Révocation de trois secrétaires exécutifs: Une marque de la Cellule de suivi
Actualités
Par
Joel TOKPONOU, le 13 avr. 2023
à
06h52
La Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes vient, une fois encore, de prouver toute son utilité. Grâce à son intervention, des actes non conformes à la règlementation ont été relevés au niveau des secrétaires exécutifs des communes de Houéyogbé, Sèmè-Podji et Cotonou. Ces derniers ont alors été purement et simplement révoqués par le Conseil des ministres.En instaurant le poste de secrétaire exécutif de mairie dans l’élan de la réforme de la décentralisation, le gouvernement vise une amélioration qualitative de la gouvernance administrative et financière au niveau des collectivités territoriales. Et il n’entend tolérer aucun écart de comportement de ces nouveaux acteurs dans l’accomplissement de leur mission. Trois d’entre eux viennent de l’apprendre à leurs dépens. Pour divers faits en déphasage avec l’orthodoxie financière et les procédures conventionnelles. Moutawakilou Assan Aoudou de la mairie de Houéyogbé, Nestor Manonwomeh Bossou de la mairie de Cotonou et Patrice Lafia de la mairie de Sèmè-Podji sont ainsi relevés de leurs fonctions. C’est une décision induite par des actes constitutifs de violation des règles de déontologie administrative, de l’orthodoxie financière, d’abus de pouvoir ou d’atteinte grave aux intérêts des communes dont ils avaient jusque-là la charge. Ces griefs ont été relevés et constatés à la suite d’une mission de la Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes, une structure sous tutelle de la présidence de la République.
A Houéyogbé, l’acte incriminé traduit, à en croire le Conseil des ministres, une volonté délibérée de passer outre l’orthodoxie financière. En effet, la Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes révèle que le secrétaire exécutif de cette mairie, en dépit de l’avis contraire du responsable des Affaires administratives et financières, son collaborateur censé être le plus avisé sur le sujet, a maintenu hors les livres du Trésor public, des comptes de la commune, au mépris des directives du ministre de l’Economie et des Finances ordonnant la clôture de ces comptes.
« Il s’est en outre rendu coupable d’avoir autorisé, pour un montant de 9 071 500 F Cfa, des opérations de décaissement sur les comptes tenus dans les livres de la Clcam de Houéyogbé, en violation des dispositions de l’article 390 du code de l’administration territoriale qui habilite, seul, le trésorier communal pour effectuer les opérations de recettes et de dépenses de la commune », relate le Conseil des ministres.
Dans la commune de Cotonou, la situation est plus complexe. Il est reproché à Nestor Manonwomeh Bossou d’avoir interféré dans les attributions de la Personne responsable des marchés publics. Le désormais ancien secrétaire exécutif a ainsi outrepassé ses prérogatives par des recommandations et/ou instructions, lesquelles ont prévalu dans l’attribution du marché à un prestataire à un coût plus onéreux pour la commune. De même, il lui est reproché d’avoir approuvé un marché d’acquisition de véhicules au profit des services de la mairie, des responsables et du Trésorier communal, en violation de la réglementation sur la gestion du parc des véhicules et autres équipements motorisés de l’Etat.
Le montant mis à la charge de l’ex-secrétaire exécutif de la mairie de Sèmè-Podji est encore plus important. Il lui est reproché d’avoir approuvé, pour un montant de 54 280 000 F Cfa Ttc, un contrat de marché pour lequel les crédits nécessaires n’étaient pas prévus au budget de la commune et ce, en dépit des dispositions du code des marchés publics. Il a aussi approuvé sept (07) contrats de marchés sans le visa du contrôleur financier.
Pertinent !
C’est le décret 2022-303 du 25 mai 2022 portant organisation, attributions et fonctionnement de cette Cellule rattachée au Secrétariat général de la présidence de la République qui fixe les prérogatives de cette structure qui se retrouve désormais au cœur de la réforme du processus de la décentralisation.
Selon ce décret, la cellule composée de membres permanents et non permanents a pour mission principale d’œuvrer à la mise en place des outils indispensables à l’opérationnalisation de la réforme de la décentralisation et d’assurer le suivi et le contrôle de la gestion des communes. Le texte règlementaire détaille ses prérogatives à travers une série d’activités qu’il lui revient de mener.
En effet, en matière de mise en place des outils indispensables à l’opérationnalisation de la réforme, la cellule est chargée de mettre en œuvre les actions retenues par le comité stratégique de supervision. Elle a aussi pour prérogatives d’accomplir toutes autres tâches entrant dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme, en particulier l’état des lieux des ressources humaines, l’organisation des communes, l’élaboration des manuels de procédures et de diverses règles de fonctionnement, la formation des personnels des communes aux nouvelles règles de fonctionnement, la mise en place du fonds d’investissement communal, l’élaboration des décrets d’application du code, etc.
