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Face à l'oubli de nos héros contemporains: Plaidoyer pour un monument en mémoire de l'abbé Gilbert Dagnon

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L'abbé Gilbert Dagnon L'abbé Gilbert Dagnon

La  propension est grande de nos jours à honorer les anciennes figures pour leurs hauts faits politiques et militaires faisant toutefois, à mal escient , l'impasse sur les contemporaines qui elles, ont  utilisé  des armes autres que politiques et militaires  pour réaliser leurs œuvres.

Par   Par Candide AHOUANSOU, le 13 mai 2025 à 07h45 Durée 3 min.
#mémoire

Aujourd’hui l’on a tendance à croire que les hauts faits ne sont que des faits d’armes. Mais il sied d’admettre que les armes défendent un territoire alors que la motivation même du recours aux armes est ailleurs. Elle se trouve  dans nos poitrines; nous l’appelons patriotisme. Et le patriotisme collectif s’exprime bruyamment pour convaincre et se convaincre  de l’amour pour la  patrie par le chant de ralliement des peuples d’une même nation qu'est l'hymne national.  Tout  citoyen honnête est censé lui devoir déférence se figeant et enlevant son chapeau  en tous lieux  et en toutes circonstances quand  il est entonné ; et l’on sait que d’aucuns ont  grand mal à maîtriser leurs émotions  en l’écoutant. Celui qui a écrit l' hymne d’un pays mérite la plus haute considération qui soit; c’est un héros national.

Héros et devoir de mémoire

N'est pas  héros seulement celui - là  qui se distingue par ses exploits personnels ou un courage hors du commun  face au danger ou à l’adversité. Le héros national n’est nécessairement pas non plus celui qui a combattu les armes à la main au nom de la souveraineté ou de la dignité de son pays. Le héros, c’est d’abord et  tout simplement la personne admirée pour ses hauts faits  ; il  devient national quand toute une nation l’admire. Et la nation admire l’abbé Gilbert Dagnon pour avoir écrit la partition ainsi que les paroles de  l’hymne national du Dahomey d’alors. Nous nous devons de l’immortaliser.

Nous avons un devoir de mémoire  envers cet ecclésiastique. Et  c’est  parce que, généralement parlant, nous manquons bien souvent à  ce devoir de mémoire que l’on a pu dire de l’Afrique qu’elle  n'a pas d'histoire ( Hegel 1967) ou qu’elle  n'est pas encore rentrée dans l’histoire  (Sarkozy 2007). L’on peut écrire l’histoire dans les livres pour ceux qui savant lire. Mais pour ceux qui sont encore dans les liens de ne savoir ni lire ni écrire, les monuments et les images sont leurs repères.  Et il est  impératif que tous les fils du Bénin se souviennent à jamais de l’abbé  Gilbert Dagnon; lettrés comme illettrés, enfants comme vieillards, bien voyants comme aveugles, sourds et muets comme bon entendants et volubiles.

L' icône 

L’abbé  Dagnon est une icône en ce sens qu’il incarne la nation par le biais de  l’hymne qu’il a composé pour elle, l’ Aube nouvelle. Pour ne pas enfoncer une porte ouverte et écrire ce que tout le monde sait déjà, je ne  définirai point ce qu’est un hymne. Je me contenterai néanmoins de rappeler qu’il reste le catalyseur du peuple,  l'élément fédérateur  permanent du  peuple par excellence. C’est lui qui réunit  la nation dans ses moments difficiles. C'est lui qui fait battre dans les poitrines la flamme du patriotisme quand les forces divergentes exacerbent les tensions politiques et menacent l’intégrité nationale. A ces titres, celui qui crée un  hymne  pour son pays est un héros, un héros qui devrait être  mis sur un piédestal. Mais force est de constater que  l’abbé Gilbert Dagnon  n’a pas été mis sur un piédestal depuis 13 ans qu’il nous a quittés. Il a pourtant, outre sa qualité de créateur de l’hymne national, eu une envergure sociale élogieuse .

