La Nation Bénin...
Alors
que les dirigeants et experts du monde entier se réunissent à Riyad, en Arabie
saoudite, pour la 16e Conférence des Parties à la Convention des Nations Unies
sur la Lutte contre la Désertification (Unccd-Cop16), la restauration des
terres dégradées s'impose comme une priorité mondiale.
Le
bon fonctionnement des écosystèmes terrestres est essentiel pour la santé de
notre planète, car il régule le climat et soutient la biodiversité. Pourtant,
selon la Convention (Unccd), au moins 100 millions d'hectares de terres saines
sont perdus chaque année à cause de la dégradation. Aujourd'hui, environ 40 %
des terres mondiales sont touchées, ce qui revient à imaginer que 40 % de votre
champ a perdu sa fertilité et pourrait bientôt devenir inutilisable. La terre
est également liée à sept des neuf limites planétaires, et les six déjà
dépassées sont toutes directement connectées à son état de dégradation. Par
ailleurs, sa santé est essentielle au maintien des flux d'eau verte (l'humidité
dans le sol et la végétation) entre les terres, qui représentent près de 50 %
des précipitations mondiales. La protection de nos terres est donc au cœur des
défis environnementaux globaux.
Pour le Bénin, après l’adoption par le gouvernement en 2018 d’un plan d’action national pour la gestion durable des terres, ce défi environnemental requiert une initiative nationale audacieuse : la restauration des écosystèmes.
Un
cadre global, un défi local
La
terre constitue le premier capital de l’économie béninoise. Avec environ 30 %
du Pib généré par l’agriculture, 75 % des recettes d’exportation et 50 % des
emplois directement liés à ce secteur, elle est au cœur des moyens de
production et de subsistance des populations. Cependant, ce capital vital est
en péril.
Depuis
plusieurs décennies, des pratiques agricoles prédatrices ont mis à mal la
fertilité des sols et la capacité régénérative des terres. Parmi les causes
principales figurent :
•Les
monocultures intensives et autres pratiques agraires inappropriées, qui
fragilisent les sols, en particulier face au changement climatique.
•Le
déboisement quasi systématique des terres cultivées, responsable de
l’accélération de l’érosion et de la perte de biodiversité.
Malgré
une impulsion louable donnée au secteur agricole depuis 2016, notre modèle
agricole reste globalement préjudiciable à la durabilité des ressources
naturelles. Ces pratiques, combinées à l’expansion des terres agricoles au
détriment des écosystèmes naturels, ont des répercussions profondes et
préoccupantes.
Les
conséquences se manifestent de manière dramatique :
1.Une
perte de productivité agricole : Dans certaines zones, les rendements ont chuté
de moitié, exacerbant l’insécurité alimentaire et la pauvreté rurale.
2.Une
disparition accélérée du couvert végétal : En 35 ans, près de 48 % des forêts
béninoises ont été détruites, réduisant leur rôle écologique crucial.
3.Une
vulnérabilité croissante face au changement climatique : La perte des
écosystèmes naturels intensifie les sécheresses, les inondations et la
vulnérabilité de nos populations face aux chocs climatiques.
Ces défis soulignent une vérité fondamentale : la gestion durable des terres doit devenir une priorité absolue pour préserver notre terre et assurer notre avenir.
Une
initiative phare : la restauration des écosystèmes au Bénin
Face
à ces enjeux, le Bénin s’est fixé des objectifs ambitieux alignés sur les
Objectifs de développement durable (Odd), en particulier la cible 15.03 sur
l’inversion nécessaire des processus de dégradation des terres. Ces objectifs
incluent :
•Restaurer
1,25 million d’hectares de terres dégradées d’ici 2030.
•Réduire
de 21 % à 5 % la conversion des forêts et savanes naturelles en terres
agricoles ou zones urbaines.
•Augmenter
de 5 % la couverture forestière nationale grâce à des programmes de reboisement
et de conservation.