En ce qui concerne le second volet de la mission de la cellule, il consiste à identifier les goulots d’étranglement et toutes difficultés de la réforme afin de faire des propositions correctives, faire le contrôle a posteriori des procédures de passation des marchés publics communaux. Les membres de la cellule ont aussi pour compétences de prévenir les cas de conflit d’attributions entre maires et secrétaires exécutifs de mairie, de veiller au respect des attributions des titulaires des fonctions administratives et techniques des mairies, de suivre l’effectivité de la mutualisation de certaines fonctions au niveau des communes et de veiller à la bonne évaluation des performances des secrétaires exécutifs et leurs collaborateurs.
Légalité
Le code de l’administration territoriale a prévu plusieurs sanctions contre le secrétaire exécutif de mairie en cas de faute. « Le secrétaire exécutif est, en sa qualité de fonctionnaire ou d’agent contractuel, punissable du chef des faits constituant une faute disciplinaire en vertu et conformément aux règles statutaires ou stimulations contractuelles auxquelles il est soumis. Toutefois, le secrétaire exécutif peut être révoqué de ses fonctions, pour faute lourde… », stipule l’article 143 du Code de l’administration territoriale. Parlant de faute lourde, il s’agit de tout fait réprimé par la loi pénale et constitutif d’une atteinte à l’honneur ou à la probité, toute violation des règles de déontologie administrative représentant un manquement grave ou un abus de pouvoir, ou qui induit un dysfonctionnement grave dans l’exécution ou le fonctionnement du service public. C’est aussi toute violation des règles de déontologie administrative qui porte gravement atteinte aux intérêts de la commune.
Dans l’un ou l’autre de ces cas, c’est le maire qui constate l’infraction mais il ne peut à lui tout seul décider du sort du secrétaire exécutif. L’article 144 lui impose de saisir le conseil de supervision à qui il incombe de décider « s’il y a lieu à délibérer sur la révocation et saisit le préfet à cette fin ». Plus loin, le même article précise que « la révocation du secrétaire exécutif est décidée par délibérations favorables du préfet d’une part et du conseil de supervision d’autre part, prises en réunion conjointe. La date et le lieu de la réunion sont notifiés au préfet, par le président du conseil de supervision, au moins huit (08) jours avant sa tenue ». Dans la suite de la procédure, le secrétaire exécutif mis en cause a le droit de faire valoir ses moyens de défense auprès du conseil de supervision avant que ce dernier ne statue et ne délibère. Mais à terme, c’est au maire de prendre l’acte de révocation du secrétaire exécutif.
Et ce n’est pas tout. « Le secrétaire exécutif peut également être révoqué pour faute lourde par décret pris en Conseil des ministres, après rapport circonstancié du préfet…», ajoute l’article 145. Un cas de figure habituel en ce qui concerne les maires. Les anciens maires de Cotonou et Bantè en sont des exemples palpables.
Dès son éviction, le secrétaire exécutif n’a qu’une seule voie de recours. Non pas sur la révocation elle-même mais sur les implications financières. Selon l’article 146, la décision de révocation du secrétaire exécutif n’est susceptible que d’un recours en indemnité devant la juridiction compétente. Ce recours s’exerce dans les formes et délais de droit commun. Mais avant, il peut saisir, selon le cas, l’administration communale ou le ministre chargé des Finances de sa demande d’indemnité.
Par ailleurs, la faute lourde n’est pas le seul motif de révocation du numéro 1 de l’administration des mairies. Bien qu’ayant un large domaine de compétences, le secrétaire exécutif a l’obligation de résultats. Autrement, il s’expose à une sanction de sa hiérarchie. «La procédure disciplinaire en cas de faute lourde est également applicable, en cas d’insuffisance de résultats du secrétaire exécutif reproché par le maire »,
stipule l’article 147 du Code de l’administration territoriale. Ce faisant, la nouvelle législation qui met le secrétaire exécutif au cœur du développement local lui impose des actions concrètes qui impactent réellement le quotidien des populations. Ce qui constitue une avancée dans le processus de décentralisation puisqu’en dehors des séances de reddition de comptes, les maires n’avaient pas une obligation de résultats.
Dès que la révocation est prononcée, le secrétaire exécutif est remplacé par un directeur du secrétariat exécutif pour une période maximum de quinze jours.