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32e Journée internationale de l’Écrivain africain: La littérature et la souveraineté du continent noir célébrées

Culture
Cette année, le Bénin était à l’honneur, en reconnaissance de ses contributions remarquables au monde des lettres Cette année, le Bénin était à l’honneur, en reconnaissance de ses contributions remarquables au monde des lettres

La 32e Journée internationale de l’Écrivain africain s’est officiellement ouverte à Dakar, jeudi 7 novembre dernier, sous le patronage du ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Khady Diène Gaye. Un événement qui a réuni écrivains, éditeurs et acteurs du livre venus de divers pays africains pour célébrer la littérature, réfléchir à la citoyenneté et à la souveraineté à travers les lettres africaines.

Par   Lhys DEGLA, le 15 nov. 2024 à 07h27 Durée 3 min.
#32e Journée internationale de l’Écrivain africain

En présence de Bakary Saar, secrétaire d’État à la Culture et aux Industries créatives, Dieynaba Ba Dieme, maire de Point E, du colonel Moumar Gueye, parrain de cette édition, la cérémonie s’est ouverte sous le signe de la citoyenneté et de la souveraineté. Deux thèmes majeurs qui ont sous-tendu les discussions et réflexions à la Maison des Ecrivains du Sénégal, Keur Birago Diop du 7 au 11 novembre 2024.

Cette année, le Bénin était à l’honneur, en reconnaissance de ses contributions remarquables au monde des lettres au travers de figures historiques comme le romancier Paul Hazoumé et le philosophe Paulin Hountondji, dont l’influence s’étend bien au-delà des frontières nationales. Leurs œuvres continuent d’inspirer la nouvelle génération d’auteurs africains, déterminée à maintenir ce flambeau littéraire. En tant que pays invité, le Bénin s’est fait représenter par une délégation de cinq acteurs du livre avec à sa tête, Florent Couao-Zotti, éminent écrivain et conseiller technique du ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts. A travers des panels et discussions, le Bénin a été mis en lumière par ses représentants.

Florent Couao Zotti, à l'occasion, a rendu un vibrant hommage aux figures emblématiques de l’écriture au Bénin, telles que Jean Pliya et Gisèle Hountondji, tout en saluant la contribution des auteurs contemporains présents. Il a souligné l’universalité de la littérature béninoise enracinée dans la culture et les réalités socio-historiques du pays. Celle-ci a le pouvoir de toucher des lecteurs bien au-delà des frontières nationales grâce à sa résonance humaine et universelle.

Chaque membre de la délégation a pris la parole pour explorer un aspect unique de la littérature béninoise. Béatrice Lalinon Gbado s’est penchée sur la théorie de l’émergence de l’être, tandis que Lhys Degla a abordé l’implication et la place des femmes dans la littérature béninoise. De son côté, Florent Houndjo a offert une rétrospective sur l’évolution historique de la littérature du pays, et Jules Daniel Amoussou a exposé la nécessité de restructurer le Grand Prix Littéraire du Bénin. Ces interventions ont mis en lumière les défis actuels de la littérature béninoise ainsi que son potentiel pour attirer une audience internationale.

Le Bénin s’investit activement dans le soutien à la création littéraire à travers le Fonds de développement des Arts et de la Culture (Fdac). Ce dispositif, rappelé par le chef de la délégation, apporte des subventions pour la publication d’œuvres et propose des bourses de résidence et de mobilité pour les écrivains. Le Bénin soutient également des initiatives telles que le Grand Prix Littéraire du Bénin et le Salon national du Livre, deux événements majeurs qui mettent en valeur les talents littéraires du pays et contribuent à renforcer l’industrie du livre béninois.

Dans son propos, Florent Couao Zotti a également appelé à la création de bourses spécifiquement destinées aux auteurs africains et à l’organisation d’événements littéraires de grande envergure sur le continent. Il a aussi insisté sur l’importance des traductions pour rendre la littérature africaine accessible dans les langues locales.

Littérature, citoyenneté et souveraineté : quel avenir ?

La célébration a été également un espace de dialogue pour débattre des thèmes centraux de la citoyenneté et de la souveraineté, des sujets d’une grande pertinence en ces temps de transformation sociale et politique. Le colloque, au cœur de cette deuxième journée, pose les bases d’une réflexion autour de l’aspiration à la souveraineté en lien avec la littérature. Zeinab Koumanthio Diallo, écrivain et directrice du musée du Fouta-Djalon, a souligné l’importance de la littérature notamment du conte pour former des citoyens enracinés dans leurs valeurs, capables de contribuer plus tard à la souveraineté africaine : «La littérature en général permet de former des citoyens. Le conte a démontré sa capacité à réunir les gens mais aussi à les rendre très humains. Par le conte, on inocule des vertus. ». Elle a plaidé pour des initiatives panafricaines, invitant les États à soutenir les écrivains dans leur mission de transmission culturelle.

