La Nation Bénin...
Lors
du Sommet mondial des gouvernements à Dubaï, le 11 février dernier, les
dirigeants africains ont dénoncé les préjugés persistants sur le risque
d’investissement en Afrique. Avec des rendements attractifs, des ressources
stratégiques et une réelle capacité d’industrialisation, le continent offre un
potentiel économique sous-exploité.
À
leurs dépens, de nombreux investisseurs internationaux se trompent sur
l’Afrique. C’est le message clair envoyé par les dirigeants et chefs
d’entreprise africains lors d’une table ronde intitulée « La nouvelle
révolution économique : une perspective africaine » au Sommet mondial des
gouvernements. Ils ont remis en question les idées reçues sur le risque
d’investissement en Afrique et mis en avant des statistiques révélatrices qui
bouleversent les perceptions. Akinwumi Adesina, président de la Banque
africaine de développement, a souligné que le risque d’investissement en
Afrique est souvent exagéré par rapport à d’autres régions du monde. « Nous
avons demandé à Moody’s Analytics d’examiner le profil de risque en Afrique sur
14 ans. Le taux de perte y est de 1,7 %, contre 13 % en Amérique latine et 10 %
en Europe de l’Est », a-t-il révélé. Des chiffres qui démontrent que les
craintes entourant l’investissement en Afrique sont davantage liées à des
stéréotypes qu’à une réalité économique. Ces chiffres contrastent avec les
primes de risque élevées imposées aux investisseurs souhaitant s’implanter sur
le continent. Tony Elumelu, fondateur de la Fondation Tony Elumelu et président
de plusieurs entreprises africaines, a insisté sur la rentabilité des
investissements africains. « Nulle part ailleurs, nous n’obtenons le type de
retour sur investissement que nous réalisons en Afrique», a-t-il affirmé,
appelant les investisseurs à y voir des opportunités plutôt que des risques. Il
a également souligné l’importance d’une approche stratégique pour atténuer les
risques et maximiser les rendements. Pour combler cet écart de perception, la
Banque africaine de développement a annoncé la création d’une agence de
garantie des investissements en Afrique. Cette structure offrira une couverture
contre les risques climatiques, boursiers, politiques et de change, des éléments
souvent cités comme des freins à l’investissement. Une initiative qui pourrait
favoriser un afflux massif de capitaux étrangers sur le continent. L’Afrique se
trouve à un tournant décisif avec une population jeune et une abondance de
ressources stratégiques. « L’Afrique est essentielle à la transition
énergétique mondiale. Elle détient des réserves critiques de lithium, de
cuivre, de graphite et de platine », a rappelé Akinwumi Adesina. Ces ressources
sont au cœur des industries de demain, notamment les batteries électriques,
rendant l’Afrique incontournable dans la chaîne de valeur mondiale.
Repenser
les accords
Le ministre en chef de la Sierra Leone, David Moinina Sengeh, a contesté lors des échanges, la notion de « malédiction des ressources », la remplaçant par celle de « concessions accordées avec conscience ». Selon lui, l’Afrique doit structurer des accords équitables, bénéfiques à la fois aux investisseurs, aux gouvernements et aux populations locales. Il cite en exemple la récente réforme du secteur minier en Sierra Leone, qui assure une meilleure répartition des bénéfices entre l’État et les communautés locales. L’Africa investment forum (Aif) qui est une plateforme multipartite et pluridisciplinaire, qui fait progresser les projets jusqu’au stade de la bancabilité, confirme cet engouement. Lors de son dernier sommet, 29,4 milliards de dollars d’investissements ont été sécurisés en 72 heures, portant le total mobilisé depuis 2018 à plus de 225 milliards de dollars. Cette dynamique vise à dépasser l’exportation brute de matières premières et à industrialiser le continent. «L’exportation de matières brutes est un vecteur de pauvreté. La transformation locale, elle, est la voie vers la prospérité », a martelé le président de la Bad. La mise en place de Zones spéciales de transformation agro-industrielle, financées à hauteur de trois milliards de dollars par la Banque africaine de développement, illustre cette volonté d’accroître la valeur ajoutée produite localement. La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) offre un marché intégré de 3 400 milliards de dollars pour 1,5 milliard d’habitants. Cette initiative pourrait redessiner les échanges commerciaux et renforcer les chaînes de valeur intra-africaines. « L’Afrique ne va pas mendier pour se développer. Elle se développera grâce au commerce et aux investissements », a déclaré Akinwumi Adesina. La levée des barrières commerciales entre pays africains favoriserait une intégration économique bénéfique pour l’ensemble du continent. Le message lancé à Dubaï est clair : ignorer l’Afrique, c’est passer à côté d’une des plus grandes opportunités économiques mondiales.