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Commerce numérique L’Afrique: à la traîne face à l’hégémonie des géants de la tech

Economie
L’Afrique est encore peu présente dans la régulation  des marchés numériques L’Afrique est encore peu présente dans la régulation des marchés numériques

Les pays en développement sont à la peine face à la domination croissante d’un petit groupe de multinationales numériques. La Cnuced tire la sonnette d’alarme sur les menaces sur la concurrence et le fossé numérique qui se creuse davantage entre pays riches et pays du Sud, notamment en Afrique.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 11 juil. 2025 à 07h52 Durée 3 min.
#Commerce numérique

Entre 2017 et 2025, la part des ventes mondiales détenue par les cinq principales entreprises numériques est passée de 21 % à 48 %, selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Sept des dix plus grandes entreprises au monde sont aujourd’hui des géants de la tech américaine, telles que Microsoft, Apple, Amazon ou encore Google, indique-t-elle dans sa Mise à jour sur le commerce mondial publiée le 8 juillet 2025.

Cette concentration du pouvoir économique numérique limite fortement l’espace pour l’innovation dans les pays en développement. Les marchés numériques prospèrent grâce aux effets de réseau et au contrôle des données, ce qui signifie que plus une plateforme compte d’utilisateurs, plus elle devient incontournable, note la Cnuced. Mais cette logique exclut mécaniquement les acteurs émergents, incapables de rivaliser sur le terrain des investissements massifs, des infrastructures puissantes ou encore de l’accès aux données.

Sur le continent africain, les capacités à encadrer les dérives de cette concentration restent limitées. Alors que l’Europe et l’Asie ont respectivement enregistré 263 et 152 interventions dans les marchés numériques entre 2020 et 2025, l’Afrique n’en compte que 16 sur la même période, selon les données compilées par la Cnuced et Digital Policy Alert.

 

Des raisons multiples

La faiblesse des infrastructures de régulation, le manque d’expertise technique, l’absence d’accès aux données stratégiques et le pouvoir de négociation limité face aux géants du numérique font subir aux économies africaines les règles d’un marché façonné ailleurs, sans véritable capacité d’influence. Toutefois, le cas sud-africain constitue une rare exception. Le pays a modifié sa législation sur la concurrence pour s’attaquer spécifiquement à la concentration dans le commerce électronique, les plateformes de voyage et la livraison de repas. Mais cette initiative reste isolée à l’échelle du continent.

La domination technologique de quelques firmes occidentales n’est pas seulement un enjeu économique, mais elle recèle aussi un risque de dépendance. Dans les secteurs sensibles comme l’intelligence artificielle, les puces ou le cloud, les entreprises africaines sont pratiquement absentes.

Les barrières sont nombreuses à savoir les coûts d’investissement prohibitifs, la rareté des compétences spécialisées, la dépendance aux infrastructures étrangères. Même les start-up locales souvent innovantes peinent à franchir le cap de la croissance sans l’appui de capitaux ou de plateformes dominantes.

Pour la Cnuced, cela conduit à une « marginalisation numérique» aggravée. Une forte concentration du marché renforce les fractures mondiales existantes, laissant une grande partie du monde en développement encore plus à la traîne, avertit l’organisation.

Appel aux marchés plus équitables 

Dans un contexte où les géants du numérique façonnent à grande vitesse les règles du jeu mondial, les pays du Sud ne peuvent plus se contenter d'être des spectateurs. Le développement numérique ne sera véritablement inclusif que s’il est aussi équitablement gouverné. Pour répondre au déséquilibre structurel actuel, la Cnuced plaide pour une action concertée afin de freiner la domination des géants technologiques et de promouvoir des écosystèmes numériques ouverts et inclusifs. Elle appelle les gouvernements des pays en développement à renforcer leurs cadres de concurrence, à investir dans les infrastructures numériques, à développer les compétences locales et à soutenir les jeunes entreprises du secteur.

L’organisation insiste aussi sur la nécessité d’une régulation plus stricte, transparente et coordonnée. Elle recommande également une coopération renforcée entre les autorités nationales de la concurrence, notamment à l’échelle régionale, afin de mutualiser les ressources et de faire face collectivement aux défis posés par les grandes plateformes.

Pour la Cnuced, une application plus stricte des règles de concurrence, associée à des systèmes réglementaires solides, au développement des compétences et à des possibilités de financement pour les jeunes pousses de l’économie numérique, est essentielle pour garantir que l’économie numérique fonctionne pour tous, et pas seulement pour quelques géants mondiaux de la technologie. Il en va de l’inclusion numérique, mais aussi de la souveraineté technologique du Sud global.