La Nation Bénin...
Toutes
les ressources à même de booster les ambitions touristiques du Bénin seront
mises à contribution. Désormais dans le viseur aussi, les trésors humains
vivants. Ces détenteurs de savoirs qui s’éteignent dans le plus grand des
silences n’emporteront plus leurs secrets, connaissances et savoirs dans la
tombe.
Des
traces de personnes ayant côtoyé les dernières amazones existent encore, selon
certaines sources. Bien d’autres personnes, d’un certain âge, détentrices de
savoirs authentiques, égrènent aussi leurs derniers jours. A l’heure où le
Bénin mise sur le tourisme pour mieux se positionner en termes de
développement, ces ressources deviennent bien précieuses. Des trésors que le
gouvernement, au dire du ministre Jean-Michel Abimbola en charge du Tourisme et
de la Culture, veut sauver. « Un décret sur la valorisation des trésors
humains vivants », détenteurs d’une partie de ce patrimoine, est envisagé.
« Ces anciens qui ont vécu à une certaine époque et qui connaissent des
traditions, des coutumes, l’histoire, et que nous laissons » feront
l’objet d’une attention toute particulière dans le cadre de
l’opérationnalisation des quatre agences dédiées à la valorisation du
Patrimoine culturel immatériel (Pci) des aires culturelles du Bénin. « Un
vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. Alors, pour ne plus laisser
brûler nos bibliothèques, si nous considérons que telle personnalité, tel
ancien identifié est un trésor humain vivant, nous allons collecter auprès de
ce trésor humain toutes les informations, toute sa connaissance pour pouvoir
archiver cela d’abord et rendre cela disponible pour l’ensemble des citoyens
béninois et au monde, bien évidemment », explique Jean Michel Abimbola.
Ces gens-là, poursuit-il, « si on les laisse partir avec le savoir ou avec
ces informations-là, c’est un gâchis pour le pays », précise-t-il. A
l’endroit de ces trésors humains vivants, l’Exécutif béninois envisage
« le geste qui sauve ». Il veut collecter « toutes les bonnes
informations » dont ils sont détenteurs. Ces trésors, de l’avis du
ministre, constituent plus qu’une richesse « parce que nous étions dans
une culture de l’oralité, donc il n’y avait pas de traces écrites, il n’y avait
peut-être pas non plus d’audio ni de vidéo. Donc nous irons collecter tout cela
pour que cela ne soit pas perdu pour la nation béninoise ».
Même si le Bénin n’a ni pétrole ni or, l’art, la culture, le tourisme et le patrimoine culturel, sinon le patrimoine en général, valent bien plus que de l’or, selon le ministre Abimbola. « Notre pays est riche en patrimoine culturel, matériel et immatériel. Cela permettra de révéler le Bénin aux Béninois. Nous avons besoin également de vendre le Bénin aux Béninois », assure-t-il. C’est d’ailleurs dans cette perspective que s’inscrit la création de l’agence de sauvegarde de l’aire culturelle Adja-Tado, l’agence de sauvegarde de la culture Yoruba, l’agence de sauvegarde de la culture du Grand Borgou et enfin l’agence de sauvegarde de la culture des Montagnes. Quatre agences au service du patrimoine culturel immatériel dont les actions se déploient à petits coups. Un inventaire du patrimoine culturel dans les 77 communes a été déjà réalisé. Il est aussi projeté de recenser les patrimoines privés aux fins de protection. Le décret sur la création d’une plateforme dédiée aux collections du patrimoine culturel a été pris pour identifier tout le patrimoine, même s’il est privé. « Cela ne veut pas dire qu’on récupère le patrimoine, qu’on vous dépossède de votre bien, mais cela vous permet, vous-même, d’avoir votre patrimoine protégé. Si demain quelqu’un vous vole ce patrimoine, il sera difficile pour la personne de traverser une frontière. Donc, c’est dans l’intérêt, y compris des privés, de déclarer tout le patrimoine pour que ce soit inventorié dans un inventaire national », a exhorté le ministre lors d’une rencontre avec les responsables des agences sus-citées. A ceci s’ajouteront les autres textes qui réglementent les modalités de réalisation de l’inventaire, de classement et de prise en charge des dépenses de conservation et d’entretien des biens culturels. Chaque entité mise en place dans ce cadre est appelée à une fonction spécifique. « Le conseil d’administration, c’est beaucoup plus la gouvernance, certes, mais on peut vous présenter des projets et il faut que vous puissiez savoir ce dont il s’agit. Nous faisons en amont un certain travail pour aider les conseils d’administration et aider les directions générales à pouvoir dérouler une feuille de route. Une cartographie des aires socio-culturelles est également réalisée, suivant les limites de chaque aire », soutenait le ministre Abimbola à l’occasion d’une rencontre avec les ressources humaines appelées à servir à cet effet. Une telle organisation, selon lui, permettra de « voir le maillage géographique de chaque aire socio-culturelle. Un autre document est produit sur les chantiers prioritaires et les pistes de l’organisation à mettre en place. Chaque agence est dotée d’un conseil scientifique composé de trois spécialistes de l’aire socioculturelle, d’une personne ressource spécialiste du patrimoine culturel immatériel et d’un représentant de l’Agence de sauvegarde de la culture concernée.