Quant au Docteur Ndong Mbaye, poète et sociologue, la littérature africaine doit être utilisée comme vecteur de citoyenneté et de souveraineté. Selon lui, cette journée permet de souligner le rôle essentiel de la littérature dans la formation d’un “Africain nouveau”, en reconnectant la jeunesse avec ses valeurs culturelles et en favorisant l’émergence d’une conscience historique : « Pour fonder un Africain nouveau, un être humaniste, il faut revenir à nos fondamentaux, ceux de l’oralité, de la transmission des valeurs, et de la connaissance de soi. ». Ndong Mbaye insiste également sur la nécessité d’impliquer toute la société, au-delà des intellectuels, les cercles familiaux pour construire une éducation qui soit ancrée dans l’identité et l’humanisme africains. Il conclut en rappelant que « le patriote, c’est celui qui vit en osmose avec son pays, qui connaît et aime profondément son histoire. C’est cela que nous devons inculquer, pour que nos peuples deviennent réellement souverains. »

Pour Hervé Maxime, informaticien, écrivain et vice-président de l’Association des Écrivains de Côte d’Ivoire, la littérature ne se limite pas au divertissement ; elle éduque, influence, transmet des convictions et soutient le développement d’une nation en valorisant son patrimoine. Il déclare : « J’ai retenu deux enseignements majeurs : l’urgence de construire une identité africaine commune par des initiatives littéraires partagées et l’importance de valoriser les langues locales dans les œuvres pour affirmer la culture africaine. ».

Béatrice Lalinon Gbado, fondatrice des Éditions Ruisseaux d’Afrique, a souligné pour sa part, que les valeurs de citoyenneté et de souveraineté prennent racine dans une connaissance profonde de soi et un ancrage culturel fort. Pour elle, la littérature africaine doit encourager l’estime de soi, l’affirmation personnelle et des relations harmonieuses, tout en participant à la déconstruction des clichés pour offrir une image authentique et nuancée de l’Afrique. Elle aspire ainsi à une circulation de la « sève culturelle» africaine, non seulement pour nourrir les lecteurs africains, mais aussi pour enrichir un dialogue mondial qui favorise la compréhension mutuelle.

''La malédiction de Raabi'' au théâtre

Le colonel Moumar Gueye, auteur émérite et parrain de l’évènement pour cette édition, a également reçu des hommages pour sa contribution à la promotion des lettres africaines. Il a réaffirmé son engagement en faveur de la culture et de l’éducation pour lesquelles il s’investit énormément. Devant un parterre d’élèves, de personnalités, d’acteurs culturels ainsi que d’écrivains venus du Mali, de la Mauritanie, du Maroc, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de la Gambie et du Bénin, son roman « La malédiction de Raabi » a été joué par la troupe dramatique du Théâtre Daniel Sorano. Une merveilleuse pièce retraçant l’épopée du personnage principal du livre « Raabi » qui finira par mourir, parti en mer à la quête d’un mieux-être en Europe. Cette pièce retrace plusieurs réalités africaines notamment celles du mariage forcé, de la polygamie et de l’immigration clandestine.

En abordant les thèmes de la citoyenneté et de la souveraineté à travers le prisme de la littérature, les participants cherchent à apporter des perspectives nouvelles pour un futur où les jeunes Africains pourront s’épanouir pleinement et s’approprier leur rôle de bâtisseurs. Les organisateurs espèrent ainsi inspirer une génération consciente et engagée envers l’avenir du continent. Avec des échanges riches et inspirants, cette 32ᵉ édition de la Journée internationale de l’Écrivain africain marque une étape importante pour l’affirmation de la voix africaine à travers la littérature, la culture et la pensée.

Lors de la Jiea, des distinctions ont été remises aux figures ayant marqué la littérature sénégalaise, avec notamment un diplôme de reconnaissance décerné au président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye ainsi qu’au président de la République du Bénin, Patrice Talon et son ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola. Des distinctions qui rendent hommage à leurs services et au soutien indéfectible aux arts et aux lettres, reflet de l’engagement national en faveur de la culture et de la paix.

La 32e Journée internationale de l’Écrivain africain a illustré combien les lettres africaines sont non seulement un vecteur de beauté et d’inspiration, mais aussi un levier puissant pour le développement et l’affirmation de la souveraineté du continent.