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Afrique de l’Ouest: L’insécurité et l’instabilité politique freinent le développement

Société
Gilles Yabi appelle à un renforcement institutionnel urgent, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la  gouvernance locale Gilles Yabi appelle à un renforcement institutionnel urgent, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la gouvernance locale

Le développement économique en Afrique de l’Ouest ne pourra être partagé que si la stabilité politique et la sécurité sont rétablies, estime Gilles Yabi, fondateur du think tank Wathi. Selon lui, l’avenir de la région dépend de la capacité des dirigeants et des populations à réinventer un modèle de gouvernance fondé sur des institutions solides et des valeurs comme l’équité et la justice sociale.

 

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 27 sept. 2024 à 08h05 Durée 2 min.
#insécurité

Les conflits armés, les coups d’Etat et la faiblesse des institutions menacent non seulement la stabilité des États, mais aussi la possibilité d’un développement économique équitable en Afrique de l’Ouest. C’est du moins l’avis de Gilles Yabi, fondateur et président-directeur général de Wathi, un think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest, et chercheur non résident pour le programme Afrique du Carnegie Endowment for International Peace. Dans une opinion intitulée « Le Sahel : un enchevêtrement de difficultés », publiée sur le site du Fonds monétaire international (Fmi), il souligne que la faiblesse des institutions et l’instabilité politique compromettent non seulement les efforts de développement économique, mais amplifient également les inégalités.

Depuis plus d’une décennie, l’Afrique de l’Ouest, en particulier le Sahel, est prise dans une spirale d’insécurité et d’instabilité politique. Des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont vu leur situation sécuritaire se dégrader à cause de l'influence croissante de groupes armés non étatiques, notamment terroristes, qui sévissent aussi dans les Etats voisins. Selon l’Indice mondial du terrorisme de 2024, ces trois pays figurent parmi les dix plus touchés par le terrorisme dans le monde.

Ces pays ont également été secoués par des coups d’Etat récents (entre 2020 et 2023), reflétant une instabilité politique croissante qui a des conséquences désastreuses sur le plan économique et social. La fermeture d’écoles, la fuite des populations et la désintégration des services publics affaiblissent le capital humain, créant une génération de jeunes sans éducation ni perspectives d’avenir, susceptibles de sombrer dans la criminalité ou de rejoindre les groupes armés, analyse M. Yabi.

Héritage colonial et institutions fragiles

Cette instabilité politique et économique trouve en partie ses racines dans l’héritage colonial. Les frontières actuelles et les institutions des pays sahéliens, notamment celles du Mali, du Burkina Faso et du Niger, sont le résultat de processus historiques marqués par la domination coloniale française. Ces pays, encore jeunes Etats indépendants, possèdent des institutions souvent perçues comme inefficaces ou corrompues par une partie de la population.

De plus, la crise économique des années 1980 et les ajustements structurels imposés par les institutions financières internationales ont contribué à affaiblir davantage les États de la région. Les ressources publiques, déjà limitées, ont été mal gérées, et les tentatives de démocratisation ont souvent échoué à instaurer une gouvernance véritablement inclusive et transparente.

La mauvaise gouvernance reste un cercle vicieux dans de nombreux pays. Dans plusieurs États d'Afrique de l’Ouest, la politique est souvent dominée par des réseaux d'intérêts économiques et politiques qui capturent les ressources de l’État pour leurs propres bénéfices. Comme le décrit l’anthropologue franco-nigérien Jean-Pierre Olivier de Sardan dans son analyse sur le Niger, le système politique est pris au piège de ce qu’il appelle des « prisons du pouvoir». Ces prisons, formées par les élites économiques, les courtisans politiques, les bureaucrates et les experts internationaux, verrouillent l’accès à un développement économique partagé.

Les gouvernements successifs se retrouvent ainsi dans une dynamique où ils doivent satisfaire les exigences des groupes d’intérêts qui les ont portés au pouvoir, au détriment d’un développement national inclusif, selon Gilles Yabi. Il dénonce la corruption devenue endémique et les politiques publiques inefficaces. Cette situation est aggravée par une dépendance excessive aux institutions internationales qui, bien que souvent animées de bonnes intentions, contribuent parfois à renforcer des structures de pouvoir dysfonctionnelles.

Solutions pour l’avenir

Face à ces défis, les solutions doivent s’inscrire dans une stratégie à long terme. Pour Gilles Yabi, il est essentiel de renforcer les institutions de gouvernance, en mettant l’accent sur l’intégrité, l’efficacité et la transparence. La lutte contre la corruption, un contrôle accru de l’utilisation des ressources publiques et l’institutionnalisation de la participation citoyenne sont des mesures indispensables. «Pour restreindre la captation de l’Etat par les quelques groupes qui abusent de leur proximité avec les détenteurs du pouvoir politique, il faut renforcer les institutions en privilégiant l’efficacité et l’intégrité», soutient-il.

Gilles Yabi insiste sur l’adoption d’une démarche institutionnelle visant à réduire les inégalités géographiques au sein des pays en suivant les progrès réalisés en matière de prestation de services publics. La pérennité de la croissance observée dans certains pays de la sous-région, malgré les crises, dépend du maintien de la sécurité sur leurs territoires et de la perception du risque, qui est affectée par la situation au Sahel.

Par ailleurs, un investissement massif dans l’éducation et la formation professionnelle est crucial pour offrir aux jeunes des perspectives d’avenir, tout en soutenant des secteurs économiques locaux comme l’agriculture et l’élevage. Ce n’est qu’en investissant dans le capital humain que les pays d’Afrique de l’Ouest pourront construire une économie plus résiliente, durable et inclusive, conclut Gilles Yabi. Il est également crucial que la communauté internationale, et les institutions financières, adaptent leurs interventions au contexte local en prenant en compte les spécificités de chaque pays¦