Le 4 août dernier à Caracas, deux détonations se font entendre alors que le président vénézuélien Nicolas Maduro prononçait son discours lors d’une cérémonie officielle. Alejandro Israel Correa Ortega, ambassadeur plénipotentiaire de la République bolivarienne du Venezuela près le Bénin avec juridiction sur la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Niger et le Togo, revient dans cette interview sur le contexte et les mobiles de cette attaque. Il évoque également les résultats de l’enquête diligentée suite à ce qu’il appelle « magnicide frustré selon le Code pénal du Venezuela » ainsi que la dynamique politico-économique au Venezuela.
La Nation : Monsieur l’ambassadeur, que s’est-il réellement passé le 4 août à Caracas ?
Alejandro Israel Correa Ortega: Ce qui s’est passé le 4 août dernier à Caracas est une attaque terroriste. Elle est survenue lors de la célébration du 81e anniversaire de la création de la Garde nationale bolivarienne. Alors que le président constitutionnel de la République bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro, prononçait son discours de clôture, deux détonations ont été entendues non loin de la tribune présidentielle.
Les organes chargés de la sécurité du président, très professionnels et hautement responsables, ont immédiatement mis en branle le dispositif sécuritaire nécessaire en de pareilles circonstances pour évacuer des lieux le président et sa famille, les hauts responsables civils et militaires ainsi que les membres du corps diplomatique qui étaient présents.
Qu’est-ce qui vous fait dire que c’est une attaque terroriste ?
L’attaque est un fait public et communicationnel. C’est un attentat perpétré contre la vie du président de la République, caractérisé par notre législation comme un acte de terrorisme et de magnicide en degré de frustration. Ne pas reconnaître qu’elle est terroriste, c’est tomber dans une exaction due à l’abominable négation du droit des citoyens d’une nation qui aspire à vivre une vie sans violence. Le système d’organisation de sécurité et de recherche du Venezuela a réussi à obtenir les preuves et celles-ci doivent être considérées comme légitimes, car elles ont été collectées dans un processus de recherche méthodique.
L’attentat terroriste d’assassinat contre la personne du président Nicolas Maduro, son gouvernement, les hauts responsables militaires de l’Etat et le corps diplomatique, est un fait qui n’est pas de l’opposition au Venezuela. Les partis politiques et les acteurs de l’opposition occupent des fonctions publiques dans les gouvernorats, les assemblées législatives de l’Etat, les mairies, et ils développent leur action politique dans les principes établis par la Constitution vénézuélienne. C’est vous dire que l’opposition vénézuélienne a toutes les garanties que notre démocratie offre et exerce pleinement ses droits.
Cependant, le parti politique vénézuélien Pimero Justicia, au lieu de condamner l’attaque terroriste et d’attendre les résultats de l’enquête, a publié une déclaration approuvant de ses dirigeants, les anciens députés Julio Borges et Juan Requesens. Ils ont été dénoncés par l’un des auteurs qui est aux mains des autorités vénézuéliennes par leurs rôles en tant qu’organisateurs intellectuels et logistiques respectivement de l’attaque. Les anciens députés Borges et Requesens ont également été impliqués dans une déclaration publique d’un journaliste étranger, basé en Floride aux États-Unis. Ce journaliste a ouvertement annoncé dans son programme télévisé, depuis Miami en Floride, qu’il connaissait et soutenait le plan d’assassinat contre le président Nicolas Maduro. Il a également expliqué qu’il connaissait les rôles des ex-députés Julio Borges et Juan Requesens dans l’intrigue.
Une enquête a été immédiatement ouverte suite à l’attaque. Que révèle-t-elle ?
Après l’attaque, le procureur général a annoncé la nomination de trois procureurs ayant une grande expérience du crime organisé et du complot politique, afin de clarifier les faits et de traduire en justice les responsables de cet acte. Les premiers résultats de l’enquête ont montré que les détonations correspondaient à des explosifs placés dans deux engins téléguidés, c’est-à-dire des drones normalement utilisés à des fins industrielles et audiovisuelles, et dirigés contre la personne du président et les hauts fonctionnaires présents à la cérémonie.
