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Vision 2060 et modernisation à la chinoise: Quand le Bénin et la Chine cultivent une communauté de destin

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La Coopération sino-béninoise est un partenariat stratégique illustrant la solidarité et le  développement partagé dans le Sud global La Coopération sino-béninoise est un partenariat stratégique illustrant la solidarité et le développement partagé dans le Sud global

L’un, premier producteur de coton en Afrique et l’autre, pionnier mondial de l’agriculture intelligente, le Bénin et la Chine illustrent deux expériences complémentaires. Entre mécanisation, transformation locale et innovation technologique, leur coopération agricole apparaît comme un levier stratégique pour l’avenir du Sud global.

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 01 oct. 2025 à 11h26 Durée 4 min.
#modernisation à la chinoise

Depuis 2016, le secteur agricole béninois enregistre des performances historiques. Les réformes engagées ont porté leurs fruits, propulsant le pays parmi les leaders agricoles en Afrique de l’Ouest. La production de riz a atteint près de 550 000 tonnes en 2024, soit presque le triple du niveau de 2015. Le maïs, culture vivrière de base, côtoie aujourd’hui 2,6 millions de tonnes. Quant à l’ananas, sa production a plus que doublé en huit ans, passant de 244 000 tonnes en 2016 à 485 000 tonnes en 2024, ouvrant la voie à de nouveaux marchés internationaux. Le Bénin occupe aussi une place de choix dans le coton. Premier producteur africain de l’or blanc depuis quatre campagnes, il a franchi un pic de 700 000 tonnes en 2020. D’autres filières, telles que le manioc, le soja, l’anacarde, le palmier à huile et l’arboriculture fruitière… connaissent une croissance constante.

Pendant que le Bénin consolide ses acquis, la Chine, à environ onze mille kilomètres en Asie, révolutionne son secteur agricole par la technologie. Dans la province du Guangdong, des entreprises comme Xag développent des drones agricoles multifonctions, des véhicules sans pilote et des systèmes intelligents de fertilisation. « Notre véhicule aérien sans pilote peut assurer quatre fonctions principales à savoir pulvérisation, épandage, enquête aérienne et transport. Sa charge maximale atteint 80 kg », explique Liu Guangzhen, responsable technique de l’entreprise. Grâce à cette innovation et à bien d’autres comme la fibre de carbone qui réduit les coûts et augmente la capacité des engins, ces technologies deviennent accessibles y compris pour les marchés africains. La Chine exporte déjà ses solutions en Afrique, en Europe et en Asie, preuve que son expertise est reconnue mondialement.

Au-delà de la technologie, la «modernisation à la chinoise» place l’agriculture au cœur du bien-être des populations. Le président Xi Jinping a réaffirmé lors de la Fête des moissons il y a quelques mois, la priorité donnée à la revitalisation rurale. Le dirigeant chinois évoquait le soutien technologique, l’augmentation des revenus des agriculteurs et l’amélioration des infrastructures. « La modernisation de l'agriculture en Chine est inhérente au processus de modernisation à la chinoise. Il faut maintenir la priorité au développement de l'agriculture et des zones rurales, perfectionner les politiques visant à renforcer l'agriculture, favoriser les agriculteurs et accroître leurs revenus », soulignait-il.

Rêve commun, marche commune

La modernisation est devenue une aspiration universelle, partagée par les nations du « Sud global » qui entendent s’affirmer dans un monde en mutation rapide. La Chine, engagée dans l’édification d’un grand pays socialiste moderne, poursuit sa politique de « modernisation à la chinoise », fondée sur le développement centré sur le peuple. Le Bénin, de son côté, avance avec détermination vers les horizons tracés par sa Vision de développement à l’horizon 2060, adoptée par l’Assemblée nationale en juillet dernier. À l’intersection de ces deux trajectoires, l’agriculture se présente comme un levier stratégique majeur.