L’ envergure sociale

L’ abbé Dagnon né en 1926 et ordonné prêtre par Monseigneur Parisot le 10 juillet 1955  a fondé en 1972 l'institut des frères de Jésus ainsi que l'Institut des sœurs franciscaines des filles de Padre Pio en 1992. Il a été membre fondateur de l'association internationale des exorcistes dans les années 1990 . Il a reçu  à titre posthume le trophée Fierté et reconnaissance délivré par Mtn Bénin qui visait à récompenser le lauréat du concours de l’exécution  de l’hymne national en langue locale. Le dixième anniversaire de sa mort a été fêté avec faste à Cotonou. C’est signe que le Béninois moyen ne l’a pas oublié.

Une stature nationale

L’abbé Dagnon a été  élu député à l’Assemblée nationale révolutionnaire en 1979 et a représenté le clergé à la Conférence des forces vives de la nation de 1990. Il a été conseiller spirituel du Président Mathieu Kérékou. Il a été nommé  Commandeur de l'Ordre national du Bénin en 2002; puis grand officier en 2009. A titre posthume, il a été élevé  au grade de grand-croix en 2012.

L’homme de lettres

L’abbé a laissé à la postérité trois œuvres littéraires à savoir:  Libérer de la divination de la sorcellerie 1999, l'hymne national du Bénin l'histoire de la vérité en 2010,  Alléluia d'une vie  en 2012. Il nous aura  quittés la même année.

Notre requête  visant l’érection  d’un monument à l’effigie de l’abbé  Gilbert Dagnon se justifie principalement parce qu’il a composé la musique et écrit les paroles de  l’hymne  national, instrument d’unification de toute la nation béninoise , et accessoirement en raison de celui qu’il a été et de ce qu’il a réalisé  toute sa vie durant.

 Il est vrai que l’on pourrait objecter que  le cierge est déjà bien verni en termes de monuments et de rues baptisés au nom d'ecclésiastiques et qu’il n’y a pas lieu d’en rajouter. Une rue au quartier Jéricho à Cotonou baptisée rue Père Aupiais, une avenue dénommée Monseigneur Steinmez,  un boulevard baptisé Pape  François, tout un aéroport au nom du  Cardinal Bernardin Gantin, une effigie du même  cardinal érigée sur le Champ de foire à Cotonou et une autre à Allada.

Le raisonnement ne manque pas de pertinence si ce n’est que   les Béninois ne sont pas tous d’obédience catholique et que  l’hymne est national. Il n’a pas de connotation religieuse.  Au reste, il n’est pas bien nécessaire que l’effigie de l’abbé Dagnon trône à Cotonou, elle pourrait bien être érigée à Ouidah, sa ville natale tout comme, si l’on me permettait la  comparaison, celle de Rouget de l’Isle, compositeur de la Marseillaise à Lons - le Saunier, sa ville natale dans le département du Jura. Tout pays qui se veut, j'allais dire politiquement correct envers lui- même,  ne devrait au grand jamais omettre de bâtir un monument pour immortaliser la mémoire de celui qui fait tou jours et sans discontinuer son unité  et qui lui permet  de se retrouver à chaque fois qu'il est en difficultés, en faisant vibrer  la corde patriotique dans les poitrines. Ne pas y souscrire me paraît un manquement grave dans lequel sont tombées nos autorités politiques jusqu’alors. Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, nous  aimons à espérer  que celles qui nous dirigent actuellement ainsi que le maire de Ouidah voudront bien  prêter l’oreille à ce que nous proposons. Nous les saisirons officiellement en ce qui nous concerne. Et pourquoi le  maire de Ouidah ne pourrait-il  prendre l’initiative avec l’approbation et le soutien du gouvernement, lancer une souscription nationale pour collecter des fonds en vue de l’érection de ce monument. Si  vous jugez que ma requête est recevable, de grâce saisissez -en les autorités à votre tour. L'adage populaire ne dit-il pas que  l’union fait la force ?

Ambassadeur