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Politique africaine: Le Rwanda, un modèle politique qui fait école

International
Par   Josué F. MEHOUENOU, le 19 juil. 2017 à 07h36

Tito Rutaremara, sénateur rwandais et co-fondateur du Front patriotique rwandais, parti au pouvoir, a échangé ce mardi 18 juillet avec une poignée de journalistes francophones en séjour à Kigali. Les échanges ont été vifs, nourris, mais surtout très instructifs sur le modèle politique rwandais, le style de gouvernance, en bref la démocratie à la rwandaise.

Souriant, barbe sel bien taillé, le poids de l’âge et sans doute celui de l’expérience aussi se lisaient sur le visage de l’homme qui nous a reçus à son cabinet, ce mardi 18 juillet. Tito Rutaremara, sénateur rwandais, un des vétérans de la politique dans son pays avait tout de même des raisons d’être content. A nouveau, il parle de son pays à des reporters. « L’exercice le passionne » avions-nous appris avant la séance. Et à l’épreuve, le sénateur Tito comme l’appellent de nombreux jeunes militants au sein du Front patriotique rwandais (Fpr), formation politique du président Paul Kagamé (au pouvoir) ne fera que le confirmer.
Très diplomatique dans ses réponses sur certaines questions comme celles en lien avec l’Uganda, il s'st montré tout de même assez ouvert, explicite et surtout très détaillé sur certaines préoccupations de son histoire. Au cours des échanges qui ont duré plusieurs heures, les hôtes de Tito Rutaremara ont appris à connaître davantage l’histoire du Rwanda, ses élites politiques, ses déboires, son génocide, ses plaies, ses douleurs, mais aussi et surtout ses efforts de réconciliation, son engagement pour la paix et le développement.
« Le Rwanda est un petit pays. On peut le parcourir en une journée », introduit Tito Rutaremara : 26 336 Km² pour 11 millions d’habitants. Soit une forte densité de 415 personnes par kilomètre. Il évoque les coulisses des conciliabules politiques des années 80. Entre souvenirs et nostalgie, le sénateur parcourt les détails du long activisme politique de ses pairs et lui. Il évoque notamment la création des courants, l’organisation des jeunes, des femmes et surtout des écoles politiques qui ont servi à actionner le militantisme et le modèle politique de leur rêve.
Mais c’est surtout sur le génocide et l’histoire d’après que Tito Rutaremara  va se révéler un fin connaisseur de l’histoire politique de son pays. Pour mieux se faire comprendre, il parcourt d’un doigt la carte du pays, survole les régions et explique le déroulement du conflit. Puis, il enchaîne sur le pays d’après-guerre, la reconstruction. Il était d’ailleurs très attendu sur ce pan de l’exposé. Le plus dur a été « d’éduquer les populations à s’accepter et à travailler pour reconstruire un pays complètement détruit », révèle-t-il. « La première chose que nous avons faite était de donner la sécurité au reste de la population » avant d’aller chercher les autres, indique-t-il ensuite.

S’inspirer du modèle politique rwandais

A en croire le sénateur Tito Rutaremara, le modèle politique, sinon la démocratie de son pays, est inspiré du modèle suisse. « Nous avons préféré le modèle suisse qui nous convenait le mieux. Nous avons voulu construire une démocratie consensuelle », apprécie-t-il. Et ce modèle, selon ses explications, s’illustre par le fait que celui qui gagne ne doit pas tout prendre. Au niveau du Gouvernement rwandais, 50% des portefeuilles doivent être donc détenus par le parti au pouvoir et les 50% restants aux autres formations politiques. Le même modèle démocratique stipule que le président du Parlement et le chef de l’Etat ne peuvent être de la même mouvance politique, soutient Tito Rutaremara. « On doit écouter les autres. Nous optons pour le système de la proportionnelle qui donne des chances à tout le monde », avance-t-il. Au niveau du sénat, une faible part est concédée au parti au pouvoir.
L’illustration de la singularité de la démocratie rwandaise, bâtie sur un modèle qui favorise la réconciliation, selon lui, c’est la création et l’institutionnalisation du « Forum consultatif des partis politiques ». Chaque parti, quel que soit son bord y est représenté par deux hommes et deux femmes en son sein et dispose d’un droit de véto. « Le Parlement représente le peuple, mais pas toutes les idées du peuple. Ceux qui n’ont pas été élus mais qui ont de bonnes idées doivent être pris en compte. Beaucoup d’idées partent de là en direction des dirigeants », lance le sénateur. Il décrit alors ce forum, innovation rwandaise, comme « une plateforme pour entretenir le dialogue national ». Aussi, dira-t-il que c’est « l’intolérance qui a créé le génocide » et soutient qu’il « faut apprendre à la population à s’accepter ». Il faut, note également ce sénateur rwandais, « tolérer les idées des autres, même s’ils disent des bêtises ». Cette séance lui a également donné l’occasion de se prononcer sur sa formation politique, le Front patriotique rwandais (au pouvoir). Un parti « organisé, structuré », mais aussi « majoritaire parce qu’il a un système de mobilisation fiable », selon lui.

Par Josué F. MEHOUENOU (Envoyé spécial à Kigali)