La Nation Bénin...
Pour
préserver le continent africain de certaines évaluations qui ne reflètent pas
toujours la réalité, le président de la Banque africaine de Développement
appelle l’Afrique à disposer de sa propre agence de notation.
Les pays africains doivent désormais prendre leur destin en main en ce qui concerne les notations pour évaluer les risques financiers sur le continent. C’est ce que recommande Akinwumi A. Adesina, président du groupe de la Banque africaine de Développement lors d’une rencontre avec des investisseurs au Royal institute of international affairs à Londres. Son raisonnement est fondé sur une évaluation de l’agence Moody’s analytics menée sur 14 ans concernant les taux de défaut cumulés sur les prêts d’infrastructures dans diverses régions du monde. Les résultats montrent que le taux de défaut en Afrique était de 1,9 %, alors qu’il était de 6,6 % en Amérique du Nord, de 10 % en Amérique latine, de 12 % en Europe de l’Est et de 4,3 % en Asie de l’Ouest. « Mais la perception n’est pas la réalité », a-t-il relevé. Akinwumi A. Adesina reconnaît que des risques existent effectivement dans le secteur financier en Afrique mais récuse qu’ils soient évalués de cette manière au point de biaiser les approches. Il développe que le risque de change constitue un défi majeur pour le secteur privé, en raison de l’inadéquation entre les prêts ou les prises de participations libellés en devises et les bénéfices en monnaie locale des entreprises ou des contreparties. Il cite au titre des risques, les risques de marché, les risques de contrepartie, les risques de change et les risques politiques. « Pour les atténuer, des garanties partielles de risque et des garanties partielles de crédit sont déployées. Celles-ci fonctionnent très bien », fait-il savoir. Le président de la Bad trouve que l’augmentation des niveaux d’endettement en Afrique constitue une autre paire de manches opposée à cette dynamique d’atténuation avec vingt-deux pays exposés à un risque élevé de surendettement. Mais cela ne doit pas émousser l’ardeur des investisseurs à s’intéresser à l’Afrique. « L’Africa investment forum offre une plateforme transparente aux investisseurs intéressés par l’Afrique, leur permettant de se rencontrer, d’évaluer des projets, d’évaluer les risques, de chercher des contrefacteurs d’atténuation des risques, ainsi que de s’attaquer aux risques politiques qui pèsent sur les investisseurs », a-t-il souligné. Il estime que réformer les agences de notation pour transmettre une perception correcte du risque réel que représente l'Afrique n'est donc plus un luxe, mais une nécessité absolue. «Cela réduirait les coûts du service de la dette et débloquerait des financements supplémentaires pour la transformation structurelle de l’Afrique », a-t-il soutenu.
Intérêt
Selon le Programme des Nations unies pour le Développement (Pnud),
des notations de crédit plus équitables pour les pays africains permettraient
d’économiser au moins 75 milliards de dollars par an sur le service de la
dette. Une perception qui pourrait permettre aux pays du continent de se lancer
véritablement sur la voie du développement. Dans ce sens, le président de la
Banque africaine de Développement fait référence à un article du journal
américain New York Times qui a récemment titré que ‘’l’avenir est en Afrique’’.
« L’Afrique ne peut plus être ignorée. Je suis convaincu que l’Afrique sera le
continent pivot du monde, compte tenu de ses perspectives économiques», a-t-il
affirmé. Il évoque cinq raisons principales pour soutenir son affirmation. Premièrement,
le dividende démographique. Il projette la population africaine à environ 2,5
milliards d’habitants d’ici à 2050 et qu’à cette date, une personne sur quatre
vivant sur terre sera en Afrique. Avec une classe moyenne en plein essor et des
dépenses de consommation et d’affaires qui devraient atteindre 7 000 milliards
de dollars. Ce qui serait un marché d’avenir formidable. Deuxièmement,
l’Afrique regorgera de travailleurs compétents et talentueux qui constitueront
la main d’œuvre du monde entier avec sa jeunesse en plein essor de près d’un
milliard de personnes âgées de moins de 35 ans. Troisièmement, 65 % des terres
arables non cultivées de la planète se trouvent en Afrique. « Ce que l’Afrique
fera de son agriculture déterminera l’avenir de l’alimentation dans le monde,
pour nourrir la population mondiale de 9,7 milliards d’habitants d’ici à 2050
», a-t-il soutenu. En point 4, il évoque l’avenir de la transition énergétique
pour un monde alimenté en grande partie par des énergies renouvelables, et qui
dépendra de l’Afrique avec son grand potentiel solaire au monde. Ce qui sera
essentiel pour développer l’hydrogène vert et l’ammoniac vert qui alimenteront
les économies vertes du monde pour atteindre le niveau de zéro émission nette.
Sans oublier que l’Afrique possède également les plus grands gisements de
minéraux et de métaux verts. En dernier point, il parle de la zone de
libre-échange continentale africaine, qui réunit les 54 pays d’Afrique, avec un
Pib estimé à 3 400 milliards de dollars, et qui est en passe de devenir la plus
grande zone de libre-échange du monde. « Par conséquent, les tendances
économiques, la croissance et le développement de l’Afrique sont essentiels
dans la perspective d’un monde où le continent jouera un rôle important », a-t-il
conclu. Ainsi, avec une volonté politique forte, une coopération régionale
résiliente et des partenariats mondiaux sincères, l’Afrique peut s’imposer au
monde comme le continent pivot■