La Nation Bénin...

Budget 2025: L’équilibre stratégique

Economie
Nicolas Yènoussi exposant les mesures fiscales du budget 2025 Nicolas Yènoussi exposant les mesures fiscales du budget 2025

Des précisions ont été apportées sur les grandes orientations fiscales et le volet social du budget 2025. Ceci à l’occasion d’une conférence de presse tenue, vendredi 27 décembre dernier à Cotonou. 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 30 déc. 2024 à 07h47 Durée 3 min.
#économie béninoise

Contrairement aux inquiétudes exprimées par certains observateurs, le budget 2025 ne prévoit ni la création de nouveaux impôts ni l’augmentation des taux existants. Nicolas Yènoussi, directeur général des Impôts, a tenu à rassurer les Béninois sur la question. Des ajustements fiscaux ciblés permettront plutôt de soutenir certaines dynamiques économiques tout en garantissant une meilleure traçabilité des transactions. Ainsi, l’exonération des droits de douane et de la Tva sur l’importation des voitures neuves, en vigueur depuis trois ans, est reconduite en 2025. Cette mesure, souvent perçue comme un privilège pour les plus aisés, bénéficie en réalité à une population variée, incluant des ménages modestes, des jeunes primo-acheteurs et des retraités. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avant cette exonération, seulement 1 025 véhicules neufs étaient importés annuellement. Aujourd’hui, ce nombre dépasse les 6 000. « Les recettes issues de l’impôt sur les sociétés des concessionnaires ont triplé, prouvant que cette mesure stimule à la fois la consommation responsable et la fiscalité», clarifie Nicolas Yènoussi. Concernant la commercialisation des boissons alcoolisées, les droits d’accises sur ces boissons seront diminués dans le cadre du budget 2025 pour encourager les importations officielles. Une décision stratégique visant à endiguer le commerce parallèle qui grève les recettes fiscales. « Nous avons observé une baisse de 17,4 % des droits d’accises entre 2023 et 2024, principalement à cause du détournement du trafic et des importations non déclarées», révèle le directeur général des Impôts. Les impôts dans le secteur des jeux et casinos ont été également clarifiés par le directeur général des impôts. Contrairement à certaines rumeurs, les casinos et jeux de hasard subiront une augmentation des taxes. « Nous avons ajusté le taux de 10 % à 15 % pour les casinos, en appliquant la fiscalité sur le produit net de jeu plutôt que sur le produit brut», précise Nicolas Yènoussi. Cette réforme s’inscrit dans une volonté d’aligner le système fiscal béninois sur les pratiques internationales, tout en assurant un juste retour financier pour l’État.

Cadre fiscal équilibré et inclusif 

L’un des changements les plus notables concerne la réduction du prélèvement sur les paiements en espèces. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle taxe instaurée comme le pensent certains. Passant désormais de 5 % à 1 %, cette mesure qui n’est pas en effet nouvelle, s’appliquera désormais de manière plus large. « Depuis 2011, les entreprises étaient pénalisées lorsqu’elles effectuaient des dépenses en espèces supérieures à 100 000 francs Cfa. Ce prélèvement vise à renforcer la transparence et à encourager les paiements numériques. Les retraits bancaires ou les dépôts en espèces ne sont pas concernés», rectifie Nicolas Yènoussi. Les petites et moyennes entreprises (Pme) continueront aussi de bénéficier d’une exonération totale de la Tva et des droits de douane sur les équipements et matériels importés pour leur production. Cette mesure, essentielle pour soutenir le tissu économique local, reflète l’engagement du gouvernement en faveur de l’industrialisation et de la création d’emplois.

En complément des mesures fiscales détaillées par le directeur général des Impôts, Aristide Mèdénou, directeur général de l’Économie a mis en lumière les grandes priorités du budget 2025. Selon l’économiste, ce budget est conçu pour stimuler la croissance économique tout en renforçant la résilience sociale, dans un contexte marqué par des incertitudes économiques mondiales. « Le budget 2025 traduit la volonté du gouvernement de poursuivre les réformes structurelles nécessaires pour maintenir la dynamique de croissance économique, tout en répondant aux besoins fondamentaux de la population, notamment en matière d’éducation, de santé et d’infrastructures de base », a-t-il déclaré. A l’en croire, 45 % des ressources budgétaires sont orientées vers des investissements publics, notamment dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures routières et de l’agriculture. 

