La Nation Bénin...

La Rupture: Gouvernement et nécessité de l’attelage Nouveau départ-Nouvelle conscience -soutien populaire

Politique
Par   Collaboration extérieure, le 27 avr. 2016 à 08h12

Maintenant que les enthousiasmes électoraux se sont estompés et que nous nous retrouvons face aux réalités socio-économiques de tous les jours, peut-être devrions-nous prendre le temps de la réflexion pour considérer dans la Rupture qui a porté au pouvoir, Monsieur Talon, autre chose qu’un cri de dépit et d’espérance, tout à la fois. Révolution, Changement, Refondation ont fait leur temps et ont chanté leur requiem. Pourquoi et comment Rupture serait-elle le bon avènement, peut-elle prendre un Nouveau départ sans une Nouvelle conscience et quelle place devra-t-elle accorder au soutien populaire dans l’accomplissement des réformes qu’elle nous a promises ?

Rupture ! En fait, le terme bien compris et débarrassé de l’effet galvanisant des foules qu’il induit, à la manière d’un slogan, sous- entend et implique une démarche intellectuelle à double sens : la rétrospective et la prospective. On rompt avec un passé que l’on a bien connu et on prend un nouvel envol en se fondant sur une nouvelle base constituée d’expériences acquises. Le tout animé par un pouvoir politique volontariste, déterminé à en découdre avec les maux qui ont établi l’injustice dans notre pays et ceux qui, en raison de la mal gouvernance, n’ont pas permis une amélioration significative du bien-être du citoyen. Mais les conditions pour une rupture effective et condamnée à réussir sont-elles réunies avec le gouvernement qu’a mis en place, le président de la République ? C’est la toute première question qu’il convient de se poser.

La condition fondamentale pour la réussite de la Rupture

Celui que nous avons placé à la tête de l’Etat n’avait pas, sauf déficit d’information de notre part, un cursus politique préalable, il est vrai. Il n’a jamais été ni député, ni chef de parti, ni maire, ni ministre ; il n’a jamais occupé un poste politique à quelque titre que ce soit : il n’était donc pas dans l’arène politique. Nonobstant cela, il était, à sa manière, omniprésent depuis l’antichambre et connaissait ainsi parfaitement la chose publique et ses rouages avec l’avantage d’en être détaché en ne participant pas directement à sa gestion. Un chef d’Etat n’a pas besoin de plus si ce n’est de l’autorité et de la détermination à bien faire ce que le peuple attend de lui et, aussi, de son habileté à faire appel à des hommes qui conviennent pour l’assister dans sa fonction. Homme d’affaires de son état qu’en était-il de sa disponibilité à prendre les rênes de l’Etat et à gérer les affaires publiques ?
Déjà en campagne électorale, puis solennellement à l’occasion de la cérémonie d’investiture, Monsieur Talon proclamait qu’il ne voulait du pouvoir que pour un mandat unique de cinq ans. Pourquoi cela, alors que la Constitution prévoit un renouvellement du mandat présidentiel ; pourquoi ne pouvait-il pas attendre le terme de son premier mandat pour annoncer sa décision de ne pas en briguer un second ? La chose a paru si insolite qu’il convient de s’essayer à la décrypter. Etait-ce, tout bonnement, pour ne pas faire comme tout le monde et étonner le monde par souci d’effet d’annonce; était-ce pour signifier qu’il ne convoitait pas le pouvoir pour s’y accrocher ; était-ce pour nous convaincre qu’il y allait comme à un apostolat pour redresser une situation de mauvaise gouvernance et s’en retourner à ses affaires avec le sentiment d’une mission bien accomplie, ou était- ce pour répondre à ceux qui, se fondant sur l’incompatibilité des deux fonctions en raison notamment des conflits d’intérêt qui pourraient surgir de cette situation, stigmatisaient le fait d’être un homme d’affaires de si grande surface financière et de prétendre, de manière cumulative, aux fonctions de chef d’Etat : ou alors a-t-il des raisons intimes que nous ne pouvons appréhender ?Tout compte fait, lui seul a la bonne réponse et cela n’a strictement aucune importance. L’essentiel, c’est qu’il nous ait assuré qu’il renonçait à son statut d’homme d’affaires pendant les cinq années de sa mandature. Nous sommes donc rassurés d’avoir un président de la République, qui bien qu’homme d’affaires émérite de son état, n’aura de cesse de se consacrer à plein temps, à la gestion des affaires publiques, les cinq années durant, que le peuple l’a placé à la tête de l’Etat. Mais qu’en est-il de ses collaborateurs directs ?

