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Préserver notre terre, assurer notre avenir: Un défi pour le développement durable au Bénin

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Luc GNACADJA Luc GNACADJA

Alors que les dirigeants et experts du monde entier se réunissent à Riyad, en Arabie saoudite, pour la 16e Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification (Unccd-Cop16), la restauration des terres dégradées s'impose comme une priorité mondiale.

Par   Luc GNACADJA, le 04 déc. 2024 à 01h41 Durée 3 min.
#Lutte contre la Désertification #développement durable

Le bon fonctionnement des écosystèmes terrestres est essentiel pour la santé de notre planète, car il régule le climat et soutient la biodiversité. Pourtant, selon la Convention (Unccd), au moins 100 millions d'hectares de terres saines sont perdus chaque année à cause de la dégradation. Aujourd'hui, environ 40 % des terres mondiales sont touchées, ce qui revient à imaginer que 40 % de votre champ a perdu sa fertilité et pourrait bientôt devenir inutilisable. La terre est également liée à sept des neuf limites planétaires, et les six déjà dépassées sont toutes directement connectées à son état de dégradation. Par ailleurs, sa santé est essentielle au maintien des flux d'eau verte (l'humidité dans le sol et la végétation) entre les terres, qui représentent près de 50 % des précipitations mondiales. La protection de nos terres est donc au cœur des défis environnementaux globaux.

Pour le Bénin, après l’adoption par le gouvernement en 2018 d’un plan d’action national pour la gestion durable des terres, ce défi environnemental requiert une initiative nationale audacieuse : la restauration des écosystèmes.

Un cadre global, un défi local

La terre constitue le premier capital de l’économie béninoise. Avec environ 30 % du Pib généré par l’agriculture, 75 % des recettes d’exportation et 50 % des emplois directement liés à ce secteur, elle est au cœur des moyens de production et de subsistance des populations. Cependant, ce capital vital est en péril.

Depuis plusieurs décennies, des pratiques agricoles prédatrices ont mis à mal la fertilité des sols et la capacité régénérative des terres. Parmi les causes principales figurent :

•Les monocultures intensives et autres pratiques agraires inappropriées, qui fragilisent les sols, en particulier face au changement climatique.

•Le déboisement quasi systématique des terres cultivées, responsable de l’accélération de l’érosion et de la perte de biodiversité.

Malgré une impulsion louable donnée au secteur agricole depuis 2016, notre modèle agricole reste globalement préjudiciable à la durabilité des ressources naturelles. Ces pratiques, combinées à l’expansion des terres agricoles au détriment des écosystèmes naturels, ont des répercussions profondes et préoccupantes.

Les conséquences se manifestent de manière dramatique :

1.Une perte de productivité agricole : Dans certaines zones, les rendements ont chuté de moitié, exacerbant l’insécurité alimentaire et la pauvreté rurale.

2.Une disparition accélérée du couvert végétal : En 35 ans, près de 48 % des forêts béninoises ont été détruites, réduisant leur rôle écologique crucial.

3.Une vulnérabilité croissante face au changement climatique : La perte des écosystèmes naturels intensifie les sécheresses, les inondations et la vulnérabilité de nos populations face aux chocs climatiques.

Ces défis soulignent une vérité fondamentale : la gestion durable des terres doit devenir une priorité absolue pour préserver notre terre et assurer notre avenir.

Une initiative phare : la restauration des écosystèmes au Bénin

Face à ces enjeux, le Bénin s’est fixé des objectifs ambitieux alignés sur les Objectifs de développement durable (Odd), en particulier la cible 15.03 sur l’inversion nécessaire des processus de dégradation des terres. Ces objectifs incluent :

•Restaurer 1,25 million d’hectares de terres dégradées d’ici 2030.

•Réduire de 21 % à 5 % la conversion des forêts et savanes naturelles en terres agricoles ou zones urbaines.

•Augmenter de 5 % la couverture forestière nationale grâce à des programmes de reboisement et de conservation.

