Il précise sa position sur la naissance de la Rb, mais fait remarquer qu'il n'envisage pas la dissolution du Rap pour intégrer le parti du président, position notifiée à Soglo. Le Rap affirme en outre qu'il ne va pas se saborder au profit d'un autre parti.
Mais une scission intervient, animée par Roger Ahoyo, un des vice-présidents du Parti dont la principale région d'implantation est le plateau d'Abomey. L'appel de Soglo sommant ses partisans d'adhérer à son parti, la Renaissance du Bénin (Rb), a été l'argument principal évoqué par l'aile scissionniste.
On avait ainsi la confirmation que la naissance de ce parti était motivée par la volonté de certains cadres du plateau d'Abomey de se rassembler autour de leur frère de région !
Nous sommes au lendemain des élections législatives pendant lesquelles le Rap et son Président Mito-Baba ont été les cibles principales de la propagande de Soglo dans la région d'Abomey. Dans un communiqué daté du 29 juin 1995, une fraction du Rap rallie la Rb et met sur pied un Comité de suivi dirigé par Roger Ahoyo.
Il déclare en rendant compte d'une réunion du Comité Directeur du Parti :
« Du long débat qui a suivi ce compte-rendu, il ressort que la majorité des membres du Comité directeur présents à ces réunions a décidé de répondre favorablement à l'appel du président Soglo ». « Dans les documents officiellement consultés, ce communiqué date du 29 juin 1995, après une lettre du 23 juin 1995 annonçant la création d'un nouveau parti politique, l'Union des Forces démocratiques et signé par le même Roger Ahoyo. On en conclut que la réunion du Comité dont parle le communiqué est intervenue après la convocation d'un Congrès pour la création d'un nouveau parti qui, du reste, n'a eu aucune fortune que de se dissoudre dans la Rb »
J'ai parlé de surprise désagréable parce que c'est par hasard que j'ai été informé de la sortie du Tome III de mon ami Akindes contenant cette longue déclaration ; et cela grâce à un jeune frère Agoli-Agbo, alors étudiant ! Tandis que pour les Tome I et II, j'ai été dûment informé de la publication par l'auteur lui-même. Ai-je été victime d'un oubli cette fois-ci ; ou voulait-on me cacher une information ?
J'ai aussitôt envoyé à mon ami Akindes mon courrier du 23 juin 2005 annonçant la création de l'Ufd. Mon courrier annonçant la création de l'Ufd date du 23 juin 2005 et non du 23 juin 1995. Et j'ai prié Akindes de prévoir un rectificatif dans la prochaine édition du Tome III concernant la date de création de l'Ufd
Je crois avoir écrit à Akindes pour lui signaler l'erreur de date avant juin 2022, date de mon voyage en France pour faire un bilan de santé. Je ne me souviens pas de la date de ma lettre, mais je l'ai alerté au cours du 1er semestre 2022 !
Qu'il n'ait pas répondu pour m'accuser réception de cette lettre me fait penser que j'ai été victime de sa part d'un préjugé défavorable : Compte-tenu de mon engagement militant sur le plateau d'Abomey (création de la Jeunesse Filognon d'Abomey, puis de l'Association de Développement Videkon d'Abomey) mon ami Akindes m'a toujours soupçonné de régionalisme ! J'ai beau me défendre, arguant de l'Appel de l’Ugao, de la Feanf, de l’Ugeed et de l'Aed aux jeunes.
D'abord pour s'engager dans la lutte pour l'Indépendance.
Ensuite et surtout pour intégrer les masses populaires afin de créé, en leur sein, des Organisations de Jeunes. L'apparition des Orj et de la Ligne, inspirées par des Groupes marxistes, engage pleinement les jeunes pour la libération, puis le développement du Dahomey. Ce sont elles qui sont les actrices principales de la période " révolutionnaire".
J'ai beau rappeler que c'est en application du mot d'ordre de la régionalisation de la lutte par l'Ugfed en France qu'une fois rentré, je me suis engagé à fond dans le militantisme régional, les soupçons de mon ami Akindes l'ont poussé à m'accuser d'avoir créé le 23 juin 1995, un parti créé le 23 juin 2005, c'est-à-dire 8 ans plus tard !