Les ministres

Le chef de l’Etat nous avait annoncé que ses choix, dans la constitution de son équipe gouvernementale, seront essentiellement guidés par la compétence. Nous avions compris alors, compétence technique. Mais il s’est avéré, dans la suite des événements, qu’il fallait considérer le substantif dans son acception la plus large.
-D’abord la compétence technique intégrale. Ce serait celle que détiennent ceux qui auront déjà exercé les mêmes fonctions ou des fonctions qui se rapprochent de celles que le chef de l’Etat leur a confiées. Dans ce cadre et joignant le geste à la parole, il a placé à ses côtés, deux personnalités rompues à la gestion des affaires publiques en les personnes de Bio Tchané et de Pascal Irénée Koupaki à qui il a conféré, à tous les deux, le titre de ministre d’Etat. Leur point commun est qu’ils ont, entre autres, l’expérience requise en matière de gestion des finances publiques.
Le président de la République a confié, à juste titre, un rôle de Développeur en chef à Abdoulaye Bio Tchané en le nommant ministre d’Etat chargé du Plan et du Développement. Outre sa compétence technique, l’intéressé a une expérience politique bien établie avec une représentation de son parti politique à l’Assemblée nationale. Du reste, nous reconnaissons en lui la persévérance pour avoir brigué la fonction de Magistrat suprême à plusieurs reprises ; et il nous donne la bonne impression d’être un rassembleur des peuples. Nous convenons que ce n’est pas sans raison que d’aucuns voient en lui la garantie de l’unité nationale.
Pascal Irénée Koupaki a l’avantage d’avoir participé à l’exercice effectif du pouvoir dans le régime antérieur à plusieurs postes ministériels dont celui de la primature avant de s’en démarquer. Il a également une certaine expérience du leadership partisan. Nous pouvons, alors, estimer raisonnablement que c’est en sa qualité de technocrate, dans le sens noble du terme, ayant eu une vue d’ensemble sur tous les départements ministériels sous l’ancien régime et aussi en raison de sa droiture, de son honnêteté et des valeurs politiques qu’il prône, que le chef de l’Etat lui a confié le poste de secrétaire général de la présidence de la République. Il est, en fait, la caution morale du gouvernement. Nous aimons à espérer qu’outre son rôle de coordonnateur des actions gouvernementales, il jouera celui de filtre pour toutes les grandes décisions que prendra le chef de l’Etat afin que nous ne retombions jamais plus dans les errements d’un passé récent. Nous devrions avoir souvenance du fait que, naguère, l’on pouvait tout mettre en œuvre pour convaincre le peuple qu’une décision prise était la meilleure au monde, puis revenir, sans état d’âme ni gêne, lui dire, quelque temps plus tard, qu’elle était la pire que le monde ait jamais connu et que, de manière discursive, il fallait la combattre par tous les moyens. Nous ne pensons pas seulement, en ce moment où c’est Monsieur Talon qui détient les rênes du pouvoir, à l’évènement qui pourrait venir à l’esprit du lecteur, car il y en a bien d’autres quand bien même de moindre importance.
Le citoyen lambda, pense, à tort ou à raison, que la réussite de la Rupture et partant, celle du chef de l’Etat, réside entre les mains des deux ministres d’Etat.
En dehors de la compétence technique intégrale, l’on peut distinguer les ministres qui ont servi sous d’anciens régimes et qui, à ce titre, ont une certaine expérience de la gestion des affaires publiques sans toutefois égaler celle des ministres d’Etat. Nous pensons que c’est leur faire un mauvais procès que leur reprocher systématiquement d’avoir participé à des gouvernements antérieurs. Nous estimons, en effet et au contraire, que cette situation leur aura permis d’avoir une connaissance de la gestion de la chose publique qui peut toujours servir. L’essentiel, c’est qu’ils s’adaptent et qu’ils se mettent en mesure d’entrer dans la logique de la Rupture et d’en appliquer les principes et les méthodes. Si tel n’était pas le cas, point ne sera besoin d’attendre la mi-parcours pour que le chef de l’Etat les remercie, autrement ils discréditeront le gouvernement et ébranleront les espoirs du peuple de même que son soutien au chef de l’Etat.
Au reste, comme dans tout gouvernement et sous tous les cieux, le chef de l’Etat a nommé des ministres, pour raison de récompense. Mais alors, ceux qui sont bénéficiaires d’une telle situation devraient avoir la sagesse de s’entourer de bons techniciens et non pas d’amis. Le président de la République s’est donné pas plus que cinq ans pour redresser la situation du pays ; il ne devrait laisser aucun boulet se mettre en travers de ses plans.

Le nécessaire attelage Nouveau départ-Nouvelle conscience

C’est lapalissade que l’on ne peut pas prendre un nouvel envol sans une nouvelle appréciation des situations, sans une Nouvelle conscience des choses. Il se fait que Pascal Irénée Koupaki travaillait depuis plus de deux ans à l’émergence de cette Nouvelle conscience, en tant qu’idéologie et méthode de travail, alors même que Patrice Talon n’avait pas encore fait connaitre ses intentions de briguer la présidence de la République. Mais c’est à lui que revient le mérite d’avoir lancé le terme Rupture comme voie d’accès direct à la Magistrature suprême ; et Pascal Irénée Koupaki n’a eu aucun mal à le rejoindre dans le cadre de la coalition pour la Rupture ainsi qu’il l’a déclaré publiquement au cours du meeting afférent à sa déclaration de candidature.
Après les résultats des élections qui ont porté Patrice Talon au sommet de l’Etat, l’attelage s’imposait car le nouveau chef de l’Etat ne pouvait pas entreprendre les réformes qu’il visait sans avoir recours à des valeurs et à des principes de gestion bien déterminés. Et ces notions sont actuellement promues par l’idéologie Nouvelle conscience que prône Pascal Irénée Koupaki .

