La Nation Bénin...

Des experts culturels des pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sont en concertation à Cotonou pour trois jours, depuis le lundi 10 décembre. Au terme de leurs travaux, ils sont censés faire des propositions en vue de la validation d’un document de politique culturelle régionale.
La réunion des experts culturels des pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est d’une importance capitale pour doter cet espace régional d’une stratégie qui permet de hisser la culture au rang de meilleur contributeur au Produit intérieur brut (Pib) des pays et donc porteur de développement. « Nous avons expérimenté les autres secteurs que nous partageons avec tous les pays du monde, mais malgré cela, la pauvreté qui est notre mal profond ne recule pas. Il nous faut trouver les moyens de diversification de nos économies, trouver d’autres sources de revenus afin de lutter contre la pauvreté ». Par cette déclaration, Ernest Guillaume Sossou, directeur de cabinet du ministre en charge de la Culture, représentant le ministre à l’ouverture des travaux, rappelle aux experts, tout l’espoir fondé en leurs travaux par les pays. « Ce en quoi nous avons un avantage comparatif, c’est notre culture. Nous devons donc faire en sorte que l’offre culturelle de nos pays puisse avoir cette compétitivité souhaitée sur le marché mondial», souligne-t-il. Il met aussi en lumière l’attachement du Bénin à la valorisation de la culture puis à son exportation pour assurer la diversification de nos sources de revenus. Au terme de cette réunion, il nourrit l’espoir de voir les experts mettre en route la politique culturelle de la région à travers des réflexions en adéquation avec les attentes. « Que vous puissiez porter un regard profond sur les différents documents afin qu’à terme, nous ayons une proposition de politique qui prend en compte les différentes stratégies que chaque pays met en œuvre actuellement», espère-t-il par ailleurs. Aussi, apprécie-t-il la synergie que cultivent la Cédeao et l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) «pour que notre région devienne une région des peuples et non des Etats ».
Komlan Agbo, représentant résident de la Commission de l’Uemoa au Bénin est aussi d’avis. La collaboration entre les deux institutions à travers le secrétariat technique conjoint est appréciée par lui comme un engagement et une foi en l’intégration régionale. Pour lui, la commission de la Cedeao accorde une importance majeure au sujet à l’ordre du jour de cette réunion. « L’examen et la validation d’un document de politique culturelle régionale revêt un triple intérêt, économique, politique et social », souligne-t-il. Sous l’angle politique, il note que « l’ambition est de faire adopter par les Etats membres, une vision commune du rôle que peut jouer notre riche culture dans un processus d’intégration régionale davantage centrée sur les hommes ». L’adoption de cette politique culturelle régionale devrait indubitablement ouvrir la voie au lancement d’initiatives importantes dans le domaine de la culture, projette-t-il.
Cerner les enjeux
Avec regret, il fait observer que le second enjeu, économique, n’est pas toujours bien perçu. Et pourtant, « il est prouvé que la culture demeure l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie mondiale ». En 2013, illustre-t-il, « les secteurs culturel et créatif dans le monde ont généré 2250 milliards de dollars de revenus et employé 29,5 millions de personnes. L’Afrique et le Moyen-Orient voient les revenus de ces secteurs s’établir à 58 milliards de dollars, soit 3% du total et générer 2,4 millions d’emplois représentant 8% du total des emplois ». Malheureusement, relève Komlan Agbo, cet important potentiel reste freiné par de nombreux obstacles. Il cite en exemple l’insuffisance de sa prise en compte effective dans les politiques nationales de développement, la méconnaissance de sa contribution aux économies nationales, la faible compétitivité des productions culturelles et artistiques sur le marché mondial des biens, services et produits culturels, l’environnement des affaires peu propice à l’essor d’une véritable économie de la culture, l’inadéquation et l’insuffisance des cadres réglementaires et fiscaux existants.
Le troisième enjeu, celui social, fait la synthèse des deux premiers, explique-t-il. « Il s’agit de la reconnaissance, de la consolidation et de la valorisation des valeurs endogènes qui ont cimenté les relations multisectorielles qu’entretiennent les populations, bien avant la mise en place des organisations régionales ». De l’avis du représentant de la Commission de l’Uemoa, « le dialogue intra et interculturel est la condition essentielle pour partager et promouvoir ce qui nous réunit et nous unit ». Il insiste aussi sur le fait que « tout modèle de développement qui ferait abstraction des référents culturels de notre héritage culturel serait voué à l’échec ». Après autant d’explications, il invite les experts à poser au cours de leurs travaux, les vraies questions sur la part que doivent prendre les acteurs culturels dans les efforts pour le développement de notre espace et du continent. Pour sa part, le professeur Leopoldo Amado, commissaire Education, Science et Culture de la Cedeao apprécie les efforts du Bénin qui s’illustre comme exemple en prenant le leadership pour le retour des biens culturels dans leur environnement d’origine. La rencontre se tient à un moment crucial et de grand enjeu, mais aussi à une période où le rôle de la culture pour le développement se précise davantage. La contribution de la culture et de l’industrie culturelle ne cesse de s’accroitre dans les autres pays, et l’Afrique, notamment les pays de la Cedeao devraient s’y aligner, propose-t-il aux experts.