Etourderie de sa part, ou volonté d'accuser ?
Il est vrai que le mot d'ordre de régionalisation de la lutte fut mal appliqué à cause de la dissolution des Organisations qui suivit le Congrès de la Jud. Cette dissolution, et la poursuite des nominations autoritaires des cadres, créèrent la confusion. On vit alors triompher les conceptions régionalistes, camouflées sous le vocable de régionalisation de la lutte !
Que s'est-il passé en réalité en 1995 ?
En avril 1995, il y a eu les législatives de 1995 qui ont vu l'échec du Rap, suivi de l'Appel de Goho du président Soglo pour rassembler son camp autour de la Rb.
L'analyse de l'échec du Rap a convaincu la majorité des membres du Comité directeur de répondre favorablement à l'Appel de Goho. D'où le communiqué du 29 juin 1995.
Nous avons donc participé au Congrès de la Rb le 26 août 1995 pour répondre à l'Appel de Goho*.
Mais cette participation a amené mon ami Akindes à penser, avec raison, que ce faisant, j'ai apporté un soutien régionaliste au Président Soglo.
En réalité, c'était de ma part un mouvement tactique pour encadrer les militants du Rap qui voulaient, nombreux, aller vers la Rb.
Heureusement, et comme il fallait s'y attendre, ils n'ont pas été bien accueillis dans leur nouveau parti.
C'est pourquoi, à mon retour de l'Unesco en 2003, et en vue de préparer l'élection présidentielle de 2006, j'ai décidé de créer un nouveau parti, l'Union des Forces Démocratiques (Ufd, par ma lettre du 23 juin 2005, ) pour soutenir le candidat Sehouéto, au sein d'une alliance, le Front des Forces du Progrès
A mon retour de Dakar, je n’ai pas décidé de retourner au Rap qui était pratiquement en léthargie. J’ai pensé à un projet plus ambitieux : Rassembler les forces politiques sur le plateau d’Abomey, en y incluant le Rap, pour limiter l’influence de Soglo.
Aucune lettre de moi ne date du 23 juin 1995, mais j'ai bien écrit la lettre du 23 juin 2005, huit ans plus tard, pour créer l'Ufd afin de participer à la présidentielle de 2006 ! Akindes a commis l'erreur de penser que j'ai écrit le 23 juin 1995 pour créer un parti afin de soutenir Soglo sur une base régionaliste. Il n'en est rien du tout. Il est vrai que frappé par la limite d'âge en 2006, M. N.D. Soglo ne pouvait plus être candidat ; donc même si je le voulais, je ne pouvais pas lui apporter mon soutien. Par contre le soutien à M. Lazare Sehoueto était dans la droite ligne de ma démarche politique depuis mon retour de Dakar. En effet, à mon retour de Dakar, j'ai entrepris de rassembler les forces politiques sur le Plateau d'Abomey dans le but déclaré d'y limiter l'influence de Soglo.
D'où les nombreuses rencontres organisées au Ceg II d'Abomey à Wankon ! Tous les partis politiques ayant une emprise à Abomey, y compris le Rap, étaient invités et avaient participé à ces rencontres, sauf la Rb.
Le résultat concret de ce grand rassemblement fut la désignation d'un candidat unique des forces politiques du Plateau d'Abomey pour la Présidentielle de 2006. D'où le choix de mon nouveau parti, l'Union des forces démocratiques (Ufd) pour Lazare Sehoueto !
Mais l'échec de Sehoueto et le manque de moyens financiers n'ont pas permis à l'Ufd de prospérer.
Non seulement l’Ufd n’a pas prospéré, mais le projet plus grand de réveiller le Rap en l’incluant dans un ensemble politique plus grand n’a pas été réellement entrepris.
J'ai toujours pensé que le régionalisme est une voie sans issue en politique : le Bénin est déjà trop petit pour un développement réussi !
- C’est pourquoi, tout au long du travail de mobilisation et de conscientisation pour créer les organisations régionales que sont Filognon, Vidékon, et l’Adrha, nous avons toujours mis l’accent sur la prédominance de l’intérêt national par rapport aux intérêts régionaux.
