La Nation Bénin...
Ancien enfant de troupe (Aet), le Lieutenant-colonel Didier Dindin commande de fort belle manière le Lycée militaire de jeunes filles Général Mathieu Kérékou de Natitingou (Lmjf-Gmk). Dans entretien, il rappelle les raisons de la création de l’école, et évoque les acquis depuis sa création, il y a 23 ans.
La Nation : Colonel, d’où est partie l’idée de créer le Lycée militaire ?
Lieutenant-colonel Didier Dindin : Le Lycée militaire de jeunes filles Général Mathieu Kérékou de Natitingou (Lmjf-Gmk) est une réplique du Prytanée militaire de Bembèrèkè qui est dédié aux garçons recrutés sur concours parmi les meilleurs de leur promotion. Il s’agit principalement de former de jeunes gens sur les plans académique et militaire. Cette idée de regrouper uniquement les meilleurs garçons du Bénin était dans une certaine mesure préjudiciable aux enfants filles qui parfois étaient meilleures à leurs camarades garçons. Elles étaient exclues d’office du fait que le Prytanée ne reçoit que des garçons. C’est donc dans le but de réparer cette injustice et d’offrir aux filles les mêmes chances qu’aux garçons qu’en 2000 il a été décidé de créer une école militaire réservée exclusivement aux jeunes filles les plus brillantes.
Le Lycée militaire de jeunes filles de Natitingou a été créé par décret n°2000-400 du 17 août 2000, signé du président de la République d’alors feu Général Mathieu Kérékou.
Que peut-on retenir en termes d’acquis du Lycée ?
L’excellence est l’objectif principal fixé aux écoles d’enfants de troupe. Cela n’a pas changé. Nous devons former des filles qui ont la tête bien faite, une élite destinée aux carrières civile et militaire, mais avec un arrière-plan de valeurs cardinales de patriotisme, de courage, d’abnégation et du goût du travail bien fait. Ainsi, le Lycée a acquis une grande visibilité dans la sphère de l’Enseignement secondaire au Bénin. En effet, sur les cinq dernières années, les taux de réussite sont de 100 % aux examens du Baccalauréat et du Bepc, accompagnés de meilleurs rangs pour nos apprenantes : 3 fois la première place au Bepc et plusieurs fois 2e ou 3e au Bac.
Pour encourager les enfants et toujours dans le but de mieux stimuler l’excellence, il a été institué le ‘‘ Prix d’excellence du commandant lycée ’’ qui récompense les meilleures enfants de troupe au Bepc et au Bac.
Les filles se distinguent très nettement par les places qu’elles occupent aux différents concours et compétitions nationaux. Bien entendu, le commandement poursuit inlassablement ses efforts pour l’atteinte de l’objectif double de la première place au Bac et au Bepc. Cela grandirait davantage nos forces armées et leur conférera un rôle clé dans la culture de l’excellence sur le plan national et au-delà. Nos enfants en ont le potentiel. Nous allons y arriver !
L’Etat béninois ainsi que les pays amis qui envoient régulièrement leurs enfants ici, sont bien servis en cadres, vu le nombre d’anciennes pensionnaires du Lycée militaire qui ont poursuivi leurs études dans divers domaines. Au sein des forces armées comme dans maints secteurs de la vie civile, un grand nombre d’anciennes enfants de troupe sorties du Lycée militaire contribuent brillamment à l’effort de développement de notre continent.
Quelles sont les possibilités de poursuite d’études après le Bac ?
L’après-lycée doit normalement mobiliser toutes les attentions, car tout est bien qui finit bien, dit-on. En termes d’études universitaires, je dirai qu’il y a eu, dans le passé un cursus militaire universitaire (Cmu). En effet, les anciens enfants de troupe (Aet) participaient à un concours à l’issue duquel les meilleurs accédaient directement à différentes filières d’études dans nos universités. Ils en sortaient détenteurs d’une maitrise ou tout au moins d’une licence. Ils avaient alors la possibilité d’être sélectionnés pour des cours d’officier pour ceux et celles qui souhaitaient servir dans les Forces armées béninoises. C’est un mécanisme qui a fonctionné pendant un certain temps et qui conférait une forme de visibilité à l’action de l’Etat. Des dispositions sont cependant en cours d’études pour rentabiliser les investissements de l’Etat tout en garantissant aux anciens enfants de troupe méritants un avenir digne de leur vocation, aussi bien dans les armées que dans la vie civile pour ceux et celles qui en font le choix.
Certaines mesures permettent également à des anciens enfants de troupe titulaires d’un Baccalauréat et de leur Brevet de préparation militaire supérieur (Bpms) d’accéder à une carrière dans la catégorie de sous-officiers sous réserve de certaines conditions.
Le Lycée accueille des enfants de troupe étrangers. Quel en est l’avantage ?
Le Prytanée (dont les origines remontent au 16e siècle en Grèce ancienne, précisément en 1556 : lieu où étaient entretenus et logés aux frais de l’Etat les citoyens qui avaient bien mérité de la patrie) était dédié aux enfants des nobles et officiers des armées occidentales en Europe. Lorsque le Sénégal copie le modèle de la France, il l’inscrit d’emblée dans une logique d’intégration des enfants africains provenant de toutes les couches sociales et surtout de plusieurs pays africains. La formation avait déjà commencé par les classes de l’enseignement primaire à l’époque, le Prytanée militaire de Saint-Louis du Sénégal ayant ouvert ses portes en 1923, à l’ère coloniale. C’étaient les prémices de l’intégration africaine. L’Afrique saisit donc l’opportunité de former des élites venues de tous les horizons dans un même moule.
Les écoles d’enfants de troupe qui naitront après sur le continent vont s’inscrire dans cette dynamique d’intégration africaine. Elles accueillent depuis des enfants de troupe de plusieurs pays africains et en envoient également à l’étranger pour favoriser ce brassage fédérateur et très constructif pour l’avenir du continent. Le Lmjf-Gmk accueille des enfants de troupe en provenance de pays amis depuis les années 2010.