la Cour de :
« … - constater le caractère discriminatoire du décret n° 2011-505 du 5 août 2011…
- juger et décider que ledit décret viole les dispositions des articles 26 et 36 de la Constitution ainsi que celles des articles 3, 4, 5, 15, 18 alinéa 4 et 28 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;
- déclarer que le décret n° 2011-505 du 5 août 2011 est inapplicable pour une bonne et équitable gestion de tous les personnels en activité dans tous les ministères et institutions de l’Etat et de tous les retraités du Fonds national de retraite du Bénin (F.N.R.B) ;
- inviter le gouvernement à prendre rapidement un autre décret pour rétablir l’égalité et la justice sociale au niveau de toutes les couches socio-professionnelles de la Fonction publique du Bénin en général et au niveau de tous les retraités en particulier… » ;
Instruction des recours
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour, monsieur le président de la République, Docteur Boni Yayi, écrit : « … J’ai l’honneur de porter à votre connaissance ce qui suit :
Question n° 1 : Y-a-t-il eu vote par l’Assemblée nationale d’un collectif budgétaire pour tenir compte de l’incidence financière au titre du budget exercice 2011? Si non un tel projet a-t-il déjà été introduit ?
Réponse n° 1 : Il n’y a pas eu vote par l’Assemblée nationale d’un collectif budgétaire pour tenir compte de l’incidence financière au titre du budget exercice 2011. Aucun projet de collectif budgétaire n’a été introduit à l’Assemblée nationale.
En effet, la valorisation du point indiciaire du personnel de l’Etat intervenu courant 2011 a certes eu une incidence financière supplémentaire sur les crédits de ladite gestion ; ce qui a nécessité, d’une part, un certain nombre de réaménagements au niveau de certaines lignes budgétaires, d’autre part, l’exécution des dépenses de personnel avec un léger dépassement pour tenir compte du délai insuffisant pour la prise d’un collectif budgétaire. Il faut noter que ces réaménagements et ce dépassement seront régularisés par le vote de la loi de règlement gestion 2011 dont le projet est déjà transmis à la chambre des comptes de la Cour suprême.
Question n° 2 : Quel est au titre de l’année en cours et des années à venir et compte tenu de l’accord intervenu, le ratio masse salariale / recettes fiscales de l’Etat par rapport aux engagements de l’Etat envers, d’une part, les institutions de Bretton Woods et, d’autre part, l’UEMOA ?
Réponse n° 2 : Le ratio masse salariale / recettes fiscales de l’Etat est consigné dans le tableau-ci-dessous.
Tableau n° 1 : Ratio masse salariale/recettes fiscales au cours de la période 2013-2018
Année Agrégats 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Masse salariale (M.S) 298,9 316,9 339,5 365,9 387,4 41,3
Recettes fiscales (R.F) 666,0 732,0 791,4 856,0 925,8 1000,3
Ratio fiscal MS/RF (%) 44,9 43,3 42,9 42,7 41,8 41,5
Source CSPEF/MEF, 2013
Il ressort de l’analyse de ce tableau que le critère de convergence ratio masse salariale/recettes fiscales qui devrait être égal ou inférieur à 35 % n’est pas respecté sur la période 2013-2018.
Question n° 3 : Quel égard les négociations entre le gouvernement et les syndicats ont-elles eu pour la décision DCC 11-042 rendue par la Cour le 21 juin 2011 ?
Réponse n° 3 : La décision DCC 11-042 du 21 juin 2011 est celle par laquelle la Cour constitutionnelle a abrogé le décret qui augmente de 25 % le salaire des agents de l’Etat du ministère de l’Economie et des Finances et ceci après avoir été saisie par madame Ingrid Houessou. La raison évoquée par la Cour constitutionnelle est la discrimination que crée ce décret conformément aux dispositions de la Convention du travail que le Bénin a ratifiée.
L’application du coefficient par le gouvernement ne signifie pas que ce dernier n’a pas eu d’égard à la décision de la Cour. En effet, les tensions sociales du moment avaient atteint un niveau au point où, si rien n’était fait, le pays risquait de plonger dans une guerre civile.
