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Cyrille D. Aholoukpè, coordonnateur du projet Promac: « La pêche et l’aquaculture génèrent environ 600 000 emplois »

Economie
Cyrille D. Aholoukpè Cyrille D. Aholoukpè

Lancé mi-mai à Cotonou, le projet Promac vise à accroître la contribution du secteur de la pêche et de l’aquaculture aux économies locales et nationale et à la sécurité alimentaire. Le coordonnateur Cyrille D. Aholoukpè revient ici sur les tenants et les aboutissants de ce projet qui mise sur les villages aquacoles pour atteindre 20 000 tonnes de production à l’horizon 2028.

 

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 28 mai 2024 à 05h01 Durée 3 min.
#Pêche et aquaculture

La Nation : Monsieur le coordonnateur, quelle est la raison d’être du Promac ?

 Cyrille D. Aholoukpè : La promotion de l’aquaculture continentale est retenue par le programme d’action du gouvernement (Pag) depuis 2016. La pêche et l’aquaculture contribuent à hauteur de 8 % du produit intérieur brut agricole (Piba) et génèrent environ 600 000 emplois directs et indirects, notamment pour les femmes et les jeunes.

Le Projet de promotion de l’aquaculture et de compétitivité des chaînes de valeur de la pêche (Promac) est initié par le gouvernement du Bénin pour résorber le déficit en produits de pêche et d’aquaculture. Le Bénin ne parvient pas à satisfaire de près de 60 % des besoins en produits halieutiques.

Pour ce faire, nous sommes obligés d’importer chaque année un minimum de 105 000 tonnes de poissons d’une valeur avoisinant 62 milliards F Cfa pour pouvoir nourrir la population. Cela entraîne des pertes en devises pour le pays et un manque à gagner en termes de création d’emplois. Dans le même temps, nous avons d’énormes potentiels pour l’élevage de poissons au Bénin. Le Promac est initié pour que la production aquacole puisse prendre le lead et combler le gap. Pendant les cinq ans qu’il durera, le Promac va impulser la production et les privés vont prendre la relève pour couvrir la demande.

D’un coût global de 23,636 milliards F Cfa, le projet est accompagné par la Banque africaine de développement (Bad) qui participe au financement à hauteur de 70 % et le Fonds mondial pour l’environnement (Fem) pour 27 %.

 D’autres projets sont en cours de mise en œuvre. Quelle est la spécificité du Promac ?

 Le Promac est initié pour développer la synergie avec les autres projets du sous-secteur, tels que le Projet d’appui au développement des filières protéiniques (Padefip), le Projet de vulgarisation de l’aquaculture continentale (Provac), le Programme national de développement de la filière (Pndf) Aquaculture et Béninclusif par différentes approches. Malgré ces interventions, la production ne suit pas, comme le veulent les décideurs. Dans cet écosystème, le Promac vient pour booster la production, en favorisant la mise en place d’infrastructures de production, de transformation et de mise en marché. Le modèle choisi ici, ce sont les villages aquacoles. Le tissu de production aquacole est caractérisé par une dispersion des exploitations, lesquelles se retrouvent dans des zones difficilement accessibles, ce qui ne facilite pas l’accès aux marchés. Le gouvernement a décidé de faire un regroupement de ces exploitations sur de grands domaines. Il s’agira de faire des villages aquacoles de 50 ha par commune, pour faciliter l’accès à la vulgarisation des bonnes pratiques et la commercialisation des produits.

Partout où l’activité de la pêche et de l’aquaculture peut prospérer, le Promac y travaillera. Il y a des communes qui ont été proactives et qui ont déjà mis à disposition des domaines pour sa mise en œuvre. Nous avons fait des études de faisabilité, des études d’impact environnemental et nous allons démarrer rapidement les travaux par ces communes et continuer à élargir vers les autres.

Au finish, l’objectif de développement du projet, c’est de contribuer à l’accroissement de la contribution du secteur de la pêche et de l’aquaculture aux économies locales et nationale et à la sécurité alimentaire par la promotion de l’aquaculture, la gouvernance des pêches et l’amélioration de la valeur ajoutée du poisson. Spécifiquement, il s’agit de développer durablement la production et la productivité de la filière aquacole, gérer durablement les pêches continentale et maritime et développer les chaînes de valeur de la pêche résilientes au changement climatique.

 Parlez-nous des composantes du projet !

 Le Promac comporte quatre composantes. La composante 1 est relative au développement de la pisciculture compétitive et résiliente au climat. Il s’agira de promouvoir l’entrepreneuriat aquacole, à travers l’appui à la production des intrants : aliments et alevins, la création de villages et zones aquacoles. De manière directe, nous nous attendons à la production de 65 millions d’alevins et à la mise en place de 30 000 tonnes d’aliments de poissons chaque année, en termes de semences aquacoles. Pour ce faire, au moins 250 hectares d’étangs seront construits et équipés, la superficie cumulée des étangs fonctionnels actuellement est de 56 hectares. Au total, 56 000 mètres-cubes de cages flottantes seront installées.

Il sera aussi question de soutenir la coopération et le développement de liens d’affaires entres pisciculteurs et petites et moyennes entreprises (Pme). Une plateforme pour le développement d’une aquaculture innovante sera également mise en place.

Un volet sera consacré à la recherche-développement et à la formation en vue d’améliorer les performances génétiques, de diversifier les espèces aquacoles. Un appui aux initiatives entrepreneuriales des jeunes et des femmes leur permettra de s’installer durablement.

 Quid des autres composantes?

 La composante 2 concerne le développement des chaînes de valeur commerciales et la gestion durable de la pêche. Il s’agira d’appuyer la réhabilitation de marchés de poissons de pêche et d’aquaculture, d’acquérir des équipements de conservation et de transformation. Il sera aussi question de renforcer les capacités des groupements et coopératives ainsi que celles des institutions financières et le financement des coopératives/Pme du secteur pêche/aquaculture.

En ce qui concerne la gestion durable de la pêche, l’accent sera mis sur les plans de gestion des pêcheries en prenant en compte les risques climatiques, la construction et l’équipement d’un point de débarquement aménagé (Pda) à Grand-Popo sur la façade maritime et l’aménagement et l’équipement des points de débarquement (embarcadère/débarcadère) au niveau des écosystèmes continentaux. Des camions frigorifiques, des foyers améliorés et des tentes de fumage solaire seront acquis pour une meilleure conservation des produits. Des marchés à poissons seront construits pour faciliter la commercialisation des produits.

La composante 3 porte sur la résilience sociale et écologique dans les systèmes fragiles de l’économie bleue. Les activités seront concentrées sur la gestion des écosystèmes fragiles, le renforcement des capacités et la mise en place des infrastructures. Tous les villages aquacoles sont prévus pour être ceinturés par trois rideaux d’arbres.

Une dernière composante est relative à la gestion et à la coordination du projet et implique le Comité de pilotage du projet qui est créé par arrêté ministériel et déjà installé, qui instruira l’Unité de gestion du projet (Ugp), laquelle travaillera avec toutes les structures déconcentrées et décentralisées que sont les sept Agences territoriales de développement agricole (Atda) et les 77 communes.

 Qui sont les bénéficiaires du projet ?

 Les bénéficiaires, ce sont les acteurs directs et indirects de la chaîne de valeur aquaculture dont 50 % de femmes et de jeunes. Il s’agit des producteurs à savoir les pêcheurs artisanaux, les pisciculteurs, les fournisseurs d’intrants ; des transformateurs et transformatrices, des commerçants des poissonneries et des consommateurs.