La Nation Bénin...
Jean
Michel Abimbola, ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts, s’est exprimé
sur le bien fondé des Vodun Days, au détour d’un déjeuner de presse avec les professionnels
des médias, jeudi 9 janvier dernier à Ouidah.
La
campagne et les énergies autour des Vodun days sont déployées pour séduire quel
public ? A cette préoccupation, Jean Michel Abimbola, ministre du Tourisme, de
la Culture et des Arts, répond que c’est destiné à révéler le Bénin aussi bien
aux Béninois, qu’aux étrangers. « L’idée, c’est de déconstruire les
caricatures autour du vodun. Curieusement, les plus grands ennemis du vodun, ce
sont les Africains et les Béninois eux-mêmes. C’est donc pour qu’ils puissent
assumer leur patrimoine, parce qu’ils ont été bercés, nourris d’idées négatives
sur le vodun, par cet enseignement hérité du colonialisme. Ce qui fait que,
même sur les réseaux sociaux, il y a encore, ici et là, des Béninois qui
attaquent le vodun », explique Jean Michel Abimbola. Il va aussi indiquer
: « Que vous soyez de religion vodun ou pas, c’est un patrimoine commun,
et tout Béninois vit le vodun, peu ou prou, à travers l’art culinaire, l’art
vestimentaire, à travers la musique, les arts, les danses, etc. Vous avez
beaucoup de plats qui sont faits avec de l’huile rouge, avec de la farine, ce
sont des plats vodun à l’origine. Chaque fois que je mange des haricots, je ne
suis pas en train de faire une libation ou une cérémonie vodun, mais c’est un
héritage ». Selon le ministre Jean Michel Abimbola, beaucoup de Béninois
s’habillent et mettent des perles au cou et sur les bras, c’est du vodun. Dans
l’Eglise catholique, au Bénin, dans le cadre de l’acculturation, des rythmes
vodun sont joués sur des textes catholiques. C’est également un héritage vodun.
« Donc, nous nous adressons aux Béninois pour qu’ils assument leur
patrimoine sans pour autant leur dire, si vous êtes catholiques, cessez d’être
catholiques, soyez vodun. Sans pour autant leur dire, s’ils sont musulmans,
cessez d’être musulmans, soyez vodun. Chacun doit comprendre que c’est un
patrimoine culturel immatériel. Et dans le cadre de la Convention 2005 de
l’Unesco, nous avons le devoir de le défendre », fait savoir le ministre
du Tourisme, de la Culture et des Arts. C’est un message qui est également
adressé à l’étranger, qui n’est pas forcément outre-Atlantique, mais tout aussi
proche que le Gabon ou la Côte d’Ivoire. « Pour la plupart des Ivoiriens,
quand on dit Béninois, c’est la sorcellerie. Quand on dit à la plupart des
Gabonais Béninois, c’est le vodun, ils vont vous tuer. A ces personnes, je
voudrais dire que chaque Béninois n’est pas un sorcier en puissance, et n’est
pas un tueur. La religion vodun est aussi respectable que n’importe quelle
autre religion, parce que dans les religions, l’individu va à la recherche de
la grâce », clarifie Jean Michel Abimbola, ajoutant que les dérives
s’observent dans toutes les confessions religieuses, à travers la méchanceté,
la sorcellerie, qui sont parfois organisées par les dignitaires pour faire peur
ou terroriser. « La sorcellerie ne constitue pas le christianisme. La
sorcellerie ne constitue pas le vodun. Ces pratiques sont combattues », soutient
le ministre.
Une religion qui prône le respect de la nature
Au
delà de cette préoccupation liée la déconstruction des préjugés, les Vodun days
ont un but touristique. C’est destiné à promouvoir et rétablir le patrimoine
immatériel. Car, selon le ministre Abimbola, la singularité du Bénin, ce que le
Bénin apporte au monde, c’est le vodun. En réalité, relève le ministre du
Tourisme, de la Culture et des Arts, le vodun est une philosophie ésotérique
qui fait appel à des éléments notamment à quatre éléments majeurs : la terre,
l’air, l’eau, le feu. Il s’agit d’une religion qui prône le respect de la
nature et le fait de vivre en coexistence pacifique avec les autres, quelles
que soient leurs options religieuses. « Le vodun, c’est le respect de l’autre,
de la nature et c’est évidemment la religion par le truchement duquel les
citoyens veulent obtenir des grâces. Et vous verrez que la plupart des vodun
sont associés à une grâce : l’amour, la prospérité, la fertilité, etc. »,
a déclaré le ministre. Il ajoute : « Le vodun, c’est un art de vivre,
c’est une culture. A dessein, les Vodun days sont un rendez-vous des arts, de
la culture et de la spiritualité. Je voudrais que les visiteurs qui viennent
puissent se rendre compte que le Bénin est un pays de culture, d’histoire, de
patrimoine. C’est cela qui fait l’âme du Bénin ».
Changer le regard sur le vodun
« Le regard sur le Vodun doit changer… Nous voulons aider le monde à changer son regard sur nous », a déclaré Jean Michel Abimbola, ministre en charge de la Culture à l’occasion de ces échanges avec les médias. A travers cette religion, a expliqué le ministre, il faut cesser de voir magie et sorcellerie. Le vodun est une religion de paix et de bien. Il n’a rien à voir avec la magie ou la sorcellerie, ajoute-t-il. L’une des illustrations, dira-t-il, c’est qu’un peu partout dans le pays, temples vodun et églises cohabitent sans anicroche. Il évoque le cas de Ouidah où la Basilique fait face au temple des pythons, ou encore de Porto Novo avec la cathédrale qui jouxte le musée Vodun. « Le Bénin est un pays singulier en ce qui concerne la cohabitation des religions », apprécie Jean Michel Abimbola. Il appelle d’ailleurs à dissocier les pratiques. « Il ne faut pas faire la confusion entre la sorcellerie qui est une dérive des hommes et le vodun », nuance le ministre. Ses observations sont partagées par Sylvain Adoko, enseignant à la retraite. Venu visiter les espaces des Vodun days avec ses petits-enfants, l’homme de 62 ans, sans renoncer à sa foi chrétienne, explique qu’il y a dans le déploiement des Vodun days, « un pan important qui concerne la valorisation de la culture ». C’est ce qui l’intéresse en tout cas, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il s’est déplacé depuis Allada en famille pour « vivre ces instants ». Des instants qu’il a choisi aussi de faire vivre à ses petits-enfants qu’il a embarqués avec lui sur la place du Fort français pour leur permettre de suivre leur premier spectacle de Zangbéto. « Ce qui nous intéresse, c’est le patrimoine culturel », a souligné aussi le ministre Abimbola, invitant le public à faire la part des choses et à ne pas confondre cultuel et culturel. Sur la question, Kakpo Mahougnon, président du Comité national des rites Vodun se veut sans ambages. « Les Béninois eux-mêmes sont réservés. Ils deviennent hypocrites, parce qu’ils ne peuvent pas se départir des pratiques culturelles du vodun », laisse-t-il entendre. Il fait d’ailleurs comprendre que « il n’y a rien de cultuel qui soit proposé dans les Vodun days ». La démarche est culturelle et il est question de montrer ce que le Vodun a comme valeur, comme authenticité ». Il est nécessaire, soutient-il, que le gouvernement fasse voir le vodun dans sa nature pour que les uns et les autres puissent en faire leur propre opinion et quitter les préjugés.