La Nation Bénin...
Le
commerce mondial a connu une croissance record en 2024 mais à cause des
tensions géopolitiques et politiques commerciales changeantes, les défis sont
croissants. Au lieu de consolider leurs chaînes d’approvisionnement, les
entreprises les diversifient et les gouvernements adoptent des mesures
protectionnistes qui redessinent les flux commerciaux. Les déséquilibres
commerciaux se creusent, avec un déficit accru pour les États-Unis et un excédent
renforcé pour la Chine et l’Union européenne, influençant les échanges
mondiaux. Le dernier Global Trade Update par Onu Commerce et Développement
(Cnuced), basé sur des données jusqu’à début mars, signale cette évolution du
paysage.
En
2024, sous l’impulsion des économies en développement et de la vigueur du
commerce des services, le commerce mondial a connu une expansion record pour
atteindre 33 000 milliards de dollars, soit une hausse de 3,7 % par rapport à
2023. Cependant, de nouveaux risques se profilent à l’horizon, notamment des
déséquilibres commerciaux, des politiques en mutation et des tensions
géopolitiques.
L’écart
entre les économies en développement et les économies avancées se creuse.
L’Asie et l’Amérique latine demeurent les principaux moteurs du commerce, mais
la croissance s’est ralentie dans de nombreuses économies avancées. Si le
commerce Sud-Sud se maintient, les échanges intra-africains se contractent,
annulant ainsi les gains réalisés ces dernières années. Par ailleurs, le
commerce entre l’Europe et l’Asie centrale a diminué, reflétant une évolution
de la demande.
Les
tendances à la délocalisation de proximité, comme le friendshoring et le
nearshoring, se sont inversées en 2024. Les entreprises diversifient désormais
leurs réseaux commerciaux dans plusieurs régions afin de réduire les risques,
créant ainsi de nouvelles opportunités tout en augmentant la complexité des
échanges. La dépendance commerciale évolue également. Alors que des pays comme
la Russie, le Viêt Nam et l’Inde ont renforcé leurs liens avec des partenaires
spécifiques, d’autres, comme l’Australie et l’Union européenne, réduisent leur
dépendance aux marchés traditionnels. La diminution de la concentration des
échanges suggère que les petites économies jouent un rôle croissant dans les
dynamiques commerciales mondiales.
Redéfinition des flux commerciaux
Par
ailleurs, les gouvernements intensifient l’utilisation des droits de douane,
des subventions et des politiques industrielles, ce qui redéfinit les flux
commerciaux internationaux. Les États-Unis, l’Union européenne et d’autres pays
intègrent de plus en plus la sécurité économique et les objectifs climatiques
dans leurs stratégies commerciales, tandis que la Chine recourt à des
politiques de relance pour soutenir ses exportations. La montée du
protectionnisme, qui favorise les industries nationales à travers des droits de
douane ou des restrictions, suscite des mesures de rétorsion de la part des
partenaires commerciaux et complexifie davantage le commerce mondial.
Parallèlement, les politiques industrielles redessinent des secteurs clés tels
que l’énergie propre, la technologie et les matières premières essentielles, ce
qui risque de fausser la concurrence.
En
2024, les déséquilibres commerciaux mondiaux ont retrouvé les niveaux observés
en 2022. Le déficit commercial des États-Unis s’est creusé, l’excédent de la
Chine a augmenté, tandis que l’Union européenne est devenue excédentaire,
notamment en raison de l’évolution des prix de l’énergie. Le déficit entre les
États-Unis et la Chine s’est aggravé, tandis que l’excédent de l’Union
européenne avec la Chine a augmenté. En parallèle, le déficit de l’Inde avec la
Russie s’est accentué sous l’effet de l’évolution du commerce de l’énergie. Ces
tendances pourraient donner lieu à de nouveaux droits de douane, à des
restrictions commerciales ou à des réorientations d’investissements, ce qui
ajouterait à l’incertitude économique.
Variation
de la croissance selon le secteur
Alors que l’agroalimentaire, les technologies de la communication et les transports ont connu une expansion, l’énergie, l’habillement et les industries extractives ont ralenti, principalement en raison de l’affaiblissement de la demande et des changements de politique. Les tendances du transport maritime indiquent également un ralentissement, la baisse des indices de fret signalant un affaiblissement de l’activité industrielle, notamment dans les secteurs fortement dépendants des chaînes d’approvisionnement.
Alors
que l’incertitude commerciale s’intensifie, la coopération mondiale et des
politiques équilibrées restent essentielles, selon la Cnuced, pour maintenir la
stabilité. Si les mesures de relance mises en place en Chine et la baisse de
l’inflation dans certaines régions pourraient soutenir le commerce, le
protectionnisme et l’évolution des politiques dans les grandes économies
constituent encore des risques majeurs. Le défi pour 2025 consistera à éviter
la fragmentation mondiale, où les nations formeraient des blocs commerciaux
isolés, tout en gérant les changements de politique sans compromettre la
croissance à long terme. Les décisions prises aujourd’hui par les gouvernements
et les entreprises joueront un rôle clé dans la résilience du commerce mondial
pour les années à venir.
Catherine Fiankan-Bokonga