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Les femmes dans le Vodun: Discrètes et puissantes !

Culture
Vodun Days 2025 Vodun Days 2025

On les prendrait pour des accompagnatrices ou de simples cantatrices. Mais elles détiennent bien des pouvoirs. La religion Vodun n’existe pas sans la femme, conviennent adeptes et dignitaires. 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 29 janv. 2025 à 06h55 Durée 3 min.
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Vendredi 10 janvier. Alors que les premiers rayons du soleil peinent à s’afficher sur la plage de Ouidah, le temple Mami qui s’y dresse grouille déjà de monde. L’estrade des lieux est prise d’assaut par de nombreuses jeunes filles et femmes toutes de blanc vêtues et parées de perles à dominance blanc et bleu. A mesure que les minutes passent, le cercle s’agrandit. Salutations, chants, pas de danse, offrandes à la divinité… Tout y passe. Amélie S, démarche imposante, s’avance fièrement à la tête d’un groupe de huit femmes. Cadre de banque en service à Cotonou, elle a effectué le déplacement avec ses filles et nièces pour honorer leur divinité en ce jour de fête. Le choix aurait pu être porté sur un autre lieu de célébration, mais la délégation est venue à Ouidah pour honorer un autre membre de la famille qui, à l’occasion, devrait monter en grade. De quoi cela retourne-t-il, On n’en saura pas plus. Amélie n’a pas en projet d’en dire davantage, mais elle reconnait tout de même « que les femmes et le Vodun, c’est bien plus qu’une question d’amour… Elles détiennent des pouvoirs et des secrets», assure la jeune dame, teint clair et maquillage au point. D’un couvent à un autre, la présence massive des femmes saute à l’œil. Au couvent Mami de Zoungbodji, toujours à Ouidah, les trois jours de célébration des Vodun days ont donné lieu à une mobilisation sans pareille de femmes et de filles. Nous avons surpris au détour d’un de nos passages, C. Aguidissou, 28 ans. La jeune femme au large sourire, teint clair, d’un mètre et demi de taille est toute parée de blanc et de rose. « On nous insulte en regardant notre apparence et nos accoutrements. Nous ne pouvons pas laisser notre culture. J’adore le Vodun plus que tout », dit-elle, essoufflée par ses nombreux pas de danse. A la tête d’un petit groupe de six adeptes, elle s’est donné pour mission de « faire le tour des espaces sacrés de Ouidah pour recevoir assez de bénédictions » pendant l’évènement.

« Aucune cérémonie ne peut se faire dans cette religion sans la femme. Même si nous ne sommes pas au-devant de la scène et n’occupons pas les rôles majeurs, notre présence est indiscutable ». Marguerite Kpatènon, 62 ans est adepte Vodun depuis sa naissance. Elle a décidé de consacrer toute son existence aux divinités. De loin, soutient-elle, on a l’impression que les femmes ne constituent que du décoratif, ou tout au plus, ce sont elles qui doivent chanter et danser. « Ce genre de commentaire erroné me revient souvent et je m’en désole », déplore-t-elle. « Qui connait le fondement de la religion sait que le pouvoir, sinon le vrai pouvoir est aux mains des femmes », rectifie-t-elle. « Posez-vous la question de savoir pourquoi les Minon existent. Les Tassinon, les Nan et j’en passe», reprend-elle. La suite des échanges est consacrée à une hiérarchisation des rôles dévolus à la femme au cœur du Vodun. Pour dire comme bien d’autres intervenants qu’elles y tiennent le rôle du pouce.  

Actives

Autant que les femmes elles-mêmes, les garants de la tradition reconnaissent à la femme son rôle de pivot pour perpétuer la tradition Vodun. « Il n'y a rien qui se fait et se fera dans le couvent sans la femme. Elle est au centre de toutes les activités et rituels relativement aux divinités et en principal la divinité Sakpata dont vous êtes dans le couvent», renchérit, non sans fierté, le chef du couvent Sakpata de Zoungbodji à Ouidah. « Vous avez vu à ma droite la prêtresse. Elle est la première personnalité du couvent qui intervient et qui agit directement avec les Vodun. C'est elle qui leur adresse les prières, communique avec eux», explique le dignitaire juché sur son siège, entouré d'autres dignitaires. Selon lui, « la femme est au centre de cette divinité et donc de la religion Vodun ». Dans son couvent, précise-t-il, en dehors de la prêtresse, il y a l'épouse qui est la « Tata » au sein du couvent et même du palais royal.

