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Recours en inconstitutionnalité de la désignation de ses membres: La Cour constitutionnelle tranche

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Fin des débats suscités autour de la désignation de membres de la Cour constitutionnelle. Les décisions prises par le juge constitutionnel, jeudi 29 juin, entérinent désormais la qualité de ces personnalités à siéger au sein de l’institution et remplir la mission à elles dévolue à cet effet. 

Lire l’intégralité desdites décisions.

Décision Dcc 23-210 du 29 Juin 2023

Par   La Cour constitutionnelle, le 03 juil. 2023 à 10h49 Durée 3 min.
#inconstitutionnalité
Saisie d’une requête en date à Cotonou du 26 mai 2023, enregistrée à son secrétariat le 30 mai 2023 sous le numéro 1043/173/Rec-23, par laquelle monsieur Joël T. S. Godonou, député à l’Assemblée nationale, membre du groupe parlementaire "Les Démocrates », forme un recours en inconstitutiormalité des désignations des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï monsieur Cossi Dorothé Sossa en son rapport ;
Après en avoir délibéré.
Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle : « Les décisions et les avis de la Cour constitutionnelle sont rendus par cinq conseillers au moins, sauf en cas de force majeure dûment constatée au procès-verbal, ;
Considérant que madame Dandi Gnamou, messieurs Nicolas Assogba, Mathieu Gbèblodo Adjovi et Michel Adjaka, membres de la Cour constitutionnelle, concernés par ce recours se sont déportés ; que cette circonstance, conformément à l’article 17 précité, habilite la Cour à siéger et à rendre sa décision avec seulement trois (03) de ses membres ;
Considérant que le requérant expose que dans le cadre de la désignation des membres de la 7e mandature de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale, aucune proposition n’a été sollicitée du député de la minorité parlementaire siégeant au sein du Bureau de l’institution ; que se fondant sur la jurisprudence de la Cour, il estime que  les  désignations  effectuées  au sein  de l’Assemblée nationale, y compris celles relevant  de  la compétence du  Bureau  de l’Assemblée nationale, doivent refléter la configuration politique  de  l’institution  ;
Qu’il en conclut que la désignation des quatre membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale, en ce qu’elle ne reflète pas la configuration politique du Bureau, est contraire à la Constitution ;
Considérant qu’en réponse, le président de l’Assemblée nationale, par  l’organe  du  secrétaire général de l’institution, observe  qu’au titre des modalités de nomination des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale,  il est prévu que la  nomination intervienne  après l’avis consultatif de la Conférence des présidents, que les désignations soient  effectuées par un vote au scrutin secret et qu’au terme du processus qu’un acte  de nomination soit pris par le président de l’Assemblée nationale; qu’il explique qu’à l’issue de l’appel à candidature, qui a permis d’enregistrer six (06) candidatures, les désignations ont été opérées sur les seuls critères de compétence, de  moralité et de probité exigés à l’article 115 de la Constitution et sans aucune considération partisane ni subjective ; que conformément à la pratique parlementaire, la nomination des membres de la Cour constitutionnelle ne peut faire l’objet de marchandage ni de calculs politiques conduisant à requérir des tendances politiques représentées à l’Assemblée nationale ou des groupes parlementaires des propositions de candidatures ; que sur  la jurisprudence  de  la Cour constitutionnelle à laquelle fait allusion le requérant, il fait observer qu’elle est relative à la désignation des représentants de l’Assemblée  nationale dans les parlements  régionaux et institutions de la République ainsi qu’à la composition des bureaux des commissions  permanentes ;  
qu’il  précise  que  dans ces deux cas, il s’agit de désignation  ou  d’élection de  députés pour  lesquels la Cour a exigé qu’elle doit s’effectuer  selon le principe à valeur constitutionnelle de la représentation proportionnelle majorité/minorité. 
Que pour n’être pas dans ce cas de figure, il estime que la jurisprudence de la Cour est inopérante et qu’il n’y a pas violation de la Constitution ;

