La Nation Bénin...
Longtemps reléguées au rang de phénomènes naturels
régionaux, les tempêtes de sable et de poussière sont devenues, en quelques
décennies, un enjeu mondial aux répercussions multiples. Santé, agriculture,
économie, sécurité aérienne : aucune sphère n’échappe à leur emprise. À
l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les tempêtes de sable
et de poussière, célébrée le 12 juillet, l’Organisation météorologique mondiale
(Omm) publie un nouveau Bulletin sur les poussières atmosphériques, qui dresse
un constat alarmant. Chaque année, près de 2 milliards de tonnes de sable et de
poussière pénètrent dans l’atmosphère, soit l’équivalent de 307 pyramides de
Gizeh, affectant la vie quotidienne de 330 millions de personnes dans plus de
150 pays.
Si les tempêtes de sable sont en partie un phénomène
naturel, leur fréquence et leur intensité s’expliquent de plus en plus par
l’activité humaine : déforestation, mauvaise gestion des terres et de l’eau,
surpâturage, mais aussi réchauffement climatique. Selon l’Organisation
météorologique mondiale (Omm), 25 % des émissions mondiales de poussière
seraient désormais directement liées aux actions de l’homme.
Paradoxalement, la poussière générée par l’activité humaine ne connaît pas de frontières: des tempêtes générées en Afrique ou au Moyen-Orient peuvent traverser les océans et atteindre l’Amérique du Sud ou les Caraïbes. En 2024, la poussière africaine a notamment recouvert certaines zones de la mer des Caraïbes, illustrant cette interdépendance planétaire.
Conséquences sanitaires et économiques majeures
Entre 2018 et 2022, près de 3,8 milliards de personnes,
soit la moitié de l’humanité, ont été exposées à des niveaux de poussière
dépassant les seuils de sécurité établis par l’Organisation mondiale de la
santé (Oms). Un chiffre en hausse de 31 % par rapport à la période 2003-2007.
Dans certaines régions fortement exposées, comme le Tchad
où la dépression du Bodélé constitue l’un des plus puissants émetteurs de
poussière au monde, les habitants peuvent vivre plus de 1 600 jours sur cinq
ans sous un air saturé de particules fines. Or, ces poussières favorisent
l’asthme, les infections respiratoires chroniques, les maladies
cardiovasculaires, voire certains types de cancers.
Les coûts économiques sont tout aussi vertigineux. Une
étude menée aux États-Unis révèle que les pertes dues à l’érosion éolienne ont
atteint 154 milliards de dollars en 2017, contre 44 milliards en 1995. Un
quadruplement en vingt ans, lié aux impacts sur les récoltes, l’énergie
renouvelable, les transports et les soins de santé. Et encore, souligne l’Omm, ce
chiffre est certainement sous-estimé, faute de données globales consolidées.
2024 : année contrastée mais inquiétante
Si la moyenne mondiale des concentrations de poussière en
surface a légèrement reculé en 2024 par rapport à 2023, les disparités régionales
restent marquées. Dans certaines zones comme le centre de l’Australie ou la
côte ouest de l’Afrique du Sud, les niveaux ont atteint des records.
Des événements marquants ont été recensés : en Asie de l’Est, 14 tempêtes ont balayé la région au printemps, dont une tempête exceptionnelle en juin ayant plongé Pékin sous un nuage de poussière dense et toxique. En Asie de l’Ouest, une tempête hivernale a paralysé l’Irak, le Koweït et la péninsule arabique, provoquant des fermetures d’écoles et d’aéroports.
Défi pour le développement durable
Face à cette menace, l’Omm coordonne depuis 2007 un
Système d’annonce et d’évaluation des tempêtes de sable et de poussière, appuyé
par quatre centres régionaux basés à Djeddah, Barcelone, Pékin et Bridgetown. Objectif:
améliorer les prévisions, renforcer les alertes précoces, et surtout coordonner
les efforts de mitigation à l’échelle mondiale.
Les tempêtes de sable et de poussière font désormais
partie intégrante de l’Initiative « Alertes précoces pour tous », portée par
les Nations Unies, qui encourage les investissements dans les systèmes
d’alerte, la prévention environnementale et la coopération internationale.
L’enjeu est de taille : réduire l’impact des tempêtes de
poussière est essentiel à la réalisation des Objectifs de développement durable
(Odd). Cela suppose un effort collectif: restaurer les terres dégradées,
améliorer la gestion de l’eau, adapter les infrastructures sanitaires, et
intégrer pleinement ces risques dans les politiques publiques de tous les pays.
Car si les tempêtes de sable sont l’un des visages les
plus visibles des déséquilibres environnementaux, elles sont aussi un puissant
révélateur de notre interdépendance globale. Leurs effets, d’une région à
l’autre, nous rappellent que l’air que nous respirons ne connaît ni murs ni
frontières.
Catherine
Fiankan-Bokonga