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Eau et pisciculture:Quel décor et quelles conditions pour avoir de bons rendements ?

Environnement
Par   Didier Pascal DOGUE, le 16 avr. 2015 à 07h11

La pisciculture draine, intéresse et emploie de plus en plus de monde. Qu’est-ce qui justifie cet engouement de certaines personnes pour cette culture et quelles conditions réunir pour obtenir de meilleurs rendements ? C’est à ces interrogations que répond Chango Fakorédé, expert consultant en aquaculture qui a longtemps exercé à la direction des pêches

«L’eau, c’est la vie du poisson. Avec une eau de bonne qualité, vous pouvez obtenir le résultat que vous désirez. Donc l’eau est un facteur capital pour la vie du poisson. Ainsi, la qualité d’une bonne eau de pisciculture doit se sérier en deux», a retenu Chango Fakorédé, expert consultant en aquaculture. Pour lui, il faut distinguer l’eau utilisée à l’écloserie et celle d’usage dans le cadre de l’élevage de grossissement.
« Cette eau-là (eau de forage) est une eau propre, de l’eau saine indemne de tous produits phytosanitaires. Mais quand vous rentrez dans l’élevage de grossissement, il y a quatre points que nous recherchons», relève l’expert. Ainsi, selon Chango Fakorédé, l’eau doit être de couleur vert clair, cette couleur prouvant que vous avez préparé de la nourriture primaire pour le poisson, c'est-à-dire le phyto plancton. La deuxième chose que vous devez rechercher, expose-t-il, c’est que l’eau doit avoir une transparence de 30 à 40cm. Cela signifie que sa température doit osciller entre 30 et 40° d’humidité. L’eau de pisciculture doit avoir un Ph neutre situé souvent entre 7 et 8. La quatrième chose la plus importante est que l’eau ne doit pas avoir une odeur nauséabonde. «Dès que vous avez cette qualité d’eau, vous pouvez commencer par élever des poissons sans difficulté», a-t-il rassuré.
De plus, renseigne l’expert, le PH qui est le taux d’acidité qu’on peut avoir dans l’eau et en matière de pisciculture doit être neutre.
Selon Chango Fakorédé, lorqu'on utilise l’eau de forage, on est sûr que c’est de l’eau propre. Mais lorsqu'on utilise de l’eau provenant d’autres sources, il faut veiller à ce qu’elle soit propre. «S’il arrivait que vous deviez vous servir de l’eau où des gens cultivent des produits maraîchers, il faut veiller également à ce que cette eau ne contienne pas de produits toxiques, car ces produits peuvent nuire aux poissons», a prévenu l’expert qui a déclaré avoir ainsi présenté quelques pistes pour éviter d’avoir une eau sale pour le poisson.
Il s’ensuit donc, selon lui, que les étangs d’eau utilisés pour la vaisselle et la lessive ne sont pas des eaux propres pour la culture des poissons.
Mais s’il s’agit d’une eau qui a été utilisée un peu plus loin, et a eu tout le temps d’être drainée avant, elle peut-être admise pour la culture du poisson. Cependant, apaise l’expert, «Nous avons des techniques que nous utilisons lorsqu’il s’agit des eaux contaminées. De manière simple, on peut créer des cadres pour les recueillir, cette technique permet de retenir toutes les matières en suspension. Car quand l’eau circule, elle finit par perdre tous les éléments toxiques qui la rendent impropre», renseigne-t-il.

Comment faire le captage ?

Par ailleurs, dans les villages, lorsqu’on veut utiliser l’eau pour la pisciculture, relève Chango Fakorédé, ils savent comment faire le captage. Souvent, le prélèvement est fait avant le lieu où les gens font souvent les différents besoins. Autrement, on crée pour ceux-là des endroits où ils peuvent utiliser l’eau pour les usages domestiques.
Il est évident qu’après plusieurs cycles, tout ce qu’on a utilisé est usé et il importe donc de le renouveler. C’est ce qu’on appelle vide sanitaire dans le jargon de la pisciculture. «Après un certain nombre de cycles d’élevage, on débarrasse toute la ferme des eaux utilisées et de tout ce qu’il y a pour pouvoir mettre à sec afin de tuer tout ce qu’il pourrait y avoir comme germe dans l’eau», confirme Chango Fakorédé selon qui, cette pratique est surtout courante dans les écloseries où on élève des alevins.
Lesquels sont très fragiles et à force de les nourrir, il y a des dépôts sur la paroi des infrastructures et l’accumulation de ces aliments peut occasionner des maladies. Ainsi, explique l’expert, dès qu’on nourrit les alevins pendant un bon moment, on "supprime" l’eau dans laquelle ils ont été nourris. On crée ainsi le vide sanitaire, car cela permet la suppression des éléments pouvant nuire aux alevins.
Il arrive qu’on élève le poisson en dehors du milieu proche de son milieu naturel d’origine. C’est cela le bac hors sol qui constitue l’élevage des poissons qu’on peut faire déplacer. Les bacs hors sol sont en verre. Mais sa particularité est qu’on ne peut qu’élever le clarias communément appelé "Aboli" puisque dans le bac hors sol, il y a un faible taux d’oxygène.
Par contre, la culture du tilapia est difficile dans les bacs hors sol, car ils ont besoin d’un fort taux d’oxygène. Toutefois, on peut les élever, indique l’expert, mais en faisant usage d’autres méthodes pouvant accroître le taux d’oxygénation déjà très bas. Cela dépend du suivi des tilapias et l’autre particularité est qu’il faut avoir l’eau vraiment disponible tout en pensant à son renouvellement.

Le Japon, le Bénin et la pisciculture

«Comme son nom l’indique, le PROVAC est le Programme de vulgarisation de l’aquaculture continentale financé par le Japon. L’objectif principal de ce programme c’est de former les pisciculteurs au Bénin. Ainsi ce programme a formé des formateurs qui ont pour rôle de produire des alevins en vue de les mettre à la disposition des pisciculteurs et d’apprendre à ces derniers comment conduire l’élevage du poisson. Au Bénin, le PROVAC couvre sept départements du Bénin. A la date d'aujourd'hui PROVAC a formé plus de 2000 pisciculteurs ordinaires et plus des 2/3 sont déjà en activité.
La première difficulté est le manque de moyens financiers pour les pisciculteurs dans le cadre de l’extension de leurs activités. Car, ils ont beaucoup d’ambitions. Le PROVAC ne veut pas mettre beaucoup d’argent, parce qu’il pense à l’après-projet, car il incite les pisciculteurs à se financer eux-mêmes et veut continuer à former les formateurs et les pisciculteurs. La seconde difficulté est au niveau des aliments servis aux poissons. Certes, les formateurs produisent des aliments de bonne qualité, mais qui n’ont pas le taux de protéines escompté. Il existe aujourd’hui des aliments importés mais qui ne sont pas à la portée des pisciculteurs du fait de leurs prix très élevés. A l’instar de la pratique d’usage dans les autres pays, si l’Etat pouvait subventionner ces aliments, cela soulagerait les pisciculteurs. Pour rappel, au début du projet, le problème majeur était le manque d’alevins. Actuellement, il relève du passé et la nouvelle difficulté qui existe est le coût exorbitant des aliments importés.
Beaucoup de démarches ont été menées envers la direction des pêches pour soutenir la fabrication des aliments pour poissons sur place».
D.P.D.