- Allons-nous suivre Soglo pour créer une République des Fons ? Au moment où se créent des Organisations Régionales pour favoriser le développement en Afrique, ce n'est vraiment pas le moment de créer des microrégions !
Dans mon allocution de bienvenue de président de Vidékon à l'ouverture du Congrès constitutif de l'Adrha, le 15 février 1992, je déclarais : "Cependant la défense de nos intérêts locaux ne doit jamais nous faire perdre de vue la défense des intérêts de la Nation.
Nos ethnies sont incontournables
C'est pourquoi nos militants sont également actifs dans les partis politiques dont ces intérêts sont le champ de compétence. Nous devons avoir la conviction chevillée au corps que sans la Nation, notre Région n'est rien, ne peut rien ; surtout que l'espace national lui-même, en dehors d'une intégration régionale, n'est assuré d'aucun développement harmonieux".
Nos ethnies sont incontournables comme cadres d'immersion pour mobiliser les populations.
Mais elles ne peuvent pas offrir les cadres appropriés pour créer des structures politiques.
C'est pourquoi, après une immersion dans les masses pour les regrouper en Organisations de Jeunes, nous avons réuni le Congrès de la Jud pour leur donner une direction politique.
Malheureusement la dissolution de la Jud et des Organisations des Jeunes et des travailleurs le 18 avril 1974, est venue supprimer la direction politique du mouvement.
Les Cadres des Organisations, nommés de façon autoritaire à la tête des Administrations et des Sociétés, ont fini par constituer une petite bourgeoise qui dévia progressivement de la ligne anti-impérialiste de lutte. On note alors un repli sécuritaire des Responsables vers leurs Organisations de base.
La régionalisation de la lutte camoufla de moins en moins des prises de position régionalistes.
Treize ans plus tard, dans une lettre du 22 décembre 2005, que j'ai signé en tant que président du Front des Forces du Progrès, je déclarais, parlant du département du Zou : « C'est la marginalisation et l'arriération du département du Zou qui ont amené les Forces vives du département à initier et à ancrer dans un premier temps le regroupement dans le Zou Mais nous sommes parfaitement conscients que " autarcie ou le nombrilisme n'aide aucun groupe, aucune société, aucun pays".
C'est pourquoi nous lançons un appel à toutes les forces de progrès de notre pays pour bâtir avec elles un Grand front de lutte pour le développement »
C'est dire que j'ai toujours pensé en termes de regroupement des forces, de dépassement des intérêts locaux pour défendre les intérêts nationaux, autrement dit, en termes de regroupement des forces de progrès.
L'expérience de ce nous avons appelé les " partis uniques régionaux" et de la crise du Rap, nous ont amené à poser le problème de la difficulté de créer un vrai parti politique dans un contexte pluri-ethnique.
L'exemple des camarades Bruno Amoussou avec le Psd, et Adrien Houngbédji avec le Prd a démontré une vérité politique dans notre pays : Partis pour créer des partis politiques d'envergure nationale, les camarades Amoussou et Houngbédji se sont retrouvés, à leur corps défendant, à la tête de formations politiques à base fortement ethnique :
- Adja pour Amoussou
- Goun pour Houngbédji
D'où l'appellation de partis uniques régionaux, parce que ce genre de parti fait automatiquement du territoire occupé par l'ethnie, son fief.
Comment créer un parti politique d'envergure nationale sur un terrain pluri ethnique ? Il faut une organisation en deux temps - Primo : Mobiliser et organiser plusieurs ethnies sur la même base politique dans le cadre d'une régionalisation de la lutte
- Secundo : Regrouper ces différentes organisations en un ensemble ayant par conséquent la même orientation politique, c'est-à-dire un parti.
Pour réussir cet exercice, il faut au départ une volonté politique forte pour transcender les limites de nos ethnies.
Le cheminement proposé ressemble à celui suivi par les organisations de jeunes de notre pays qui sont allées en Congrès en Janvier 1974 pour créer la Jeunesse Unie Antiimpérialiste du Dahomey, la Jud
Le travail d'organisation et de mobilisation est facilité dans le cadre ethnique par l'unité culturelle de l'ethnie
Après, il faut une forte orientation politique pour dépasser les limites de l'ethnie pour aspirer à un ensemble national cohérent.
Roger AHOYO, Ancien ministre