Considérant qu’en réplique, le requérant, dans un premier temps, remet en cause l’impartialité de la formation juridictionnelle appelée à statuer sur son recours en alléguant que les personnes dont il conteste la nomination siégeront également en qualité de membres de la Cour constitutionnelle pour décider ; que dans un second temps, il rappelle, s’appuyant sur la jurisprudence même de la  Cour,  que  le principe à valeur constitutionnelle de la répartition proportionnelle majorité/minorité,  imposé pour le respect des  droits de la minorité au Parlement, s’applique dans tous les cas où les lois confèrent aux  députés  et  aux membres du Bureau de l’Assemblée nationale des  pouvoirs de nomination  ou  de désignation dans  des structures où  il y a pluralité d’opinions  et de tendances  ;

Qu’il insiste dès lors sur la nécessité de faire respecter en l’espèce la règle de la répartition proportionnelle majorité/minorité pour la désignation des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale ;

Vu les articles 115 de la Constitution et 18 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ;

Considérant qu’aux termes de l’article 115 de la Constitution, « La Cour constitutionnelle est composée de sept membres dont quatre sont nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et trois par le président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Aucun membre de la Cour constitutionnelle ne peut siéger plus de dix ans.
Pour être membre de la Cour constitutionnelle, outre la condition de compétence professionnelle, il faut être de bonne moralité et d’une grande probité.
La Cour constitutionnelle comprend :
-  trois magistrats, ayant une expérience de quinze années au moins, dont deux sont nommés par le Bureau de l’Assemblée nationale et un par le président de la République ;
-  deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant une expérience de quinze années au moins, nommés l’un par le Bureau de l’Assemblée nationale et l’autre par le Président de la République » ;
Considérant que l’Assemblée nationale a désigné, par décision n°2023-094/An/Pt du 22 mai 2023 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, madame Dandi Gnamou, messieurs Nicolas Assogba, Michel Adjaka et Mathieu Gbèblodo Adjovi, en qualité de membres de la Cour constitutionnelle ;
Considérant que l’article 18 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoit au titre des modalités pratiques de désignation des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale deux conditions :
- l’avis préalable de la Conférence des présidents ; et
- le vote au scrutin secret ;

Considérant qu’aucune des dispositions sus-visées ne prévoit que toutes les tendances politiques présentes au sein du Bureau de l’Assemblée nationale doivent être représentées parmi les membres désignés de la Cour constitutionnelle ; qu’au demeurant, la Cour a rappelé à plusieurs reprises que pour mener à bien la mission qui leur a été confiée, les membres de la Cour constitutionnelle doivent être  indépendants  des institutions  qui  les ont  nommés et de tous partis politiques  ; qu’il faut en déduire que pour la nomination des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale, outre les modalités définies à l’article 18 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, seuls  les  critères strictement définis à l’article 115 de la Constitution doivent  être pris en compte et qu'aucune autre considération, notamment  d'ordre politique, ne doit  guider le choix des députés; que dès lors, le  moyen  tiré  du  non-respect de la configuration politique du Bureau de l'Assemblée nationale dans les désignations effectuées est  inopérant  ;
Qu’il y a lieu de dire qu’il n’y a pas violation de la Constitution ;

En conséquence,

Dit que la désignation des membres de la Cour constitutionnelle par le Bureau de l’Assemblée nationale n’est pas contraire à la Constitution.
La présente décision sera notifiée à monsieur Joël T. S. Godonou, à monsieur le président de l’Assemblée nationale et publiée au Journal officiel.

Ont siégé à Cotonou, le vingt-neuf juin deux mille vingt-trois,

Monsieur Cossi Dorothé SOSSA Président
Madame Aleyya GOUDA BACO Membre
Madame Vincent Codjo ACAKPO Membre

Le Rapporteur, Le Président

Cossi Dorothé SOSSA Cossi Dorothé SOSSA