Le nécessaire attelage Rupture-soutien permanent du peuple

L’on ne peut faire d’omelettes sans casser des œufs
De toute évidence, et si nous en jugeons aux multiples décrets portant ‘’suppression ‘’d’avantages et pour cause, pris à l’occasion du premier Conseil des ministres de la nouvelle gouvernance, le ton est donné. La rupture ne sera pas une partie de plaisir car il va falloir toucher à des intérêts ; elle engendrera des grincements de dents et des réactions vives. Les bénéficiaires des primes qui vont les perdre au nom de l’équité, de la justice et de l’intérêt national pourtant, ne l’entendront pas de cette oreille ; et, honnêtement, l’on ne les comprendra que trop bien. L’on pourrait parier qu’ils se battront jusqu’à leurs dernières limites, invoquant le principe des droits acquis autant que celui de la continuité de l’Etat ; saisissant les tribunaux et les meilleurs avocats de la place pour sauvegarder leurs intérêts. Les syndicats professionnels et les centrales syndicales s’en mêleront. Et tous ceux-là qui, tapis dans l’ombre n’attendaient que l’occasion leur soit offerte pour déstabiliser le régime Talon dès ses débuts, auront la part belle. L’engrenage en perspective, qui finira par créer une tension sociale et distraire, de manière discursive, le chef de l’Etat de l’accomplissement de ses œuvres.

Le must du soutien populaire

Pour entreprendre des réformes aussi hardies que celles que nous a annoncées le président Talon, il convient, à notre sens, de veiller à bénéficier du soutien du peuple en tout temps ; la mise sur pied d’une véritable stratégie pour y parvenir nous parait, ainsi, la condition sine qua non de la réussite de la politique de rupture. Si cela ne se faisait pas, il est à craindre que nous nous en mordions les doigts. Nous estimons, alors, que cette situation prévisible devrait être désamorcée dès à présent et par anticipation. En effet, il nous parait bien risqué d’attendre d’en finir avec l’état des lieux, les résultats de tous les travaux de vérification en cours et ainsi que ceux des audits ordonnés, avant d’expliquer au peuple, dans une seule démarche globale et synthétique, le bien-fondé de l’ensemble des décisions qui auront été prises. Cette attitude est, certainement, la plus méthodique, la plus sage, la plus cartésienne aussi. Mais le peuple ne fait pas nécessairement preuve de ces qualités en tout temps surtout si des intérêts personnels sont en jeu, d’où la nécessité de trouver un moyen intermédiaire pour l’intéresser à ce que fait le gouvernement de la Rupture et pourquoi il le fait. Lui, et toutes les institutions qui défendent ses intérêts, notamment, les syndicats.
Nous ne souhaitons pas que l’on en vienne à reprocher au régime, une absence de réalisme dans ce qu’il entreprend, mais que l’on nous entende bien. Les décisions du premier Conseil de ministres nous paraissent avoir été prises de fort bonne manière, c’est-à-dire sans tapage préalable susceptible d’ouvrir la voie aux pressions et aux menaces de toutes sortes. De fort bonne manière mais aussi de fort bonne opportunité. Mais, à présent que le plus dur est fait, nous continuons de penser que les services compétents de la présidence de la République gagneraient à considérer l’urgence qu’il y a à commencer à expliquer au peuple, d’ores et déjà , le bien-fondé de la suspension de ces décrets non pas encore dans les détails, mais en évoquant et en se fondant sur des principes susceptibles d’apaiser, déjà, les inquiétudes et les doutes du peuple : ce serait le moyen intermédiaire car, en fait, notre peuple est atypique.

Un peuple effectivement atypique

Des deux mains il vous applaudit à un moment donné ; des deux revers de mains il vous congédie sans état d’âme, le cas échéant. Le cas échéant en l’occurrence, c’est précisément quand des intérêts personnels sont touchés affectant des familles entières et leurs dépendants et que l’on n’en explique pas les raisons afin de mettre la population en mesure de soutenir les décisions du gouvernement car le Béninois est réfractaire à tout ce qui peut lui paraitre victimisation ; et ce n’est pas le chef de l’Etat qui nous dira qu’il n’en sait rien. Si le gouvernement laissait ce sentiment le gagner, alors nous commencerons à entendre des propos qui iront dans le sens du retournement de la situation contre le pouvoir en place qui n’a vraiment pas besoin de cela, déjà en ce moment ; et pendant ces cinq années où tout devrait concourir à ce que ne s’instaure aucune occasion de mésintelligence entre le chef de l’Etat et le peuple. Il y va du sort de la Rupture.
Je ne voudrais pas être oiseau de mauvais augures ; ma préoccupation, c’est de prévenir, depuis la terre ferme, les mauvais augures afin que le chef de l’Etat et son équipe aient toute latitude de mettre notre pays sur de nouveaux rails avec les bons écartements?
Par Candide Ahouansou

*Ambassadeur