Pour traduire ces ambitions en actions concrètes, GPS-Development, un think-and-do-tank (groupe de réflexion et d’action) béninois que j’ai le privilège de présider, travaille avec le gouvernement et ses partenaires pour lancer une initiative phare baptisée « Promotion de la restauration des écosystèmes au Bénin ». Cette initiative vise à identifier, promouvoir et amplifier les actions locales exemplaires de gestion durable des terres.

Les piliers de l’initiative :

1.Cartographier les projets locaux grâce à une plateforme numérique dédiée.

2.Evaluer rigoureusement les initiatives selon des critères environnementaux, économiques et sociaux.

3.Valoriser les fermes et exploitations performantes comme des canaux de partage et de diffusion de bonnes pratiques entre exploitants agricoles afin d’accélérer leur adoption.

En intégrant savoir-faire traditionnels et innovations modernes, cette initiative s’appuie sur une approche inclusive et participative pour susciter un mouvement national irrésistible en faveur de la gestion durable des terres.

Des solutions locales pour des défis globaux

Au Bénin, comme ailleurs en Afrique, les petits exploitants agricoles jouent un rôle central dans la préservation et la restauration des écosystèmes. Ces acteurs, qui gèrent près de 80 % des terres agricoles africaines, disposent d’une expertise locale précieuse mais sous-exploitée en raison de l’accès limité aux technologies, outils et financements nécessaires.

Pourquoi cette approche locale est-elle essentielle ?

•Assurer une prospérité résiliente des agriculteurs : Restaurer les terres permet d’améliorer la sécurité alimentaire, les revenus et la résilience face aux aléas climatiques.

•Valoriser les savoir-faire traditionnels : En combinant ces pratiques aux innovations modernes, on génère des impacts durables et reproductibles.

•Garantir une appropriation locale des initiatives et investissements publics de promotion agricole : Mettre les communautés au centre des stratégies nationales renforce l’efficacité et la pérennité des projets.

Un modèle pour l’avenir

L’initiative béninoise ne se limite pas à la restauration écologique. Elle intègre des dimensions sociales et économiques pour faire de la gestion durable des terres un levier de transformation pour le pays. Ses résultats attendus incluent :

•Une amélioration notable du couvert végétal et de la productivité agricole.

•Une réduction tangible de la conversion des écosystèmes naturels en terres agricoles ou zones urbaines.

•Une reconnaissance accrue des initiatives locales comme moteurs de transformation durable.

En positionnant la terre comme un capital à préserver et valoriser, cette initiative montre que la lutte contre la dégradation des terres n’est pas seulement possible, mais qu’elle peut aussi générer des bénéfices multiples à tous les niveaux.

Un appel à l’action collective

Au cours de la Cop16 à Riyad, les gouvernements et institutions internationales doivent accepter de reconsidérer leurs modus operandi respectifs afin de reconnaître et soutenir ces initiatives locales pour renforcer leurs engagements mondiaux. Pour réussir, il est impératif de :

1.Prioriser les solutions locales, en valorisant l’expertise des communautés rurales.

2.Transformer les promesses financières en actions concrètes, accessibles aux projets locaux.

3.Adopter une gouvernance participative, où les acteurs locaux ont une voix prépondérante dans les décisions.

Le Bénin, avec cette initiative phare, peut devenir une source d’inspiration pour d’autres pays. Cependant, pour transformer cette ambition en réalité, il faudra un engagement collectif soutenu et des actions concrètes à tous les niveaux.

Restaurer nos terres, c’est restaurer nos vies ; c’est aussi assurer une croissance plus durable et inclusive. Le défi est immense, mais il est aussi porteur d’espoir. En agissant maintenant pour préserver notre terre, nous assurons notre avenir et celui des générations futures. Mobilisons-nous pour faire du Bénin un modèle de résilience et de durabilité, là où la terre redevient une source de prospérité partagée et de vie.

Président de GPS-Development, ancien ministre de l’Environnement et ancien secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la Lutte Contre la Désertification