La Nation Bénin...
Pékin renforce sa coopération commerciale
avec l’Afrique en annonçant la suppression des droits de douane sur les
produits en provenance de 53 pays du continent. Une stratégie à double objectif
: soutenir son économie et affirmer sa présence face à la concurrence
américaine.
La Chine a franchi une nouvelle étape dans
sa stratégie d’ouverture économique au continent africain. Le 11 juin 2025, au
terme d’une réunion de haut niveau à Changsha, dans la province du Hunan, le
ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a annoncé une mesure de
portée historique. A partir des prochaines semaines, 53 pays africains
bénéficieront d’un accès sans droits de douane au marché chinois. Cette
décision vise à approfondir les relations commerciales entre la Chine et
l’Afrique, dans un contexte où les tensions commerciales entre l’Afrique et les
États-Unis s’intensifient.
Une mesure à visée diplomatique et
économique
Le traitement tarifaire nul, proposé par
Pékin, s’adresse à l’ensemble des pays africains ayant des relations
diplomatiques avec la Chine. Exception : l’Eswatini, seule nation africaine à
reconnaître officiellement Taïwan. Pékin, qui considère Taïwan comme une
province rebelle, maintient son intransigeance diplomatique sur ce sujet
sensible.
Au-delà de la sanction implicite adressée
à l’Eswatini, cette initiative s’inscrit dans une volonté affirmée de la Chine
de consolider son influence économique sur le continent. Premier créancier de
l’Afrique, principal investisseur dans les infrastructures, Pékin franchit un
cap en facilitant l’accès de produits africains à son marché intérieur.
Objectif : encourager les exportations africaines, diversifier les échanges
commerciaux et renforcer la confiance mutuelle entre les partenaires.
Un contexte géopolitique tendu
L’annonce intervient alors que les
relations entre certains pays africains et les États-Unis se sont
considérablement détériorées. En cause, les nouvelles mesures protectionnistes
du président Trump, qui a récemment imposé des droits de douane allant jusqu’à
50 % sur certaines importations africaines. Le Lesotho, Madagascar, Île
Maurice, le Botswana et l’Afrique du Sud, principal partenaire commercial du
continent, en ont été particulièrement affectés. Face à ces restrictions, la
Chine se positionne habilement comme une alternative fiable et respectueuse. La
déclaration conjointe sino-africaine publiée à l’issue de la réunion de
Changsha appelle d’ailleurs explicitement Washington à « revenir sur la bonne
voie » et à privilégier le dialogue dans le règlement des différends
commerciaux.
Stimuler les importations
Si cette mesure est présentée comme un
geste de solidarité envers l’Afrique, elle répond aussi à une nécessité
intérieure pour Pékin. L’économie chinoise, confrontée à un ralentissement
notable, cherche de nouveaux leviers de croissance. Les entreprises publiques,
notamment dans les secteurs de l’agroalimentaire, de la transformation et du
textile, souffrent d’une baisse de la demande domestique.
En facilitant l’arrivée de produits
africains, qu’il s’agisse de matières premières, de denrées agricoles ou de
produits artisanaux, la Chine espère à la fois stimuler son propre marché et
offrir un nouveau débouché aux producteurs africains. Le traitement tarifaire
nul devient ainsi un outil économique, diplomatique et stratégique.
Un partenariat à rééquilibrer ?
Cette ouverture sans précédent pourrait
marquer un tournant dans les relations sino-africaines, longtemps marquées par
un déséquilibre des échanges. En effet, si la Chine exporte massivement vers
l’Afrique, les produits africains ont toujours peiné à trouver leur place sur
le marché chinois. Ce nouvel accord pourrait donc favoriser une relation plus
équilibrée, en offrant aux producteurs africains des perspectives concrètes de
croissance et de diversification.
Toutefois, de nombreux observateurs
soulignent que la réussite de cette mesure dépendra des capacités des pays
africains à satisfaire aux normes chinoises, à améliorer leur logistique et à
transformer leur offre pour répondre aux attentes du marché asiatique.
Vers une nouvelle ère commerciale
Avec cette annonce, la Chine confirme sa
volonté de s’imposer comme le partenaire incontournable du continent africain.
A la croisée de la diplomatie, du commerce et de la géostratégie, l’exemption
des droits de douane pour 53 pays africains dessine les contours d’une nouvelle
ère de coopération. Une ère dans laquelle l’Afrique, si elle saisit
l’opportunité, pourrait tirer de réels bénéfices pour son développement
économique.