La place du social

La dimension sociale occupe également une place de choix dans ce budget 2025. Rodrigue Tchaou, directeur général du Budget a souligné les efforts continus du gouvernement pour placer les lois de finances sous le signe du social depuis le début du quinquennat en cours. Il a détaillé plusieurs initiatives marquantes qui reflètent cette orientation. « En ce qui concerne le programme d’alimentation scolaire, nous sommes passés de 800 millions en 2016 à 28 milliards aujourd’hui, avec un taux de couverture global de 80 % et 95 % en milieu rural, prenant en compte 5709 écoles et 1 374 955 écoliers», a-t-il déclaré. A l’en croire, cet exploit a été possible grâce aux réformes opérées sur le plan des évacuations sanitaires. Le nouveau cadre de gestion a permis de réaliser d’importants gains d’efficience, faisant passer le coût financier annuel de l’activité d’évacuation sanitaire à l’étranger de 17 milliards en moyenne annuelle à 2 milliards. Rodrigue Tchaou a également exposé les mesures en faveur des Aspirants au métier d’enseignant (Ame) dont l’effectif est passé de 23 926 à 31 270, soit une augmentation de 30,7 %, depuis leur recrutement en 2019. « Les dépenses annuelles pour les Ame ont progressé de 19,3 milliards en 2019 à 35,2 milliards en 2024, soit une hausse de 82 % », a précisé Rodrigue Tchaou. Plusieurs autres mesures additionnelles ont été prises, générant un montant net de 13,7 milliards en année pleine contre 5,3 milliards prévus pour l’option de reversement de 3000 Ame en 2024; soit un effort supplémentaire de 8,4 milliards représentant 159% des prévisions de dépenses initiales réservées à l’opération de reversement de 3000 Ame. « Il s’agit là bien d’une mesure de justice sociale ou corporative qui rehausse le pouvoir d’achat des 31000 Ame à l’instar des autres travailleurs de l’État, notamment les enseignants agents de l’État », note le directeur général du Budget. Des perspectives heureuses se profilent à l’horizon pour ces travailleurs suivant un plan que projette le gouvernement tout en respectant le ratio masse salariale sur recettes fiscales. 

Chacun pour son compte

Outre ces Aspirants au métier d’enseignant, les agents contractuels de l’État des catégories B, C et D dont la majorité relève des opérations de reversement de 2008 et admis à la retraite de façon précoce en raison de l’âge et ne pouvant réunir les 15 ans de service minimum, bénéficient depuis 2019 d’une aide de cotisation sociale de la part de l’État. « Pour l’équité dans le traitement, le gouvernement a donc décidé de payer pour le compte de ces agents, des cotisations complémentaires afin de leur assurer une pension de retraite à vie en lieu et place d’une allocation unique de vieillesse telle que prévue par les textes, sortant ainsi, des milliers de foyers béninois d’une situation de précarité », indique Rodrigue Tchaou.

 Le directeur général du budget n’a pas manqué d’évoquer la gratuité pour les filles dans le secondaire avec une généralisation couvrant 20 communes depuis deux ans, et prenant en compte les frais de scolarité et les manuels scolaires. « L’incidence financière liée à cette mesure de gratuité des frais de scolarité pour les filles du premier cycle s’élève en 2024 à 3 504 368 000 F Cfa pour un effectif de 253 113 filles de l’enseignement secondaire général », fait-il savoir. Les résultats obtenus à cette phase pilote montrent une réduction du taux d’abandon scolaire chez les filles de 15 % dans lesdites communes et un accroissement du taux de scolarisation de 20 %. Le budget 2025 s’inscrit dans une logique d’équilibre, en vue de préserver le pouvoir d’achat des citoyens, soutenir fortement le filet social tout en consolidant les recettes de l’État■