La Nation Bénin...
Le président de la République Boni Yayi a pris part, vendredi 30 janvier dernier à Addis-Abeba en Ethiopie, à la 24è session ordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine. Placée sous le thème de l’autonomisation des femmes, cette rencontre a surtout consacré l’adoption de l’Agenda 2063 pour le développement du continent.
La grand’messe de l’Union africaine a cette année un parfum de renouveau. Si dans les couloirs des Nations Unies, les esprits s’échauffent déjà autour du bilan des OMD et de l’Agenda de développement post-2015, à Addis-Abeba, l’Afrique a choisi d’écrire sa propre histoire en adoptant l’Agenda 2063. «C’est une année où le monde se trouve à la croisée des chemins car il faudra se mettre d’accord sur ce que nous devons faire, entre autres, sur le climat, l’agenda de développement et son financement. Mais en Afrique, nous avons fait de cette année, celle de l’autonomisation des femmes et du développement à travers l’Agenda 2063», soutient Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine. Le projet, indique-t-elle, répond à un engagement pour une Afrique prospère en accord avec lui-même d’autant que son contenu reflète l’aspiration de tous les Africains.
«Les Africains ont décidé de lutter contre les maux qui minent leur développement. Nous devons faire face à des opportunités en tenant compte des avancées technologiques. Nous sommes la génération qui va éradiquer la pauvreté, la maladie et la faim. Cet agenda, c’est un appel à l’action, aux gouvernements, à la société civile, aux universitaires, à la diaspora et aux Africains de tout âge», professe Dlamini-Zuma. L’ambition que porte l’Agenda 2063, poursuit-elle, c’est d’opérer une diversification des économies africaines, de lancer une révolution des compétences et libérer les énergies et la créativité de la jeunesse. «Nous voulons rattraper notre retard en infrastructures, utiliser les technologies pour faire un bond qualitatif dans le progrès social. Nous avons décidé de renforcer notre coopération sur l’énergie et le chemin de fer, de créer un marché unique de l’aviation», affirme-t-elle. Elle pense que le nombre élevé d’élections qui s’annoncent sur le continent devrait servir d’opportunité pour présenter aux peuples une vision pour construire un avenir meilleur. Et de souligner : «Nous devons investir dans nos peuples, leur santé et leur éducation, développer la résilience des systèmes de santé publique pour lutter contre les maladies».
Une année de rendez-vous !
Mais le rêve d’une Afrique nouvelle n’éloigne pas la présidente de la Commission des réalités d’aujourd’hui, celles des foyers de tension persistants et des calamités en dépit des indicateurs économiques plutôt optimistes. Elle évoque du coup le terrorisme qui fait malheureusement son terreau, la sécheresse, les inondations et les maladies qui font des ravages dans certaines parties du continent. «La brutalité de Boko Haram et le terrorisme constituent autant de menaces à notre sécurité et à notre développement. Nous avons besoin d’une réaction collective, déterminée et efficace. Car, il est impérieux que nous fassions face à ceux qui cherchent à détruire les vies africaines», martèle-t-elle, soutenant que la solution à tous les problèmes du continent repose sur «notre capacité à être des champions de la démocratie participative et du développement social et inclusif».
Le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Ban Ki-Moon accueille favorablement l’agenda panafricain. Et salue surtout la décision des leaders africains de placer le genre et l’autonomisation des femmes au cœur de cet agenda. «Les femmes doivent être au centre de tous nos efforts et de nos vies. Je lance un appel fort à faire en sorte de marquer la différence dans la vie des femmes et des filles d’ici 2020», plaide-t-il.
Pour autant, le secrétaire général de l’ONU estime que les rendez-vous mondiaux de 2015 sont cruciaux pour le continent africain. « Nous allons adopter un nouveau programme de développement pour l’après 2015 assorti d’une série d’objectifs de développement durable qui tracera la voie pour la prochaine génération d’activités de développement. Le mouvement s’accélère vers l’adoption à Paris d’un véritable accord sur le changement climatique. C’est pour le continent africain que les enjeux de ces négociations sont les plus grands», précise Ban Ki-Moon. Le secrétaire général de l’ONU évoque surtout la tenue, en juillet prochain à Addis-Abeba de la conférence sur le financement du développement qui devra poser les bases du succès de toutes ces initiatives.
Tracer la voie !
Bien qu’elle reconnaisse avoir progressé dans leur action en faveur de la paix et de la sécurité, l'Organisation des Nations Unies défend la nécessité de redoubler d’efforts pour faire face aux crises en Libye, et surtout à la brutalité de Boko Haram au Nigeria, sans ignorer le combat contre la maladie à virus Ebola et d’autres maladies qui sévissent sur le continent. «Cette épidémie montre le risque que représente la fragilité des systèmes sanitaires pour l’avenir de la planète. Le renforcement des structures sanitaires doit être au cœur de l’agenda du développement», pointe-t-il. Pour Ban Ki-Moon, l’Afrique constitue l’épine dorsale des Nations Unies. «Nous avons besoin que l’Afrique nous aide à tracer la voie pour un monde meilleur et durable», soutient-il, demandant aux dirigeants africains qui refusent de quitter le pouvoir à ne pas se boucher les oreilles face aux messages des peuples.
