La Nation Bénin...
Le sieur Kolézan Sabi Aboudou, 48 ans, célibataire avec quatre enfants, a été jugé coupable d’assassinat et condamné à 15 ans de réclusion criminelle, vendredi 10 juillet dernier, par la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou. C’est la 9e affaire inscrite au rôle de la première session ordinaire de ladite Cour au titre de l’année 2015.
Amour, quand tu nous tiens ! Econduit par une femme qui lui avait pourtant promis le mariage, il cherche à comprendre les mobiles de son revirement brusque. Un malentendu naît et les deux ex-amoureux en viennent à s’agripper. Une paire de gifles administrée, et la femme tomba raide, à en croire l’homme qui sera accusé d’assassinat. C’est donc pour ce chef d’accusation que le nommé Kolézan Sabi Aboudou a été renvoyé devant la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou pour être jugé conformément à la loi. Au terme de l’audience, Kolézan Sabi Aboudou, est reconnu coupable et condamné à 15 ans de réclusion criminelle.
La Cour qui a connu du dossier est présidée par Saturnin D. Afaton assisté de Malick Nourou Dine Bakary et de Karimi Laziwolé Adéoti ; les jurés ont noms : Kénou Troukassa Orou, François K. Gbaguidi, Mêmounatou Bio Tchané et Clarisse Mandopa P. Dogo. L’avocat général à l’audience s’appelle Bernardin Hounyovi. Le greffe est assuré par Me Brice F. M. Dossou-Yovo. Me Safiatou Bassabi Issifou est le conseil de l’accusé.
Retour sur les faits
Courant mai 2002, la nommée Kila Démon Guerra a quitté Kida-Kpérou (commune de Kalalé) où elle est mariée, pour se rendre à Morou, son village natal (Sokotindji, commune de Ségbana). Au cours de son séjour, elle fit la connaissance du nommé Kolézan Sabi Aboudou. Leurs relations amoureuses se sont intensifiées au point où les deux en sont arrivés à concocter un projet de mariage. Kila devrait se rendre à Kalalé pour ramasser ses affaires et emménager avec Kolézan. Mais une fois au domicile conjugal à Kida-Kpérou, la dame passera plus de temps que convenu avec son amant. Pis, de retour à Morou où l’attendait son amoureux, elle changea d’avis et fit savoir qu’elle ne l’aimait point et que leur projet de mariage ne pourrait plus prospérer. Blessé dans son orgueil par ce revirement, l’homme se résout à proférer des menaces à l’encontre de celle qui refuse de vivre avec lui et ce, après quelques actions de séduction et de bons offices sans succès.
Dans la matinée du 11 novembre 2002, Kolézan rejoint Kila dans le champ de coton de cette dernière. Celle-ci était occupée à la récolte. Une discussion engagée entre les deux a tourné au vinaigre. Mort s’en est suivie : le corps en état de putréfaction avancée de Kila sera retrouvé dans un trou de termitière à 100 mètres environ du champ cinq jours plus tard, soit le 16 novembre. Kolézan Sabi Aboudou sera interpellé puis écroué le 28 novembre 2002, soit près de 13 ans de détention aujourd’hui.
Hier à la barre comme à toutes les étapes de la procédure, Kolézan Sabi Aboudou a reconnu les faits mis à sa charge. « Je me suis rendu dans le champ pour m’enquérir de la raison de son changement d’avis au sujet de notre projet de mariage. Elle m’a répondu que je l’embête. Puis, elle a voulu me saisir par le cou et j’ai esquivé. Je me suis rappelé de toutes les souffrances que j’endure dans cette affaire. Enervé, je lui ai donné une paire de gifles et elle s’est écroulée. Je l’ai prise dans mes bras et j’ai constaté quelques minutes après qu’elle ne vivait plus...Je l’ai tiré sur une certaine distance pour la déposer dans un trou mitoyen à une termitière», raconte l’accusé acculé de questions. Dans sa version des faits, il réfute l’intention criminelle et confie qu’il ne voulait que «corriger» cette femme à qui il affirme avoir donné 2000 F CFA pour lui témoigner son affection, puis 5000 F CFA pour aller chercher ses effets, et plus tard 35 000 F CFA pour s’acheter des choses, en dehors des libéralités en direction de sa mère à travers des dons d’ignames. «Je regrette vraiment mon acte et je ne souhaite pas que cela arrive à personne, même pas à mon ennemi », laisse entendre Kolézan Sabi Aboudou pris de remords.
Il dit avoir été troublé après son acte, raison pour laquelle il n’a alerté personne, et que l’idée de se suicider lui serait même passée par la tête. Selon des personnes interrogées à l’enquête préliminaire, Kolézan s’est confié à un charlatan dans un village voisin pour avoir un remède afin de chasser l’esprit hantant d’une femme qu’il dit avoir tuée. Aucun témoin n’était présent hier à l’audience.
L’enquête de moralité n’est guère favorable à l’accusé. Le sieur Kolézan Sabi Aboudou serait de moralité douteuse ; il fréquenterait des jeunes accros de chanvre indien et serait souvent en état d’ébriété. Toutefois, le bulletin n°1 de son casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation antérieure.
L’infraction d’assassinat retenue
Pour Bernardin Hounyovi, représentant le ministère public, l’accusé Kolézan Sabi Aboudou a bel et bien commis un acte d’assassinat et doit être puni conformément aux dispositions des articles 296 à 298 et 302 du Code pénal. Ne souffrant d’aucune anomalie mentale ou psychologique et donc lucide au moment de l’action aux termes du rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique, il est accessible à la sanction pénale, conclut l’avocat général.
Coupable, il sera condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour la répression que mérite son acte, requiert le jeune magistrat.
Me Safiatou Bassabi Issifou défendant les intérêts de l’accusé, plaide une disqualification des faits d’assassinat et penche plutôt pour un meurtre parce que, selon elle, son client « n’a rien prémédité ». La défense estime que c’est l’amour qui a mal tourné et a conduit à cette situation déplorable qui a causé mort d’homme. Sur ce, l’avocat demande la clémence de la Cour pour que son client retrouve enfin sa famille après près de 13 ans déjà passé en tôle. En vain !
Sa plaidoirie n’aura modifié outre mesure la conviction des membres de la Cour puisqu’au délibéré, et statuant publiquement en matière criminelle non seulement elle retient le chef d’accusation d’assassinat, mais surtout corse la sanction suggérée par l’avocat général en portant la peine à 15 ans de réclusion criminelle. Ainsi, le quinquagénaire aux cheveux tout grisonnants, Kolézan Sabi Aboudou, passera encore deux ans et quatre mois avant de recouvrer sa liberté.