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Célébration de la fête du vodoun: Le grain de sel des touristes et étrangers

Culture
Par   Josué F. MEHOUENOU, le 13 janv. 2017 à 06h41

La fête des religions endogènes célébrée le 10 janvier de chaque année depuis plus de deux décennies n’est plus seulement la fête des adeptes des divinités du panthéon vodoun. Elle est aussi et surtout la fête des touristes qui de plus en plus ne se laissent plus conter l’événement.

Mardi 10 janvier. La Place du Non retour qui borde la plage de Ouidah, la cité des Kpassè, est noire de monde. Depuis des heures, des adeptes de nombreuses divinités défilent, chantent, jubilent, font des démonstrations et tentent de valoriser leurs dieux respectifs. Au nombre des délégations défilantes, celle des Mamissi (adeptes de Mami Wata) se fait distinguer par l’apparat de ses membres. Tout de blanc vêtu, pagne noué au cou, à la taille, longues perles multicolores au cou, ils s’avancent, dansant au son des tambours vers l’emplacement à eux réservé sur les lieux de la célébration de cette fête qui accueille chaque année des centaines de personnes venues d’un peu partout. Au passage de cette délégation, l’attention du public se focalise très vite sur l’un de ses membres. En plus de sa taille qui lui permettait de se distinguer des autres Mamissi, un homme à la peau blanche, moustache bien taillée, exécute des pas au même titre que les autres, tout souriant. Il s’appelle Sikassi, du moins à l’instant et à toutes autres occasions en lien avec le culte vodoun. De nationalité française, cet adepte particulier a été initié avec la bénédiction de la reine Kondodo, épouse du pontife du culte vodoun au Bénin, sa majesté Daagbo Hounon Hounan Tomadjrèhoukpon II, au cours d’un voyage au Bénin. « Je crois que ce sont les dieux qui m’ont appelé pour m’initier ou plutôt le divin, l’ultime », confesse-t-il, royalement installé au devant d’une vingtaine de Mamissi. « Avant, le vodoun, c’était juste une idée pour moi. Dans la tradition blanche, il est perçu comme quelque chose d’obscur », révèle l’homme dont le discours et la vision sur les cultes endogènes au Bénin ont changé depuis bien longtemps, sans doute à la suite de son initiation. « Ils honorent et célèbrent les racines de la vie et du coup je les accompagne. Et le fait que je sois Blanc me permet d’assister aux mélanges des cœurs, à la différence des cultures dans le respect de la tradition », raconte-t-il. « La divinité qui m’habite vient de la mer », nous révèle-t-il également. Puis, Sikassi qui préfère cette appellation à son nom à l’état civil, laisse entendre : « C’est mon cœur qui parle du vodoun ». Mais il ne nie pas la complexité dont il fait l’objet depuis cette initiation qui l’oblige à se partager entre deux peuples dont les points de vue, en tout cas sur le vodoun, sont loin de converger.

Un Houngan nommé Erol Josué !

Bien plus qu’un simple initié, l’Haïtien Erol Josué, lui, est un prêtre vodoun. Ce descendant d’esclave est venu pour la toute première fois à Cotonou, dans la nuit du samedi 7 janvier pour une série de manifestations qui s’inscrivent dans le cadre du programme « Rencontres d’ici et d’ailleurs » de Laboratorio arts contemporains. Mais c’est surtout pour le vodoun que l’homme est sur la terre de ses ancêtres. Et même s’il a choisi, volontiers, de se mélanger à la foule de touristes en liesse sur la plage de Ouidah à l’occasion de la fête, ce n’est pour autant qu’il soit venu découvrir le vodoun. « On n’est pas venus assujettis mais en tant que garants du vodoun venus d’Haïti pour partager avec nos frères la réalité de la terre de nos ancêtres. Nous sommes revenus pour partager la joie de la terre natale de nos ancêtres », nuance-t-il.
Les dieux du panthéon vodoun, il les connaît, les vante et les vénère depuis sa tendre enfance. Il en a donné la preuve à sa descente d’avion, en exécutant des pas de danse aux côtés d’autres adeptes et danseurs. « Je ne pouvais pas me retenir. Pour moi, revenir chez moi c’est une histoire. Je suis tombé dans les tambours, le langage des corps, la danse, le son… C’est universel et je ne pouvais que m’y soustraire », s’était-il justifié. Pour Erol Josué, le vodoun c’est l’esprit de nos ancêtres, sagesse, dignité, résistance, une vision du monde. « Il y a le vodoun en Haïti. En tant qu’Haïtiens, revenir à Ouidah est un devoir de mémoire par rapport au passé commun que nous avons et un avenir commun doit se créer, pour faire la paix avec le passé et les lambeaux de la mémoire, c'est-à-dire ce qui reste du vodoun emporté en Haïti et le vodoun ici au Bénin », soutient le dignitaire. D’ailleurs il n’existe pas de différence fondamentale, pense-t-il. Ce qu’il y a eu, explique-t-il, c’est que c’est que Haïti est un mélange des captifs se sont fondus aux hommes à peau rouge avec qui ils qui ont partagé leur tradition mais aussi celle laissée par le colon. « Le colon a laissé beaucoup de choses que les Afro-descendants se sont appropriés. Haïti doit venir voir ce qui se passe ici et vice versa. On doit se parler et en arriver à une renaissance culturelle et composer ensemble », plaide-t-il.

Une vision du vodoun

Victor et Cécile, Européens sont venus pour la première fois au Bénin à l’occasion de la fête du 10 janvier. Pour ce couple qui paraît bien plus que de simples touristes, le vodoun est à découvrir. Pas étonnant donc qu’il ait choisi de parcourir une à une les espaces réservées aux divinités confiées. « C’est très impressionnant ce que nous voyons. Nous avons appris que le vodoun c’est une religion populaire qui protège les gens et que c’est la magie blanche. Il n’est pas la magie noire. Le vodoun combat plutôt la magie noire. Le vodoun fait surtout du bien pour les gens qui vont le solliciter quand ils ont des vœux, quand ils veulent des choses. Ils font des rituels et des cérémonies pour obtenir cela et je n’ai pas peur de tout ce que je vois. C’est très amusant ». C’est avec force et engagement après quarante-huit heures passées à Ouidah, Victor défend sa vision des religions endogènes du Bénin. Il en va de même pour Cécile, sa compagne, qui elle, dit aimer l’atmosphère des lieux. Elle, à voir « comment les gens fêtent ensemble », en vient à la conclusion que c’est « quelque de très positif, qui est très riche en histoire ». Aussi, pense-t-elle qu’on peut beaucoup apprendre de cette religion. « Nous n’avons pas de vodoun en Australie. C’est une pratique très différente. Hier à Allada, nous avons assisté à des chants, danses et sacrifices. C’est très intéressant », exulte Riha Renata, médecin de nationalité autrichienne. Venue pour la première fois à Cotonou pour vivre l’ambiance de cette célébration, elle dit respecter le rituel qu’elle a découvert au fil de ses déplacements. « Une religion très vive, avec beaucoup de joie, très positive », affirme-t-elle. De quoi donner raison au chef de l’Etat béninois, le président Patrice Talon qui prévoit dans son programme d’actions quinquennal, de mieux « vendre » le vodoun à travers une série d’initiatives et de projets?