On estime que chaque drone contenait 1 kg d’explosif dont les déflagrations peuvent atteindre un rayon de 50 mètres. Sur les lieux, les témoignages d’une demi-douzaine de personnes arrêtées concordent à ce que le but visé était de faire exploser l’un des drones sur le toit de la tribune officielle. Mais heureusement, l’appareil a été détourné et le signal bloqué ; ce qui l’a fait exploser loin de la cible programmée. L’autre appareil a été dévié et a explosé contre un bâtiment adjacent au site de l’événement. On dénombre malheureusement sept officiers militaires blessés dont trois grièvement atteints.
L’une des personnes impliquées qui sont passées aux aveux, avait participé aux actes de violence politique de 2014. Une autre est liée à l’assaut d’une installation militaire à Valence par un groupe paramilitaire, il y a un an ; laquelle attaque a été revendiquée à Miami par les porte-parole de l’extrême droite vénézuélienne.
Il s’agit donc d’un complot, selon vous ?
Evidemment ! Parmi les auteurs de cet acte criminel qui s’autoproclament de l’opposition, certains ont décidé de quitter volontairement le pays, d’autres ont fui pour échapper à des sanctions infligées par la justice pour des actes terroristes commis récemment. Ce sont des gens qui reçoivent des financements de l’étranger pour organiser des complots contre les institutions publiques et les citoyens qui souhaitent vivre en paix. Tout cela, compte tenu de leur incapacité à convaincre avec des arguments solides les électeurs à voter pour eux dans les quatre processus électoraux qui se sont déroulés dans le pays au cours des treize derniers mois. Face à leur échec en tant qu’acteurs politiques, ils voyagent à travers le monde, financés par des organisations étrangères, et sollicitent des sanctions financières et politiques devant l’Union européenne, et les Etats-Unis, ainsi que des actions négatives contre les dirigeants politiques et militaires vénézuéliens.
Un an avant l’attentat, le président d’une puissance militaire étrangère a menacé deux fois, annonçant publiquement son intention d’attaquer militairement le Venezuela. Et ce n’est pas la première fois. Ce pays en question accueille depuis des années un groupe de personnes qui ont financé des actions de sabotage contre le système économique et la paix sociale au Venezuela.
L’enquête mène également vers des opérateurs politiques et financiers d’une grande puissance mondiale qui cherche encore par tous les moyens à contrôler les ressources minières et le pétrole vénézuéliens.
Quelle est la dynamique politico-économique du Venezuela ?
Malgré les actions des opérateurs terroristes sous la fausse couverture d’opposants politiques, le gouvernement vénézuélien que je représente ici, travaille à une véritable indépendance et à la souveraineté du pays. Il poursuivra son projet d’indépendance monétaire et financière. Par conséquent, il ne se laissera pas imposer, par la force, l’utilisation d’une monnaie étrangère pour les transactions commerciales. A cet effet, l’administration du président Maduro a lancé une crypto-monnaie ‘’Petro’’ soutenant sa valeur dans la richesse pétrolière certifiée qui se trouve dans son sous-sol et est gérée par la compagnie pétrolière nationale PDVSA qui appartient à l’Etat et donc à tous les Vénézuéliens.
Il poursuivra son projet de connexion multipolaire de ses finances et continuera à avancer pour ne pas éviter d’utiliser le yuan comme monnaie pour régler les opérations commerciales de divers articles sur le marché international. Le gouvernement vénézuélien ne privatisera pas son industrie pétrolière nationale, puisque notre Constitution stipule clairement que les ressources du sous-sol du Venezuela appartiennent au peuple du Venezuela qui exerce son administration par les pouvoirs de l’Etat dûment élus selon l’ordre constitutionnel.
Notre pays continuera à se conformer à la Constitution de la République garantissant que tout citoyen qui aspire à exercer une charge publique de leadership y accédera uniquement par des élections, conformément à la loi vénézuélienne et non par la force de la pression économique, politique, militaire provenant d’ailleurs.
Propos recueillis par Claude Urbain PLAGBETO