La Nation Bénin...
C’est une histoire émouvante, étonnante mais pourtant bien réelle. Depuis plus de huit mois, l’un des éléments de l’armée béninoise logée à la garde républicaine depuis son incorporation a tourné casaque. Troquant ainsi l’arme contre les métiers de l’artisanat, le soldat de première classe matricule 24875 a décidé de rompre les amarres pour se consacrer, à vie, aux métiers de l’artisanat.
Assis dans ce qu’il qualifie lui-même de ses «trois mètres carré», Moïse Mahugnon Hegbé réalise un collier en perles. L’objet qui se peaufine et s’embellit au fil des secondes sous son doigt laisse entrevoir au milieu, un personnage humain. Lequel, il identifie à un vendeur d’opium sur la plage de Fidjrossè. Un personnage dur à cuir que plus d’un ont fini par l'abandonner à son sort, illustre-t-il. Mais pourquoi le choix d’un personnage peu ordinaire sur un objet destiné à embellir le cou des jeunes dames et des admiratrices des objets d’art ?
Cette interrogation permet de s’introduire dans la philosophie de cet artiste singulier. En cette journée du jeudi 10 septembre dernier où le chef de l’Etat béninois séjournait en terre américaine, Moïse Mahugnon Hegbé, à défaut d’être à ses côtés devrait être en train de se préparer pour se mettre de nouveau au service de la sécurité du premier des citoyens béninois, une fois qu’il aura foulé le sol du pays. Pendant 16 ans, il a résumé son quotidien à cela. Incorporé le 15 mai 1996, le soldat au numéro matricule 24875 n’a pas connu autre gloire au sein des forces armées béninoises. Tout son séjour sous les armes, il l’a passé au sein de cette prestigieuse unité investie de la mission de sécurisation du président de la République et des hautes personnalités de l’Etat béninois, sans oublier les chefs d’Etat étrangers. Et cela s’entend ! De par son physique, Moïse Mahugnon Hegbé pourrait impressionner n’importe qui. Son gabarit dans une unité affectée à la sécurité ne passerait pas inaperçu. Aux dires de certains témoignages, il était un soldat respectueux, affectueux mais aussi très influent. «Tout ceux qui ont côtoyé les présidents Mathieu Kérékou et Boni Yayi doivent se souvenir de lui», soutient un habitué du palais de la présidence de République. En somme, Moïse Mahugnon Hegbé a, pendant seize ans, sept mois seize jours servi sa patrie et cela, non sans appréciation.
En dehors des bonnes intentions de sa hiérarchie, il se vante lui-même de ses heures de gloire au sein des Forces armées. Il se rappelle même des appréciations portées sur lui par la présidente du Liberia dont la sécurité lui incombait durant l’un de ses séjours à Cotonou. Plus d’un quart de siècle de services qui lui ont valu de se faire distingué par la grande Chancellerie de l’Ordre nationale du Bénin. «Sur un effectif d’environ 1000 éléments, nous n’étions que deux à être décorés», souligne-t-il, se tapant fièrement sa grosse poitrine entourée de part et d’autre part de gros bras ceinturés par de géants tatouages. Mais toute cette vie, Moïse Mahugnon Hegbé la conjugue désormais au passé. En tout cas depuis le 1er janvier 2013, il ne fait plus partie de l’armée béninoise. Retournée ainsi à la vie civile, il s’y plait, visiblement bien et s’adonne à cœur joie à d’autres activités.
Autre vie, autres réalités, autres gains
«Conformément aux dispositions des articles 139 et 140 de la loi portant statut général des Forces armées béninoises, le soldat de première classe HEGBE Mahugnon Moïse matricule 247875 de la garde républicaine, incorporé le 15 mai 1996 est radié et rayé des contrôles nominatifs de l’Armée de terre à compter du 1er janvier 2013, après seize ans sept mois et 16 jours de service effectif sur sa propre demande». L’article premier de la décision 2041/ EMAT/DRH/BGP/SAB portant radiation d’un militaire du rang de l’armée de terre est sans ambages. Il stipule clairement que le soldat susnommé est radié « sur sa propre demande ». Cela, Moïse Mahugnon Hegbé ne le nie pas. Selon ses explications, son départ de l’armée a été décidé par lui-même et en toute conscience. «J’ai voulu partir parce que j’ai fait le bilan. Après 16 ans, je ne me suis pas réalisé. Je n’ai connu que la garde républicaine, mais je ne me voyais pas en réussite après toutes ces années. Alors j’ai décidé de partir et de me consacrer à autre chose », raconte-t-il. Plus d’un an et demi après avoir tourné casaque, l’heure ne semble pas encore au regret. Bien au contraire ! La vie de civil ou d’ancien militaire qui est le sien lui convient bien. «Je suis devenu maître de moi-même. Je n’ai plus de contrainte horaire, plus de pression, plus de commandement et je m’épanouis», rit-il. A-t-il trimé depuis lors ? Non, rétorque-t-il, martelant par ailleurs que son point de chute était connu à l’avance.
Ce point de chute, c’est bien sûr l’artisanat ! C’est ce métier qui a recueilli l’ex-soldat. Le royaume de celui qui se fait désormais appeler «Son of king» ne passe même pas inaperçu. Il est situé à l’intersection de l’ancien pont et du troisième pont de la ville de Cotonou en allant vers les habitations économiques (plus connu sous le nom de quartier Habitat). C’est sur ce grand carrefour souvent en proie à des embouteillages que le «Son of king» a installé son quartier général et y réalise divers objets d’art, des colliers, des tableaux et même du vestimentaire. En tout cas, tout ce qui germe dans son imaginaire, Moïse Mahugnon Hegbé le réalise et le propose à sa clientèle. Laquelle se fait encore désirer sans pour autant décourager le néo-artiste qui lui, croit en ses potentialités.