Et pour corriger la discrimination soulevée par la Cour, des négociations gouvernement et syndicats des autres ministères ont abouti par ailleurs à l’application progressive du même coefficient à tous les autres agents des autres ministères et ce, jusqu’en 2014 ce qui a permis d’apaiser les tensions sociales.
Somme toute, la décision DCC 11-042 rendue par la Cour le 21 juin 2011 est une décision salutaire qui voulait corriger la discrimination créée par l’application du décret qui augmente de 25 % le salaire des agents du ministère de l’Economie et des Finances.
Mais, cette discrimination a été corrigée par le gouvernement par la généralisation des 25 % à tous les agents de tous les ministères avec, cependant, quelques modalités acceptées de tous les syndicats des ministères » ;
Analyse des recours
Considérant que les trois (03) recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
Considérant que les articles 26 de la Constitution et 3 alinéa 1 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples énoncent respectivement: «L'Etat assure à tous l'égalité devant la loi sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion, d'opinion politique ou de position sociale.
L'homme et la femme sont égaux en droit. L'Etat protège la famille et particulièrement la mère et l'enfant. Il veille sur les handicapés et les personnes âgées.»; «Toutes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant la loi » ; qu’il découle de ces dispositions et de la jurisprudence constante de la Cour que la notion d’égalité s’analyse comme un principe général selon lequel la loi doit être la même pour tous dans son adoption et dans son application et ne doit contenir aucune discrimination injustifiée ; que par ailleurs, le préambule de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples stipule: «...les droits civils et politiques sont indissociables des droits économiques, sociaux et culturels, tant dans leur conception que dans leur universalité, et que la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et politiques ;
...Assurer la promotion et la protection des droits et libertés de l’homme et des peuples, compte tenu de l’importance primordiale traditionnellement attachée en Afrique à ces droits et libertés»; que l’article 147 de la Constitution dispose: « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.»; que l’article 2.1 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié le 12 mars 1992 par le Bénin, précise ;
«Chacun des Etats parties au présent Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives.» ; qu’il découle de cette dernière disposition que pour rendre effective la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels garantis, les contraintes budgétaires peuvent amener l’Etat à étendre progressivement cette jouissance dans le temps et à des groupes désavantagés , les droits économiques étant des "droits-créances" indissociables des droits civils et politiques ;
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que, par le décret n° 2011-335 du 29 avril 2011, le gouvernement a institué un coefficient de revalorisation des traitements indiciaires des agents de l’Etat du ministère de l’Economie et des Finances ; que certains syndicats de base de l’administration publique ont estimé que les dispositions du décret n° 2011-335 du 29 avril 2011 sont discriminatoires et ont demandé l’extension de la mesure à tous les agents de l’Etat ; que la Cour a été saisie par madame Ingrid Houessou à ce sujet ; que par la décision DCC 11-042 du 21 juin 2011 la Cour a dit et jugé que ce décret est contraire à la Constitution motif pris de ce que ces agents du ministère de l’Economie et des Finances qui ne relèvent pas d’une catégorie particulière, ne sont pas les seuls agents permanents de l’Etat; que pour corriger la discrimination relevée par la Cour, le gouvernement a décidé d’étendre ce coefficient de revalorisation des traitements indiciaires aux partenaires sociaux des autres ministères désavantagés en prenant le décret n° 2011-505 du 05 août 2011 qui consacre l’application progressive du même coefficient à tous les autres agents des autres ministères; que les salaires et ses accessoires étant des droits économiques et sociaux, donc des "droits-créances", indissociables des droits civils et politiques, le gouvernement, en échelonnant le paiement de leur coefficient de revalorisation dans le temps et en l’étendant aux groupes désavantagés, n’a pas violé la Constitution ; et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens;
D E C I D E :
Article 1er. Il n’y a pas violation de la Constitution.
Article 2. La présente décision sera notifiée à messieurs Noël Olivier Koko, Jean Sourou Agossou et Stéphane François Djossinou Ahouandjinou, à monsieur le président de la République et publiée au Journal officiel.