La Nation Bénin...
L’Afrique,
riche en ressources naturelles mais pauvre en liquidités, doit réévaluer son
capital naturel pour transformer son paysage économique. Cette démarche est
essentielle pour attirer les investissements, renforcer la durabilité
financière et ouvrir la voie à un développement inclusif et résilient, selon la
Bad.
L’Afrique
doit prendre en compte son capital naturel et « verdir » son produit intérieur
brut (Pib), selon un récent rapport de la Banque africaine de développement
(Bad) intitulé Mesurer la richesse verte des nations : Capital naturel et
productivité économique en Afrique. Le document met en évidence le paradoxe
entre la richesse naturelle abondante du continent et sa pauvreté monétaire.
Alors que le capital naturel de l’Afrique était estimé à 6 200 milliards de
dollars US en 2018, elle capte moins de 1 % des 2 200 milliards de dollars des
obligations vertes mondiales.
Le
rapport souligne que cette estimation est probablement sous-évaluée. Les
découvertes récentes de ressources minérales et extractives, ainsi que les
services écosystémiques non pris en compte, comme la séquestration du carbone,
ne sont pas intégrés dans ces chiffres.
« Il
est essentiel que la richesse écologique de l’Afrique soit correctement évaluée
et prise en compte dans le calcul de la viabilité de la dette de l’Afrique »,
déclare Dr. Akinwumi A. Adesina, président du Groupe de la Bad.
Une
meilleure évaluation de cette richesse permettrait de révéler la valeur réelle
des économies africaines, facilitant ainsi des investissements plus ciblés. En
incluant le capital naturel dans les calculs du Pib, l’Afrique pourrait améliorer
son accès au marché des obligations vertes et lever des fonds pour investir
dans des infrastructures écologiques résilientes et des technologies vertes
adaptées au changement climatique.
Comptabilité
verte
On estime que 60 % du Pib de l’Afrique provient des ressources naturelles et des services écosystémiques essentiels. De plus, une augmentation de la valeur attribuée au capital naturel pourrait contribuer à réduire les coûts d’emprunt.
Des
initiatives comme la Comptabilité du capital naturel (Ccn) sont en cours sur le
continent, avec le soutien de la communauté internationale, pour intégrer les
dimensions environnementales dans les politiques économiques. Toutefois, selon
une enquête de la Bad réalisée en juin 2023, la plupart des pays africains peinent
à respecter la révision quinquennale recommandée par le Système de comptabilité
nationale 2008 (Scn 2008). Cette lenteur limite l’ajustement des estimations du
Pib aux transformations structurelles des économies africaines.
Le
rapport souligne également que les services écosystémiques, comme la
séquestration du carbone, sont largement ignorés. En 2018, les forêts
africaines représentaient 26 % du carbone séquestré dans le monde, tandis que
le continent ne produit que 4 % des émissions de combustibles fossiles.
La séquestration du carbone dans le bassin du Congo pourrait, à elle seule, générer jusqu’à 77 milliards de dollars US, selon l’étude. Intégrer ces contributions dans les comptes nationaux renforcerait les finances publiques tout en favorisant des investissements accrus dans la conservation des forêts.
Lors de la Cop 29 à Bakou, en Azerbaïdjan, le professeur Kevin Chika Urama, économiste en chef et vice-président de la Bad, a insisté sur l’urgence pour l’Afrique d’adopter le Système de comptabilité économique et environnementale (Scee). Cet outil est indispensable pour intégrer pleinement les dimensions environnementales dans les indicateurs économiques comme le Pib, a-t-il souligné.
Pour
maximiser les opportunités liées au capital naturel, la Bad préconise non
seulement d’harmoniser les méthodologies pour évaluer et intégrer le capital
naturel dans les politiques économiques, mais aussi de stimuler les
investissements verts, notamment via les obligations vertes et les financements
climatiques et de renforcer les capacités techniques des institutions
nationales pour appliquer rigoureusement des outils comme le Scee.
Par
ailleurs, la communauté internationale doit intégrer la valeur du capital
naturel dans les mesures de revenu national. Cette démarche pourrait améliorer
le profil de risque des pays africains et leur cote de crédit. De même, la
comptabilisation de la séquestration du carbone par les forêts africaines
pourrait stimuler les investissements dans la préservation de ces écosystèmes,
même si elle nécessite de surmonter des défis liés à l’évaluation des services
écosystémiques.
La Bad plaide pour un agenda dédié aux politiques et aux comptes nationaux verts en Afrique, affirmant son rôle central dans la mobilisation des pays pour intégrer le capital naturel dans leurs stratégies économiques.