Pour
traduire ces ambitions en actions concrètes, GPS-Development, un
think-and-do-tank (groupe de réflexion et d’action) béninois que j’ai le
privilège de présider, travaille avec le gouvernement et ses partenaires pour
lancer une initiative phare baptisée « Promotion de la restauration des
écosystèmes au Bénin ». Cette initiative vise à identifier, promouvoir et
amplifier les actions locales exemplaires de gestion durable des terres.
Les piliers de l’initiative :
1.Cartographier
les projets locaux grâce à une plateforme numérique dédiée.
2.Evaluer
rigoureusement les initiatives selon des critères environnementaux, économiques
et sociaux.
3.Valoriser
les fermes et exploitations performantes comme des canaux de partage et de
diffusion de bonnes pratiques entre exploitants agricoles afin d’accélérer leur
adoption.
En intégrant savoir-faire traditionnels et innovations modernes, cette initiative s’appuie sur une approche inclusive et participative pour susciter un mouvement national irrésistible en faveur de la gestion durable des terres.
Des
solutions locales pour des défis globaux
Au
Bénin, comme ailleurs en Afrique, les petits exploitants agricoles jouent un
rôle central dans la préservation et la restauration des écosystèmes. Ces
acteurs, qui gèrent près de 80 % des terres agricoles africaines, disposent
d’une expertise locale précieuse mais sous-exploitée en raison de l’accès
limité aux technologies, outils et financements nécessaires.
Pourquoi cette approche locale est-elle essentielle ?
•Assurer
une prospérité résiliente des agriculteurs : Restaurer les terres permet
d’améliorer la sécurité alimentaire, les revenus et la résilience face aux
aléas climatiques.
•Valoriser
les savoir-faire traditionnels : En combinant ces pratiques aux innovations
modernes, on génère des impacts durables et reproductibles.
•Garantir
une appropriation locale des initiatives et investissements publics de
promotion agricole : Mettre les communautés au centre des stratégies nationales
renforce l’efficacité et la pérennité des projets.
Un modèle pour l’avenir
L’initiative
béninoise ne se limite pas à la restauration écologique. Elle intègre des
dimensions sociales et économiques pour faire de la gestion durable des terres
un levier de transformation pour le pays. Ses résultats attendus incluent :
•Une
amélioration notable du couvert végétal et de la productivité agricole.
•Une
réduction tangible de la conversion des écosystèmes naturels en terres
agricoles ou zones urbaines.
•Une
reconnaissance accrue des initiatives locales comme moteurs de transformation
durable.
En positionnant la terre comme un capital à préserver et valoriser, cette initiative montre que la lutte contre la dégradation des terres n’est pas seulement possible, mais qu’elle peut aussi générer des bénéfices multiples à tous les niveaux.
Un
appel à l’action collective
Au
cours de la Cop16 à Riyad, les gouvernements et institutions internationales
doivent accepter de reconsidérer leurs modus operandi respectifs afin de
reconnaître et soutenir ces initiatives locales pour renforcer leurs
engagements mondiaux. Pour réussir, il est impératif de :
1.Prioriser
les solutions locales, en valorisant l’expertise des communautés rurales.
2.Transformer
les promesses financières en actions concrètes, accessibles aux projets locaux.
3.Adopter
une gouvernance participative, où les acteurs locaux ont une voix prépondérante
dans les décisions.
Le
Bénin, avec cette initiative phare, peut devenir une source d’inspiration pour
d’autres pays. Cependant, pour transformer cette ambition en réalité, il faudra
un engagement collectif soutenu et des actions concrètes à tous les niveaux.
Restaurer nos terres, c’est restaurer nos vies ; c’est aussi assurer une croissance plus durable et inclusive. Le défi est immense, mais il est aussi porteur d’espoir. En agissant maintenant pour préserver notre terre, nous assurons notre avenir et celui des générations futures. Mobilisons-nous pour faire du Bénin un modèle de résilience et de durabilité, là où la terre redevient une source de prospérité partagée et de vie.