L’autre rôle dévolu à la femme, selon ce haut dignitaire, c’est celui de transmettre le savoir aux jeunes générations. Détentrices des savoirs, elles sont aussi dépositaires des « secrets » et cela fait d’elles des pions importants sur le damier. Les femmes sont actives au-devant de la scène, et dans l’antichambre, soutient de son côté Dah Adoko Gbèdiga, président de l'Union des associations et organisations des religions endogènes du Bénin (Uaoreb). Cet autre dignitaire reconnait lui aussi les femmes comme un pilier majeur dans les pratiques des religions traditionnelles au Bénin.

Vous pensez que la tradition a horreur des femmes ? s’interroge sa majesté Dadah Daagbo Hounon Hounan II, chef suprême du Vodun Hwendo. La première personne à marcher dans la tradition, c'est la femme, répond-il à ceux qui attribuent les moindres rôles à la femme. D’ailleurs, confie le dignitaire, « il y a des postes que les hommes ne peuvent pas occuper, ce ne sont que des femmes qui peuvent exercer les fonctions liées à ces postes». Quand il s'agit de l'éducation patrimoniale ancestrale dans la tradition, ce sont les femmes qui sont les premières personnes à marcher, indique Daagbo Hounon Hounan II. C’est pour cela qu’elles ont une place prépondérante dans la tradition. « Les femmes, qu'on le veuille ou non, constituent une pièce maîtresse dans le Vodun,conclut le dignitaire.

Relève assurée

« Nous sommes des intermédiaires entre les adeptes et les responsables Vodun ».  Gabrielle Kpomegan, 70 ans, explique ainsi l’une des fonctions dévolues aux femmes. A cela, elle ajoute que les femmes sont chargées de transmettre les savoirs. A qui ? A la jeune génération d’adeptes dont le nombre ne cesse de croître. Les Vodun days 2025 ont eu l’avantage de projeter au-devant de la scène une partie de la jeune et fraîche pépinière d’adeptes en éclosion dans les couvents. Certaines y tiennent déjà des rôles majeurs. Déborah B, à peine un quart de siècle, tient déjà le rôle de Tassinon pour toute sa famille. « Je ne peux tout vous expliquer… Je suis Hinnou sin Tassinon, cela veut dire que je suis la grand-mère de toute ma famille malgré mon jeune âge ». La jeune prêtresse est parée, ce 10 janvier, aux couleurs de Mami, le blanc et le rose. Sa place au sein de son couvent, elle veut la tenir et d’une main forte. Elle confesse avoir mis trop de temps à l’assumer. « Je m’étais égarée. J’errais dans d’autres religions sans aucune issue pour mes difficultés. Mais dès lors que je me suis reconnectée à mes racines, j’ai retrouvé goût à la vie et tout ce qui va avec. « Ce que le Vodun accomplit pour moi, je ne peux l’expliquer. J’ai connu beaucoup de difficultés. C’était la meilleure des choses à faire en tant que Noire et en tant qu’Africaine », soutient-elle.

Mais Déborah ne compte pas en rester là. Elle rêve de grandir. C’est la raison pour laquelle elle fait preuve d'humilité, se concentre et apprend. A ses côtés, Gisèle, 23 ans, tient un discours similaire. « Ce que nous faisons dans nos couvents, je ne peux pas l'expliquer mais je peux juste vous dire que nous y sommes pour adorer nos divinités», révèle-t-elle. Rendre les divinités « plus esthétiques» et soigner le discours à leur propos, c’est aussi là le challenge que s’imposent ces jeunes adeptes, qui s’offrent comme des appuis solides pour la pérennisation de la religion Vodun.