Au Forum sur la coopération sino-africaine tenu début septembre à Beijing, la vice-présidente du Bénin, Mariam Chabi Talata, a porté haut la voix du pays sur la thématique « industrialisation et modernisation agricole ». Elle a rappelé que le Bénin produit chaque année des volumes considérables de coton, d’anacarde et d’ananas, mais que ces matières premières sont encore majoritairement exportées à l’état brut. D’où l’option stratégique du pays de développer des unités de transformation locales. « La mécanisation est une solution idoine pour accroître la production agricole, améliorer le traitement des cultures, compenser les pénuries de main-d’œuvre et alléger la pénibilité du travail », a-t-elle précisé, tout en invitant les partenaires chinois à intensifier leurs investissements. Pour la vice-présidente, l’expérience chinoise en agro-industrie constitue une opportunité unique d’expansion.

Entre performances remarquables du secteur agricole béninois depuis 2016 et percées technologiques de la Chine dans l’agriculture intelligente, les deux pays tracent des voies distinctes mais convergentes vers la modernisation. Leur coopération, fondée sur la transformation locale et l’innovation, ouvre de nouvelles perspectives pour la sécurité alimentaire et le développement durable. Le Bénin a inscrit son développement agricole dans une trajectoire claire avec la Vision 2060, tandis que la Chine mise sur la technologie et la revitalisation rurale. Deux modèles singuliers, mais unis par une ambition commune, celle de bâtir une agriculture performante, moderne et au service du peuple.

Les échanges humains, ciment de l’amitié sino-béninoise

L’expérience chinoise en matière d’agriculture intelligente et de planification stratégique inspire aujourd’hui le Bénin, engagé dans sa propre voie de modernisation. Entre la Vision Bénin 2060 et la modernisation à la chinoise, les deux pays tracent des trajectoires qui, tout en restant singulières, se rejoignent dans un objectif commun à savoir, bâtir un développement centré sur l’homme, durable et inclusif. «Le meilleur entre la Chine et l’Afrique reste à venir », avait conclu Mariam Chabi Talata au Focac, soulignant que les atouts réciproques des deux nations peuvent s’allier pour répondre aux grands défis de sécurité alimentaire, de mécanisation et de transformation industrielle.

Pour Wei Zhang, ambassadeur de Chine près le Bénin, les relations entre la Chine et le Bénin ne se limitent pas aux infrastructures, au commerce ou à la coopération technique. Elles s’enracinent également dans des échanges humains et culturels riches et brillants. Dans son adresse à l’occasion du 76ᵉ anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine, il a rappelé « la symphonie éclatante qui illustre la vitalité du brassage entre les deux pays». Sylvestre Ahovi, étudiant en génie civil, témoigne de la transformation rapide de la Chine qu’il dépeint comme un exemple. « Le réseau de trains à grande vitesse m’impressionne particulièrement. Nous, jeunes béninois, rêvons de voir un jour un tel niveau d’infrastructures dans notre pays. La coopération sino-béninoise peut nous y aider, surtout si elle intègre des transferts de technologies», espère ce jeune étudiant de 21 ans. « Quand je vois comment la Chine a modernisé ses routes, ses trains et ses marchés dans les films, je me dis que le Bénin peut aussi suivre cette voie. Déjà, les routes construites avec l’appui de la Chine facilitent notre commerce. J’espère que cette coopération va continuer et toucher encore plus le secteur de la petite entreprise», souhaite pour sa part Marie Hadonou, 42 ans, commerçante au marché Dantokpa. Clarisse Makponsè, enseignante, est pour sa part, sidérée par l’importance que la Chine accorde à l’éducation et à la formation. « Si le Bénin pouvait bénéficier d’un appui renforcé dans ce domaine, ce serait une chance pour nos élèves et étudiants. Les échanges culturels et académiques sont essentiels pour préparer l’avenir», suggère-t-elle. Jeannine Bokpè, cadre de banque vivant à Porto-Novo, porte aussi ses aspirations quant à la coopération sino-béninoise. « On parle beaucoup des routes et des bus modernes en Chine. Moi, ce que je souhaite, c’est que cette coopération améliore aussi nos transports urbains et interurbains. Si la Chine peut nous accompagner dans la mise en place d’un vrai réseau de transport moderne, ce serait une grande avancée », projette-t-elle.