La Nation Bénin...
Evoluer
au sein d’une formation politique n’est pas une tâche facile pour les jeunes
dans un environnement où ils peinent à prendre leurs marques, mais nourrissent
tout de même l’ambition de devenir des leaders. Bien que ces dernières années,
ils peuvent se réjouir d'avoir gagné en estime dans l’arène politique, cette
reconnaissance est loin d’être pleinement acquise.
La
vie militante requiert un esprit de combativité, notamment dans l’arène
politique où presque rien n'est acquis et où les enjeux sont colossaux.
S’engager et réussir dans un parti politique demandent de l’ambition, de la
ténacité. Au Bénin, les jeunes tentent tant bien que mal de se frayer un chemin
dans cette jungle. « Je me suis engagé pour participer activement à la vie
politique de mon pays, contribuer à la prise de décisions et influencer
directement le quotidien des Béninois », confie Euthyme Hessou, membre du parti
Les Démocrates et suppléant de l’honorable Eric Houndété. Il poursuit : « Je
dois avouer qu’il s'agit d’une expérience militante qui m’a permis d’intégrer
des réseaux avec des rencontres de personnes partageant les mêmes idéaux que
moi. C’est aussi une école où j’ai appris davantage sur les politiques et leurs
intrigues, les processus législatifs et les enjeux sociaux». Pourtant, Euthyme
Hessou doit faire face au quotidien à plusieurs défis sur son parcours
militant. Il s’agit de parvenir à gérer les conflits internes, qui sont, selon
lui, monnaie courante au sein des partis politiques. Des divisions internes,
des désaccords et des rivalités constituent le lot quotidien de ces formations
politiques. Il lui faut également supporter les pressions liées aux attentes
inhérentes à l’engagement politique, qui peuvent être très importantes. Le
jeune militant politique doit aussi accepter les critiques et les transformer
en potentialités pour mieux avancer. « J’ai rencontré aussi d’énormes
difficultés, dont la première est liée à ma conviction politique.
Malheureusement ou heureusement, je suis un jeune opposant qui, depuis plus de
deux décennies, subit toutes sortes de représailles. A cela s’ajoute le manque
de moyens financiers pour animer la vie politique », confie Euthyme Hessou,
parfois déçu par des résultats électoraux peu satisfaisants, tandis qu’il doit
quotidiennement faire face aux impacts de son engagement politique sur sa vie
personnelle et professionnelle.
Au Bénin, les jeunes représentent environ 65 % de la population (Rgph4, 2013), mais ne jouent pas souvent les premiers rôles dans les formations politiques, malgré les discours visant à les rallier à la cause et les efforts substantiels qu’ils font. « A vrai dire, les jeunes peinent encore à se positionner de manière remarquable au sein des formations politiques au Bénin. Bien souvent, ils sont réduits à de simples mobilisateurs, utilisés pour servir des intérêts sans véritable reconnaissance de leur potentiel », déclare Serge Dèfodji, membre fondateur du parti Bloc républicain. Selon lui, il est reproché aux jeunes d’être impatients, de ne pas être prêts à assumer de hautes responsabilités, alors même que ce sont eux qui constituent le véritable moteur des formations politiques. «Les jeunes n’occupent pas les hautes fonctions », révèle Bonaventure Houngnibo, coordonnateur communal de Toffo de l’Organisation des jeunes du Bloc Républicain (Ojbr). Pour André Tamou, militant du parti Union Progressiste le Renouveau (Upr), il faut reconsidérer la question de la représentativité des jeunes au sein des partis politiques. Il soutient que les jeunes sont moins impliqués dans les instances de décisions des partis, moins promus à des postes de responsabilité, mais très sollicités sur le terrain de l’action. « Ils jouent un rôle de premier plan dans le recrutement des électeurs, mais sont souvent remerciés en monnaie de singe. Ils sont victimes de préjugés tels que : "Tu es trop jeune pour occuper ce poste", "Il ne sera pas à la hauteur d’une telle responsabilité", ou encore, "Vous êtes assez jeune pour diriger" », se désole André Tamou de l’Upr. Pour lui, dans le contexte actuel de crise de confiance entre les acteurs politiques et les citoyens, les jeunes représentent encore un interlocuteur valable et crédible pour réconcilier et redonner vie à l’action politique. Mais pour y parvenir, André Tamou suggère qu’un dialogue franc et sincère s’installe entre cette force juvénile et ses aînés qui n’entendent rien céder de leur position actuelle au sein des partis politiques. « Les partis politiques peuvent gagner en confiance, en crédibilité, en audience et en ancrage en composant de manière sincère avec les jeunes», précise André Tamou.
S’il est un secret de Polichinelle que la représentativité des jeunes reste un enjeu majeur dans la gouvernance des partis politiques, il faut reconnaître que des progrès ont été réalisés. Dans certaines formations politiques comme le Bloc républicain ou le Mouvement des élites engagées pour l’émancipation du Bénin (Moele-Bénin), des quotas sont attribués aux jeunes pour siéger dans les instances dirigeantes du parti, même si dans la réalité, les postes qu’ils occupent ne sont pas des plus importants. «Au sein du Bloc républicain, les statuts mêmes du parti prévoient des quotas pour les jeunes.
30
% des positions leur sont réservées. Bien que dans les faits, nous n’observions
pas encore une application pleine de ces dispositions, certains jeunes
commencent à se faire une place dans les instances décisionnelles», explique
Serge Dèfodji du parti Bloc républicain qui invite ses pairs à redoubler
d’efforts afin de gagner la confiance de leurs dirigeants.
«
Il est essentiel également que nous nous imposions, si nécessaire, pour obtenir
la place qui nous revient. Je suis convaincu que si notre parti continue à
faire confiance aux jeunes et à leur accorder davantage de responsabilités,
nous pourrons faire du Bloc républicain le parti politique le plus influent sur
la scène nationale », ajoute-t-il. Abègnonhou Sylvain Viahoundé, membre de la
Coordination Parakou 2 du parti Moele-Bénin, fait savoir que trois associations
de masse sont logées au sein du bureau politique national de cette formation
politique, dont la Coordination des jeunes qui occupe la deuxième place. Mieux
encore, souligne-t-il, le bureau politique national compte 40 % de personnes
âgées de moins de 40 ans sur ses 61 membres. Et toutes les Coordinations
décentralisées du parti sont composées d’au moins 45 % de jeunes. «Les jeunes
aspirent à participer à la gestion de la cité, soit directement (et c'est
heureux), ou à travers leur parti politique comme Moele-Bénin, qui prône la
politique éthique», confie Abègnonhou Sylvain Viahoundé. Cela montre que
l’engagement des jeunes en politique est promis à des lendemains meilleurs, et
qu’en dépit des défis actuels, cette importante couche de la société béninoise
doit s’assumer. Frantz Fanon disait que chaque génération doit, dans une
relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. « Aux jeunes
qui ont envie de s'engager en politique, je leur demande de s’armer de courage,
du minimum de probité et de détermination, seul gage pour atteindre cet
objectif si noble et si délicat: la conquête et la gestion du pouvoir», conclut
Euthyme Hessou■