La Nation Bénin...
Eveilleur
des consciences, mieux, avant-gardiste des valeurs humaines, un statut qui lui
sied à bien des égards, l’Eglise catholique, par les temps qui courent, du
moins à suivre certains prélats, entend rompre avec l’action passive pour une
incursion dans le champ politique. Une option risquée.
Des
critiques très ouvertes vis-à-vis des gouvernants actuels. Cela s’apparente, ni
plus ni moins à un excès d’engagement qui pourrait, si l’on n’y prend garde,
porter atteinte à la pédagogie légendaire de l’Église, qui dans son annonce de
l’évangile, prime la liberté des enfants de Dieu. Une posture d’ailleurs
étrange quand on sait le rôle mémorial joué par feu Mgr Isidore de Souza à
l’aube du renouveau démocratique. Artisan de paix et de justice, l’homme s’est
retrouvé sans doute par le fait de la providence, au cœur de l’historique
Conférence des force vives de la nation de février 1990, et marqua l’histoire
sociopolitique et économique du pays, facilitant un changement pacifique de
régime à la tête du pays. C’était sans tambour ni trompette. « L’Eglise au
Bénin a pour tradition la tolérance, l’équilibre et le respect de l’autorité.
J’ai l’impression que le pouvoir politique au fil des années a abusé de la
douceur de l’Eglise au Bénin, de sa prudence et de son respect de l’autorité»,
a déclaré Père Arnaud Eric Aguénounon, analyste politique, directeur de
l’Institut des artisans de justice et de paix, sur une télévision privée. D’où
la question de savoir si l’Eglise veut rompre avec cette tradition. Le prêtre a
poursuivi ses réflexions, indiquant que l’Eglise est universelle, et que la
diplomatie du St Siège est celle des idées, des valeurs, des vertus, celle qui
promeut la paix, le respect des droits de l’homme, le développement à visage
humain.
Préserver la paix
En clair, jamais l’Eglise ne s’est invitée dans l’arène politique, en tout cas, pas sous nos cieux, mais a su toujours trouver le juste milieu, pour être équidistante des acteurs. D’aucuns diront que toute neutralité cache une position. Une chose est claire, la politique est un rapport de forces. Comment l’Eglise pourrait-elle se retrouver dans une posture telle que celle occupée par feu Mgr Isidore de Souza, si entre-temps elle s’était fourvoyée, s’impliquant plus que de besoin dans l'action politique ? Encore que les acteurs politiques finissent par se retrouver selon les enjeux et les intérêts du moment. Au Sénégal, en dépit des tumultes ayant précédé le départ du pouvoir de Macky Sall, l’Eglise est restée fidèle à sa mission. Les institutions, en l’occurrence le Conseil constitutionnel, ont su jouer leur partition, et le pouvoir a arrêté le pouvoir comme souhaité dans tout système démocratique. « Les fils et filles de l’Église, en politique, ne reflètent pas leur identité, ne sont pas sel de la terre et lumière du monde», a indiqué Père Arnaud Eric Aguénounon, qui se veut disciple de feu Mgr Isidore de Souza.
A
qui la faute ? Quand bien même l’Eglise serait accusée de tel ou tel péché,
quand bien même le souhait des dirigeants serait de bénéficier de son soutien
inconditionnel, chose normale par ailleurs, elle a donné la preuve de ce
qu’elle sait se mettre au dessus de la mêlée.
Initier
un colloque international sur la loi n°2024-13 du 15 mars 2024 modifiant et
complétant la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral n’est
pas un mal en soi. Tout texte de loi est perfectible et à l’issue de ces
assises, l’Eglise pourrait transmettre ses propositions aux pouvoirs ayant les
prérogatives de sa modification à savoir l’Exécutif et l’Assemblée nationale.
Mais qu’en marge de cette initiative, l’on se plaigne des agissements du
pouvoir en place en des termes qui sont en porte à faux avec la tradition de
l’Eglise au risque de lui faire perdre toute crédibilité est un pari risqué.
Cet activisme que déclare assumer Père Arnaud Eric Aguénounon porte des germes
de la division et pourrait s’avérer une menace à la paix sociale. Certes,
l’Eglise n’est pas une institution d’opposition parce qu’elle n’arrache pas le
pouvoir politique, mais qu’elle n’en donne pas l’air, est encore mieux. Comme
toujours, ses déclarations seront appréciées, dans l’un ou dans l’autre sens,
selon la position de l’heure des acteurs, mais elle se doit de garder allumée
la flamme de l’espérance, de l’équité, de la justice sociale pour tous. «
Plaise au ciel qu’aucun bain de sang ne nous éclabousse et ne nous emporte dans
ses flots », a déclaré de vénérée mémoire, Mgr Isidore de Souza à la Conférence
nationale.