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Inclusion financière en Afrique subsaharienne: Vers un modèle durable

Economie
Source : Findex 2021, Cantu et al. (2024), calcul des auteurs Source : Findex 2021, Cantu et al. (2024), calcul des auteurs

Alors que l'inclusion financière progresse en Afrique subsaharienne, notamment grâce à la bancarisation mobile, les risques de surendettement et de fraudes restent des défis majeurs. Pour garantir un “bien-être financier” durable, il est impératif de renforcer les politiques publiques et d'assurer un accès sécurisé aux services financiers pour les populations vulnérables.

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 26 mars 2025 à 10h49 Durée 3 min.
#Inclusion financière en Afrique

L'inclusion financière en Afrique subsaharienne a connu des progrès significatifs ces dernières années. Selon une récente étude menée par Quentin Dufresne, Luc Jacolin et Albin Salmon et publiée par la Banque de France, le taux de bancarisation a doublé entre 2011 et 2021, passant de 23 % à 55 % de la population, grâce notamment à la prolifération de la banque mobile. Cependant, l'amélioration de l'accès aux services financiers soulève des questions essentielles sur la “santé financière” des populations récemment bancarisées. La santé financière, définie comme la capacité d'une personne à faire face à ses obligations financières à court et à long termes, reste plus fragile en Afrique subsaharienne qu'en économie avancée. L’étude démontre en effet que dans les pays à faible revenu, cette capacité est estimée à 43 %, et à 47 % pour l'Afrique subsaharienne, contre 83 % dans les pays développés. Cette faiblesse est particulièrement visible dans l'incapacité de ces populations à faire face aux dépenses futures, comme celles liées à l'éducation ou à la retraite, en raison du manque d'accès aux services financiers formels et d'une éducation financière insuffisante. Le recours à la banque mobile a permis de combler en partie cette lacune, en offrant une alternative pratique et accessible. Néanmoins, les progrès dans l’utilisation des services financiers restent limités. L’étude note qu’en 2021, seulement 16 % des populations d'Afrique subsaharienne déclarent épargner dans une institution financière, contre 23 % dans les pays à revenus intermédiaires. L'accès au crédit formel est également faible, avec seulement 10 % de la population en Afrique subsaharienne y ayant accès, contre 22 % dans les pays à revenus intermédiaires. Cette situation met en lumière les risques associés à une inclusion financière rapide mais peu encadrée. Le développement des services financiers numériques expose en effet les utilisateurs à des risques de fraude, comme l'ont montré les résultats d'une enquête menée en Côte d'Ivoire, où près de trois quarts des utilisateurs de services financiers numériques ont rapporté avoir été confrontés à des tentatives d'escroquerie. Ces risques sont encore plus importants pour les populations les plus vulnérables, notamment les personnes à faibles revenus, les femmes et celles ayant peu d'éducation financière.

Politiques publiques adaptées

Pour garantir une inclusion financière durable et bénéfique à la santé financière des populations, l’étude recommande d'adopter des politiques publiques adaptées. D'une part, l'éducation financière doit être renforcée afin de permettre aux individus de comprendre les services qui leur sont offerts et d'éviter les pièges du surendettement. D'autre part, une réglementation protectrice, notamment contre l'usure et la fraude, est essentielle pour limiter les abus et garantir la confiance des utilisateurs dans le système financier. Parallèlement, l'accès aux infrastructures financières sûres, telles que les systèmes de paiement interopérables et les mécanismes de crédit, doit être renforcé. Des initiatives comme le Pan african payment and settlement system (Papss) et le projet de payement instantané (Pi) de l'Uemoa constituant des avancées majeures en matière d'intégration des marchés financiers régionaux et de réduction des coûts des services financiers. Les autorités publiques sont également appelées à adapter les réglementations pour prendre en compte la croissance rapide des services financiers numériques. Cela inclut la création de nouvelles catégories d'acteurs financiers et l'introduction de structures réglementaires telles que les « sandbox » pour tester des innovations financières tout en garantissant la protection des consommateurs. Enfin, une attention particulière doit être portée à l'accès aux services financiers pour les populations les plus marginalisées. Les initiatives visant à améliorer l'identification des particuliers et à mettre en place des registres de garanties et des centrales de risques joueront un rôle clé dans la réduction des asymétries d'information et dans l'élargissement de l'accès au crédit. L’étude conclut que bien que des progrès notables aient été réalisés dans l'inclusion financière en Afrique subsaharienne, il est impératif d'adopter une approche inclusive et durable pour garantir la “santé financière” des populations. Cela nécessitera un engagement renforcé des gouvernements, des institutions financières et des partenaires internationaux pour créer un environnement financier sûr, transparent et accessible à tous.