La Nation Bénin...
Une
nouvelle loi règlemente, depuis mai dernier, les activités d’usure des
établissements de crédit et des Systèmes financiers décentralisés au Bénin ;
celle faite par les individus étant une pratique illégale. Elle vient renforcer
la législation en vigueur et mettre le cadre légal interne conforme aux normes
sous-régionales.
C’est
la loi n° 2024-15 du 23 mai 2024 portant définition et répression de l'usure en
République du Bénin qui régit désormais cette activité. A travers ses 14
articles, cette loi fixe les modalités d’identification de l’usure, les
conditions de sa répression et les sanctions encourues par les contrevenants.
Elle vise la stabilité financière au plan sous-régional et au plan national en
protégeant notamment les emprunts d’argent contre les pratiques usuraires. Les
particularités portent sur l'obligation de mentionner dans tout contrat de
prêt, le taux effectif global qui permet d'apprécier le coût réel du crédit
octroyé à un emprunteur et la nécessité de prendre en compte, dans les frais
entrant dans le calcul du taux effectif global, les charges liées aux garanties
dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires
d'officiers ministériels. Ainsi, l’article 2 stipule que « le taux global
d’intérêt est librement convenu entre l’emprunteur et le prêteur sous réserve
de respecter le plafond fixé conformément à l’article 1er de la présente loi.
Il doit être fixé par écrit pour tout contrat ». Pour sa part, l’article 3
indique que le taux effectif global conventionnel est le taux d’intérêt calculé
en tenant compte de l’amortissement de la créance auquel s’ajoutent les frais
et rémunérations de toute nature, y compris ceux payés à des intermédiaires
intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt. Les charges
liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les
honoraires d’officiers ministériels sont pris en compte dans le taux effectif
global défini à l’alinéa précédent. Toutefois, n’entrent pas dans le calcul du
taux effectif global d’intérêt, les impôts et taxes payés à l’occasion de la
conclusion ou de l’exécution du contrat.
S’agissant
des sanctions, il est fixé que quiconque consent à autrui un prêt usuraire, est
puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 100 mille à
cinq millions F Cfa ou de l’une de ces peines seulement. Aussi, est puni des
mêmes peines, quiconque apporte sciemment à quelque titre et de quelque manière
que ce soit, directement ou indirectement, son concours à l’obtention ou à
l’octroi d’un prêt usuraire. En cas de récidive, le maximum de la peine est
porté à cinq ans d’emprisonnement et à 15 millions F Cfa d’amende, stipule la
loi. Outre les peines fixées, la juridiction saisie peut ordonner la fermeture
provisoire ou définitive de l’entreprise non agréée épinglée. A l’article 8, il
est précisé que la juridiction saisie peut ordonner la publication de sa
décision aux frais du condamné dans les journaux qu’elle désigne, ainsi que
sous toutes formes qu’elle apprécie. Elle peut également ordonner la fermeture
provisoire ou définitive de l’entreprise non agréée en qualité d’établissement
de crédit ou de Système financier décentralisé qui s’est livrée ou dont les
dirigeants se sont livrés à des opérations usuraires, assortie de la nomination
d’un administrateur ou d’un liquidateur.
De
la même manière, dans le cas des établissements de crédit et des Systèmes
financiers décentralisés, la fermeture provisoire ou définitive ne peut être
prononcée qu’après avis conforme de la Commission bancaire de l’Umoa ou de la
Bceao, dans les conditions et la procédure prévues par les dispositions de la
loi portant règlementation bancaire et de celle portant règlementation des
Systèmes financiers décentralisés en matière de procédures collectives
d’apurement du passif.
En
cas de fermeture provisoire qui ne saurait dépasser trois mois, le contrevenant
ou l’entreprise est obligé de continuer à payer à son personnel, les salaires
et indemnités de toutes natures auxquels celui-ci a droit.
La
définition d’un nouveau cadre légal pour la répression de l’usure est mue par
plusieurs raisons notamment par la nécessité d’harmoniser les concepts et
pratiques en la matière dans la sous-région.
En
fait, le Conseil des ministres de l'Union monétaire ouest africaine a adopté en
1978 une loi-cadre portant définition et répression de l'usure dans les États
membres, en vue de protéger les emprunteurs d'argent contre les pratiques
usuraires. Les dispositions de cette loi couvrent les formes les plus variées
que peut revêtir l'usure et organisent sa répression. La loi-cadre a connu une
évolution importante en 1997, marquée par le décrochage de la détermination du
taux de l'usure des dispositions de la loi, pour la mettre désormais sous la
compétence du Conseil des ministres de l'Union monétaire ouest africaine. Cette
modification vise à donner davantage de souplesse à la procédure de fixation du
taux de l'usure. Par ailleurs, il a été réaffirmé à cette occasion le principe
de l'indexation du taux d'intérêt légal à un taux directeur de la Banque
centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest. La réforme institutionnelle de
l'Union monétaire ouest africaine et de la Banque centrale des Etats de
l'Afrique de l'Ouest, entrée en vigueur le 1er avril 2010, a souligné la
priorité à accorder à la préservation de la stabilité financière. A cet égard,
la réforme a retenu le principe d'adapter l'intervention des tribunaux aux
spécificités des établissements de crédit et des Systèmes financiers
décentralisés.
Cette
évolution a rendu nécessaire la mise en cohérence de la loi-cadre portant
définition et répression de l'usure avec les textes de base de la réforme
institutionnelle de l'Union monétaire ouest africaine et de la Banque centrale
des Etats de l'Afrique de l'Ouest, notamment la loi portant réglementation
bancaire et celle portant réglementation des Systèmes financiers décentralisés.
C’est
ainsi qu’il est proposé d'inscrire dans la loi relative à l'usure, l'obligation
d'associer la Commission bancaire ou la Banque centrale aux décisions du
tribunal ordonnant la fermeture temporaire ou définitive des établissements de
crédit et Systèmes financiers décentralisés, en cas d'infractions aux
dispositions légales sur l'usure, conformément aux procédures prévues par la
loi portant réglementation bancaire et celles de la loi sur les Systèmes
financiers décentralisés.
En
outre, considérant que la loi en vigueur réprimant les pratiques usuraires
comporte des dispositions relatives à l'intérêt légal, qui est une notion
fondamentalement différente de l'usure, il était suggéré la suppression des
anciens articles traitant de l'intérêt légal, en vue de leur transposition dans
un projet de loi uniforme spécifique au taux d'intérêt légal. Par ailleurs, la
relecture de la loi-cadre a permis d'apporter des améliorations rédactionnelles
à certaines de ses dispositions, afin d'en renforcer la qualité■