La Nation Bénin...
Que faire pour réduire la fréquence des flammes sur le site des palais royaux d’Abomey, à défaut d’y mettre définitivement un terme ? Sur la question, les approches ne manquent pas et les avis techniques sont tout aussi variés.
« Il faut absolument associer les familles royales et la mairie d’Abomey à la gestion du musée. Ces deux structures doivent jouer un rôle plus important à un niveau de responsabilité plus élevé sur la base d’un cahier des charges qui définit le rôle de chacun. Il faut également un investissement important pour sécuriser l’espace muséal, un renforcement du personnel d’entretien… ». C’est ce que préconise Didier Houénoudé, directeur du Patrimoine culturel au ministère du Tourisme et de la Culture, face aux incendies répétés dans les palais royaux d’Abomey. Il propose également la mise en place de « mécanismes d’alerte qui peuvent prévenir les risques d’incendie ». La finalisation du plan de gestion et du plan de gestion des risques peuvent aussi amoindrir les risques, pense ce docteur en histoire de l’art.
Pour Franck Ogou, spécialiste et expert en gestion de patrimoine culturel en service à l’Ecole du Patrimoine africain (Epa) à
Porto-Novo, en tenant compte de la nature et des causes de ces incendies, on peut être amené à faire trois observations. La première, c’est que « les communautés ne se reconnaissent plus dans leur bien et ne trouvent aucun intérêt à contribuer à leur préservation ». Cela implique, note-t-il, la mise en application de « l’une des recommandations de la mise en œuvre de la convention de 1972 à savoir l’implication des communautés dans la gestion des biens patrimoniaux ». Secundo, il relève la défectuosité des installations et la vétusté des matériels, sans oublier le faible effectif du personnel qui n’arrive pas à avoir le regard sur toute l’étendue du site. Selon lui, la résolution de ces trois problèmes constituera un début de solution aux incendies répétés à Abomey.
« Il est possible de remédier à cette catastrophe », pense aussi Pacôme Alomakpé, gestionnaire de patrimoine culturel, qui suggère comme « solution ultime », le respect du plan de gestion de ce bien patrimonial. Lequel, indique-t-il, intègre dans ses mesures, un code de sécurité stricte. « C’est ce qui est d’ailleurs universel et relève du bon sens quand il est question de la vie, de la protection et de la valorisation d’un bien culturel de reconnaissance mondiale », explique-t-il.
Au-delà de ces solutions plutôt techniques, le directeur du patrimoine culturel va en appeler aussi à la responsabilité des Béninois. Il s’agit, dit-il, « d’un bien qui appartient à tous les Béninois. L’Etat n’est pas le seul à devoir participer à la gestion et à la sécurité du site ». Pour Didier Houénoudé, accuser l’Etat ou encore le ministère en charge de la Culture n’aidera en rien à résoudre les problèmes des musées (fréquentation et autres difficultés). « Très peu de Béninois se soucient de leur fonctionnement et également très peu les fréquentent », déplore-t-il.
Risques de déclassement ?
La question de la fréquence des incendies sur le site va de pair avec les interrogations sur le déclassement ou non de ce site, le premier du Bénin classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Sur la question, les techniciens n’ont pas toujours une convergence de points de vue. Pour Franck Ogou, le risque de déclassement est permanent sur tous les sites inscrits au patrimoine mondial, seulement que ce n’est pas le même degré de risque partout.
S’agissant du cas d’Abomey, « le risque pourrait être plus élevé qu’ailleurs pour les nombreux problèmes de gestion du site, pas seulement à cause des incendies qui ne sont que la partie visible de l’iceberg ». Ce site « doit attirer plus l’attention des pouvoirs publics si nous voulons garder ce label », poursuit ce spécialiste du patrimoine à qui on doit, entre autres, la réfection du Jardin des plantes et de la nature de Porto-Novo. Aussi, révèle-t-il qu’un un plan de gestion des risques pour le site d’Abomey existe et résulte d’un atelier organisé en 2013. Un plan qui met l’accent sur les risques liés aux incendies et propose des solutions.
L’autre chose qui pourrait menacer le site et conduire vers son déclassement, analyse-t-il, ce sont les informations véhiculées à propos, « en des termes très alarmants et ambigus ». Son appel : « restons positifs et travaillons tous à préserver l’image de notre pays par la protection et la valorisation de nos patrimoines ». Didier Houénoudé, lui, pense que « pour l’instant il n’y a pas de risques de déclassement » car « l’incendie est mineur et n’a pas touché les collections, ni les réserves, ni les espaces d’exposition permanente et temporaire ». L’origine des flammes sur le site ne préoccupe pas moins ces techniciens et c’est sans mettre des gants que Pacôme Alomakpé soutient que « le défi du feu sur les sites des palais royaux d’Abomey sort de l’ordinaire et on peut croire que le mal provient de l’acte humain… le feu destructeur n’est pas anodin ».
Toujours est-il que le patrimoine culturel béninois ne se porte pas si mal que cela, affirme le directeur du patrimoine culturel. « Certaines pratiques rituelles et festives permettent de préserver le patrimoine immatériel. Des municipalités et des équipes du ministère en charge de la Culture travaillent à inventorier ce patrimoine culturel afin de pouvoir le rendre plus visible à l’international. Mais ce travail ne peut porter de fruits que si les populations elles-mêmes s’approprient leurs biens et décident de les protéger. Ce ne sont pas tous les éléments du patrimoine culturel qui ont besoin de grands moyens pour l’entretien ou la sauvegarde. Parfois, certains gestes simples de respect sont suffisants pour aider à une meilleure conservation du patrimoine culturel », certifie Didier Houénoudé n