Les
traditions à l’honneur
Le Bénin a donné un coup d’accélérateur à ses ambitions patrimoniales, culturelles et touristiques à la faveur du Conseil des ministres du mercredi 31 janvier dernier avec la création de ces quatre agences. Le gouvernement quête notamment à travers ce projet, la promotion et la mise en valeur des éléments constitutifs des quatre aires socioculturelles. Traditions et expressions orales, des arts du spectacle, des pratiques sociales, des rituels, des événements festifs, savoir-faire artisanal, art culinaire, patrimoine immatériel… Tout y passe !
Est-il
encore utile de rappeler que le chef de l’Etat a fait de la promotion
culturelle, l’un des éléments importants de son action de développement. A son
actif, des innovations introduites à travers l’adoption de la loi n°2021-09 du
22 octobre 2021 portant protection du patrimoine culturel en République du
Bénin. Depuis 2016, l’Exécutif a déployé de nombreuses actions dont l’une des
plus fortes, reste le retour au Bénin des trésors royaux, sans oublier les
Vodun days et bien d’autres encore. S’il reste un maillon faible, c’est bien
celui du patrimoine culturel immatériel « pourtant dense et riche dans chacune
de nos aires culturelles», selon le ministre en charge de la Culture. Ces quatre
agences sont missionnées pour élaborer des plans de sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel et assurer leur mise en œuvre dans la perspective
d’améliorer leur contribution au développement socioéconomique du pays. Elles
ne disposent pas de territoires physiques de compétence mais couvrent plutôt
des espaces socioculturels.
Compétences
L’avènement de ces agences tire sa source de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Le but de cette convention, faut-il le rappeler, c’est la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus, la sensibilisation aux niveaux local, national et international à l’importance du patrimoine culturel immatériel et de son appréciation mutuelle et enfin la coopération et l’assistance internationales. Ces agences doivent soutenir l’identification et l’inventaire des éléments du patrimoine culturel immatériel (Pci) dans leur aire culturelle de compétence, veiller à leur sauvegarde et à leur mise en valeur, œuvrer à l’appropriation et au développement du patrimoine culturel immatériel auprès des jeunes, notamment en milieux éducatifs, contribuer à la mise en œuvre des actions dans le cadre de l’élaboration des dossiers d’inscription des biens du patrimoine culturel immatériel sur la liste du patrimoine de l’humanité et promouvoir des actions de sauvegarde favorisant l’harmonie et la cohésion sociales, le respect de la coexistence, de la tolérance religieuse et des pratiques coutumières conformes aux lois et règlementations en vigueur.
Pour ce qui est de leur champ de compétence, elles auront à s’occuper des représentations, traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur d’expression et de transmission, ainsi que les espaces, artefacts et objets associés, des arts de spectacle, des pratiques sociales, des connaissances se rapportant à la nature et à l’univers, ainsi que ceux liés à l’artisanat traditionnel. La mission desdites agences prend aussi en compte la conduite de recherches scientifiques pour l’identification, la documentation, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine. Ce qu’ambitionne le gouvernement, c’est de les voir contribuer à l’économie touristique du pays, par le renforcement des dispositifs de médiation culturelle et des collections des institutions muséales et patrimoniales.