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Décision Dcc 23-207 du 22 juin 2023: La Cour constitutionnelle,

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La Cour constitutionnelle La Cour constitutionnelle

Saisie d’une première requête en date à Cotonou du 21 mars 2023, enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 0620/115/Rec-23, par laquelle madame Maïlys Kpanou, messieurs Prosper Bodjrènou et Kévin Vianou, 03 Bp 2217 Jéricho-Cotonou, forment un recours contre monsieur Jacques Migan et le procureur de la République près le tribunal de première Instance de première classe de Cotonou pour violation de la Constitution et du code pénal ;Saisie d’une deuxième requête en date à Cotonou du 20 mars 2023, enregistrée à son secrétariat le 23 mars 2023 sous le numéro 0632/119/Rec-23, par laquelle monsieur Armand Bognon, 03 Bp 4304 Cotonou, forme un recours contre monsieur Jacques Migan pour violation de la Constitution ;

Par   LA REDACTION, le 06 juil. 2023 à 05h11 Durée 4 min.
#Cour constitutionnelle
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique
sur la Cour constitutionnelle ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï monsieur Vincent Codjo Acakpo en son rapport ;
Après en avoir délibéré,

Considérant que les requérants exposent que monsieur Jacques Migan, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats et membre du parti politique Bloc républicain (Br) a déclaré le dimanche 12 mars 2023 sur l'émission «L’invité » de la télévision Esae Tv relayée par les journaux l’Evénement précis et Banouto, que « le peuple voudrait que Patrice Talon continue » ; qu’ils soutiennent que ces propos, attribués au peuple qui ne les a pas exprimés officiellement, violent, d'une part l'article 34 de la Constitution selon lequel tout citoyen a le devoir de respecter la Constitution et l’ordre constitutionnel, d’autre part, l’article 42 de la même Constitution qui limite à deux l’exercice du mandat présidentiel ; qu’en outre les dits propos incitent à la confiscation du pouvoir pourtant rejetée par le préambule de la Constitution ;
Que la Cour a déclaré que la limitation à deux du nombre de mandat est insusceptible de révision constitutionnelle à travers ses décisions Dcc 11-067 du 20 octobre 2011, Dcc 13-071 du 11 juillet 2013 et Dcc 14-156 du 19 août 2014 ;

Qu’ils demandent à la Cour de constater les violations alléguées;
Considérant que par ailleurs, madame Maïlys Kpanou, messieurs Prosper Bodjrènou et Kévin Vianou demandent à la Cour de déclarer que le procureur de la République près le tribunal de première instance de première classe de Cotonou a violé l’article 35 de la Constitution pour n’avoir pas mis en œuvre à l’encontre de monsieur Jacques Migan l’article 280 du code pénal qui punit « quiconque porte publiquement atteinte, dans son discours, écrit, propos, prêche religieux aux symboles, valeurs et représentations de l’Etat, de la Nation, de la République, des traditions, des ethnies ou de toute communauté organisée et légalement constituée» ;

Considérant qu’en réponse, monsieur Jacques Migan se défend d’avoir appelé, dans l’émission en cause, à méconnaître la Constitution en l’état où elle est en vigueur ; qu’il soutient qu’en réponse à la question du journaliste relative aux conditions de poursuite de l’action du Président de la République en exercice, il a plutôt expliqué que les dispositions constitutionnelles en vigueur s’opposent à un troisième mandat et indiqué les modalités de révision prévues par la Constitution ; qu’il en conclut que n’étant investi d’aucune charge publique ni fonction par lesquelles il pourrait remettre en cause les dispositions constitutionnelles, ses propos n’ont pas violé la Constitution ; que par ailleurs, relativement à la violation de l’article 280 du code pénal, il relève, d’une part, l’incompétence de la Cour à procéder à un contrôle de légalité, d'autre part, l'absence de fondement légal à sa mise en œuvre ;
Considérant qu’en réplique, les requérants observent que le requis fait de la mobilisation sur le terrain autour de son projet de révision constitutionnelle alors même que les articles 42 et 44 excluent la candidature de tout citoyen qui a déjà accompli deux mandats présidentiels ;

Vu les articles 23, 34 et 42 de la Constitution ;

Considérant que les deux recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision;
Considérant qu’aux termes des dispositions des articles 23, 34 et 42 de la Constitution, « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d'opinion et d’expression, dans le respect de l’ordre public établi par la loi et les règlements » ; « Tout citoyen béninois, civil ou militaire, a le devoir sacré de respecter, en toutes circonstances, la Constitution et l’ordre constitutionnel établi, ainsi que les lois et règlements de la République » ; « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois.
En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de Président de la République » ;

Considérant que la Cour a jugé dans sa décision Dcc 13-071 du 11 juillet 2013 qu’il résulte de ces dispositions que « l’usage de la liberté d’expression ne saurait constituer en lui-même une violation de la loi mais seul le contenu de la parole peut être de nature à enfreindre la loi y compris la loi constitutionnelle » ; qu’elle a précisé dans sa décision Dcc 14- 199 du 20 novembre 2014 que « la liberté d’opinion dont jouit chaque citoyen ne saurait constituer une porte ouverte à des propos ou à des écrits de nature à inciter à enfreindre tes dispositions constitutionnelles que les citoyens ont le devoir sacré de respecter en toutes circonstances, qu'ainsi sont condamnables, non de simples propos, mais ceux qui incitent à la remise en cause des dispositions constitutionnelles ;

Considérant qu’en l’espèce, les propos querellés n’ont pas la teneur des déclarations incitant à une remise en cause de l’ordre constitutionnel établi ; qu’ils relèvent de spéculations intellectuelles sur les modalités de révision de la Constitution et de vœux pieux exprimés par un citoyen ; que par ailleurs les requérants n’apportent aucune preuve de la mobilisation alléguée autour du projet de révision constitutionnelle de monsieur Jacques Migan;

Que dès lors, il y a lieu de déclarer qu’il n’y a pas violation de la Constitution, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

En conséquence,Dit qu’il n’y a pas violation de la Constitution.

La présente décision sera notifiée à madame Maïlys Kpanou, à messieurs Prosper Bodjrènou, Kévin Vianou et Armand Bognon, à monsieur Jacques Migan et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le vingt-deux juin deux mille vingt-trois, 

Messieurs Cossi Dorothé Sossa Président
Mesdames Nicolas L. A. Assogba Vice-président
Mesdames Dandi Gnamou Membre
Aleyya Gouda Baco Membre
Messieurs Michel Adjaka Membre
Vincent Codjo Acakpo Membre
    
Le rapporteur,      Le président,

Vincent Codjo Acakpo Cossi Dorothé Sossa