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Hommage à Philippe Hado: La presse s’incline devant la mémoire d’un maître et d’une plume exigeante

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Parents, amis, confrères, l'importance de la mobilisation pour rendre hommage à Philippe  Hado témoigne éloquemment de la qualité de l'homme qu'il était Parents, amis, confrères, l'importance de la mobilisation pour rendre hommage à Philippe Hado témoigne éloquemment de la qualité de l'homme qu'il était

Journaliste rigoureux, formateur passionné et figure respectée de la presse béninoise, Philippe Hado s’en est allé, laissant derrière lui une empreinte indélébile. À l’occasion d’une cérémonie émouvante d'hommage, ce mercredi 23 juillet au siège du quotidien de service public La Nation, anciens collègues, confrères et autres personnalités ont retracé le parcours d’un homme pour qui le journalisme était plus qu’un métier : une vocation.

Par   Isidore Gozo, le 24 juil. 2025 à 08h43 Durée 3 min.
#Hommage à Philippe Hado

Devant un parterre d’invités, de proches et de professionnels des médias, l’émotion était palpable. Tous étaient venus, ce mercredi, saluer la mémoire de Philippe Hado. Né en 1957 à Lalo, dans le Mono, marié et père de deux enfants, ce diplômé du centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) a marqué de son empreinte plusieurs rédactions et contribué à former des générations de journalistes.

Pour Paul Amoussou, directeur de publication du journal La Nation, Philippe Hado était un homme de rigueur, quelque peu sous la retenue mais qui ne manquait jamais de dire ce qu’il pensait. Il ajoute avec émotion que la salle qui a été retenue pour lui rendre hommage n’est pas choisie par hasard, car il y a longtemps partagé son savoir. Et de conclure, comme un ultime adieu : « Doyen, va en paix et laisse-nous de cette rigueur qui t’a toujours caractérisé». 

Le parcours

Dès décembre 1980, Philippe Hado rejoint l’Onépi et enchaîne ensuite de nombreuses fonctions au sein de publications telles qu’Ehuzu/La Nation, Le Forum de la Semaine, Tam-Tam Express, Courrier de l’Éducation et Le Temps de l’Économie. Il a aussi collaboré comme correspondant pour Afrique Nouvelle, Vivre Autrement et Le Journal du Soir. Partout où il passe, il se distingue par sa rigueur, sa discrétion et son attachement profond au métier.

Le formateur de plusieurs générations

Si Philippe Hado a marqué ses collègues, il a également façonné toute une génération de journalistes. Zakiath Latoundji, représentante des organisations faîtières de la presse, rappelle que certains ont eu la promotion de leur carrière grâce à l’intervention du regretté. « Homme-orchestre, Philippe Hado en était un. C’est un homme assidu, de discipline, de rigueur professionnelle, passionné et un amoureux du travail bien fait », a-t-elle témoigné en précisant que l’homme était tout simplement un professionnel mais un professionnel accompli, un humaniste et un altruiste. «Parfois incompris, on se rend compte plus tard que c’est lui qui avait raison », a-t-elle déclaré.

Aline Assankpon, ancienne stagiaire à la Cellule informatique de La Nation, se souvient avec reconnaissance de l’homme qui l’a formée à ses débuts. Elle raconte comment, alors rédacteur en chef au quotidien La Nation, il avait convaincu la Fondation Friedrich-Naumann de soutenir la formation de jeunes diplômés, alors même qu’il n’existait aucune école de journalisme au Bénin. Cette formation, souligne-t-elle, a été un véritable tremplin. « Cette transition m’a permis de faire mon entrée à la rédaction », lâche-t-elle. Plus tard, elle retrouve Philippe Hado au magazine panafricain Continental d’Afrique en Marche, où il devint secrétaire de rédaction. Elle évoque une ambiance de travail rare, « très détendue et conviviale, sans véritable hiérarchie apparente», et surtout un mentor toujours prêt à relire, corriger et conseiller. «Philippe a toujours eu de la disponibilité pour relire nos articles, même ceux destinés à d’autres rédactions», poursuit-elle. Elle garde aussi le souvenir d’un homme d’une grande générosité, qui se rendait disponible pour prêter volontiers ses services et prodiguer des conseils, y compris sur le plan personnel. « Unique en son genre, il avait la connaissance et n’hésitait pas à la partager », a-t-elle confié.

Plus qu’un mentor, Philippe Hado a été pour certains une figure quasi paternelle. Gaston Zossou, ancien ministre de la Communication sous le président Mathieu Kérékou, témoigne: «C’est mon maître qui est mort. Pas moins que ça », dit-il. Il remonte jusqu’à leur rencontre au lycée Béhanzin, dans les années 1970 : « J’avais 17 ans, et lui m’a tendu la main », a-t-il précisé en ajoutant que ce geste, apparemment simple, a changé sa trajectoire. « Il m’a donné du travail, m’a appris à appliquer les règles grammaticales. Si j’ai eu quelques reliefs dans la société, je les dois à plus de 80 % à cet homme », a-t-il indiqué. Il confesse même que certains personnages de ses romans portent le nom choisi par Hado, preuve de l’influence profonde qu’il a exercée sur lui. Malgré la vie qui les a parfois éloignés, Gaston Zossou retient surtout la dignité et l’intégrité de son mentor, même face aux défis et aux épreuves. « Les grandes personnes ne sont pas celles qu’on voit, ce sont celles qui agissent dans l’ombre et façonnent le monde », dit-il.

Des collègues marqués

Edgard Couao-Zotti, porte-parole des anciens collègues de La Nation, rappelle, quant à lui, les combats quotidiens de Philippe Hado pour maintenir à flot le journal. « Quand le quotidien a commencé par vaciller, il n’a pas lâché prise », a-t-il rappelé. Homme discret, précise-t-il, Hado ne cherchait ni la lumière ni les honneurs. « Il ne parlait pas beaucoup, il n’avait pas le sourire facile, mais son sourire, c’était le travail bien fait », a-t-il martelé. Edgard Couao-Zotti évoque aussi la maladie, discrète compagne des dernières années, et le départ brutal qui laisse derrière lui une épouse et deux filles, orphelines d’un mari et d’un père attentif.  Tout au long de sa carrière, Philippe Hado a incarné une vision du journalisme exigeante, faite d’intégrité et de sérieux.

Au-delà des diplômes et titres, Philippe Hado laisse un héritage plus précieux encore. Celui d’un homme qui a su transmettre sa passion et ses valeurs. Les témoignages concordent : il a formé, conseillé et soutenu sans jamais chercher la lumière. Dans l’ombre, il a façonné des carrières et inspiré des générations. Alors que la presse béninoise lui rend un dernier hommage, ses collègues, élèves et amis retiennent de lui cette rigueur, cette humilité et cet amour du métier. Philippe Hado s’en va, mais laisse derrière lui des plumes qu’il a contribué à aiguiser et des consciences qu’il a éveillées.