«L’Agenda 2063 permet de s’engager pour autonomiser aussi les jeunes. Nous devons accorder une attention particulière à la petite fille, en veillant à ce qu’elle reste à l’école », opine Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice de l’Union africaine. Pour lui, la vision 2063 veut aussi que l’Afrique devienne un espace débarrassé des conflits, où prévalent la paix, la justice et le respect des droits humains. Il pense que le développement durable est aussi fonction de la paix et de la sécurité sans lesquelles on ne saurait l’envisager. Mohamed Ould Adbel Aziz demande à ses pairs le courage de s’attaquer aux racines de l’extrémisme tout en condamnant avec vigueur les actes terroristes perpétrés sur le continent. La lutte contre ce fléau exige une coordination internationale intense. Et nous incitons les pays de la région et l’Union africaine à mettre en place une force pour faire face à Boko Haram»,exhorte-t-il, affirmant qu’il est temps que le continent ait une représentation permanente au Conseil de sécurité des Nations Unies.
L’ouverture de la 24è session ordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine a connu la présence de plusieurs leaders du monde, notamment de Mahmoud Abbas, président de l’Etat de la Palestine et le Roi d’Espagne, Felipe VI.
Robert Mugabe, nouveau président en exercice de l’UA
La République du Zimbabwe a été élue pour conduire dans les douze mois à venir les destinées de l’Union africaine. Robert Mugabe, président de la République du Zimbabwe a ainsi succédé à son homologue mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz qui lui a passé le flambeau sous un tonnerre d’applaudissements des leaders africains. «Ma présence à cette tribune me rappelle le souvenir de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à laquelle j’ai assisté en tant de leader du mouvement de libération de mon pays », confie-t-il, dans son discours d’acceptation. Robert Mugabe, l’une des dernières figures de proue de la lutte contre la décolonisation des territoires africains, a rendu hommage aux pères fondateurs de l’Union africaine pour leur vision pour une Afrique forte et le sacrifice consenti à la libération du continent. «Nous sommes aujourd’hui au lancement de l’agenda 2063. Nous devons redoubler d’engagement dans la mise en œuvre des projets élaborés. Je susciterai toujours la réflexion sur les infrastructures et la valorisation de nos produits. L’absence d’infrastructures et d’interconnexion entravent le développement du continent, nous nous devons d’agir collectivement dans ces domaines», affirme-t-il, invitant ses pairs à un sursaut pour tracer les sillons du développement de l’Afrique pour les cinquante prochaines années.
Par Gnona AFANGBEDJI,Envoyé spécial à Addis-Abeba
Agenda 2063, un nouveau slogan ?
« L’Agenda 2063 est à la fois une vision et un plan d'action », se défend-on au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba. Nouvelle trouvaille des leaders africains pour rattraper le retard du continent, ce programme entend poser les jalons du renouveau africain et déployer des actions concrètes pour faire du continent l’espace privilégié de progrès du 21è siècle. «Il vise à s'appuyer sur les réalisations et à tirer les leçons des efforts antérieurs tels que le Plan d'action de Lagos, le Traité d'Abuja et le NEPAD, pour relever de nouveaux défis sur le continent, à court, moyen et long termes», explique Nkosazana Dlamini-Zuma, président de la Commission de l’Union africaine.
L'Agenda 2063 est ainsi perçu comme le prolongement logique et naturel du NEPAD et des autres initiatives du genre. Bien que l’horizon de 50 ans constitue une période de planification longue, l’Union se rassure de ce que les idéaux portés par l’agenda seront déclinés en des plans décennaux. Le premier plan décennal a été d’ailleurs adopté lors des travaux de cette 24è session de l’Union.
L’agenda repose sur une série d’atouts qui donnent à ses concepteurs une réelle lueur d’espoir pour le continent. Pour ceux-ci, l'Afrique est aujourd'hui confrontée à une confluence de facteurs qui présentent une grande opportunité pour la consolidation et le progrès rapide.
Il s'agit notamment d’une croissance sans précédent dans de nombreux pays africains, découlant de politiques et stratégies macro-économiques saines, une réduction significative des conflits ainsi que les progrès en matière de gouvernance démocratique, les perspectives d'une classe moyenne croissante, conjuguées à une forte proportion de jeunes capables d'agir comme catalyseur pour la poursuite de la croissance, en particulier dans les secteurs et services de consommation. Mais quelles garanties de succès ce nouveau concept peut-il nous offrir ? Rien n’est moins sûr quand on retourne sur l’euphorie qu’avait suscitée la naissance du NEPAD. Mais à Addis-Abeba, le pari est lancé sur ce qu’on peut considérer aujourd’hui comme l’ultime feuille de route devant permettre à l’Afrique de se faire définitivement une place dans le concert des nations.