La Nation Bénin...
Maryse Assogbadjo et Fortuné Sossa, deux journalistes d’investigation béninois ont enquêté sur les problématiques liées aux enfants hors de l’école et à la nutrition des enfants vulnérables. Leurs travaux présentés à la presse, mercredi 8 octobre dernier à Cotonou, relèvent des incongruités qui interpellent les autorités à divers niveaux. Les deux professionnels des médias ont été sélectionnés par Unicef et Social Watch dans le cadre d'un avis à manifestation ayant abouti à des investigations journalistiques.
L’enquête réalisée par Maryse Assogbadjo, journaliste au quotidien La Nation, sur la situation des « enfants hors de l’école », comporte plusieurs volets. Le premier est intitulé « Education pour tous : les enfants hors de l'école, des marginalisés des Plans de développement communal ».
L’investigation
réalisée à Kandi et Parakou a été motivée, selon la journaliste, par une prise
de conscience profonde d'une réalité souvent ignorée à savoir qu’il existe un
grand nombre d'enfants laissés pour compte dans le système éducatif béninois et
en particulier dans les deux communes enquêtées.
La
production de Maryse
Assogbadjo
fait un focus sur la situation alarmante des enfants non-scolarisés ou
déscolarisés dans les communes de Parakou et Kandi, puis souligne
l'insuffisance des actions dans les Pdc en faveur de ces âmes innocentes.
«
En mettant en lumière les causes profondes : pauvreté, normes sociales,
décentralisation inachevée, manque de volonté politique et les conséquences à
long terme, l'article cherche à interpeller les décideurs, les collectivités
locales et sensibiliser l'opinion publique. L'objectif n'est donc pas seulement
d'informer, mais aussi de susciter une réaction, provoquer un débat et surtout
encourager l'action en faveur d'un droit fondamental qui est l'accès à
l'éducation de qualité pour tous les enfants, sans distinction », a-t-elle souligné.
Elle fait cas des efforts d’alphabétisation, des leçons à tirer de la situation
et ne manque pas de formuler des recommandations aux acteurs impliqués.
« En conclusion, je dirais que l'exclusion scolaire n'est pas une fatalité. Elle reflète une mauvaise priorisation dans les politiques locales. Pour atteindre les objectifs de développement durable d'ici 2030, l'éducation des enfants hors système doit devenir une priorité nationale, locale et internationale », souligne la journaliste.
Scolarisation et éducation alternative
Le
deuxième volet du travail de Maryse Assogbadjo dissèque la question de la
mendicité et du terrorisme, deux obstacles à la scolarisation des enfants. Si
la journaliste a choisi d’enquêter sur la question, c’est bien parce qu’elle a
été particulièrement interpellée par une sorte d’institutionnalisation de la
mendicité au Nord Bénin, à travers le phénomène talibé et par l'absence de
réponses concrètes et coordonnées pour prévenir le basculement dans la
radicalisation dans cette zone fortement menacée par les entrepreneurs de
violences. « L'objectif de cet article est donc double. Il s'agit de donner la
parole à ces enfants oubliés, comme le jeune Abou que j'ai fait parler dans
l'article, pour rappeler qu'ils ont eux aussi le droit à une vie meilleure.
L’autre objectif est d'interpeller les autorités, les partenaires techniques et
les communautés locales sur l'urgence d’investir dans l'éducation, non pas
comme un luxe, mais comme un levier stratégique de paix, de cohésion sociale et
de développement », explique Maryse Assogbadjo.
Elle
souligne que les filles du Nord sont les plus affectées par la déscolarisation
et les pratiques patriarcales, malgré les efforts louables du gouvernement et
ses partenaires. A travers son article, la journaliste souhaite susciter une
prise de conscience collective afin que l'école soit plus ouverte aux couches
vulnérables qui ont aussi droit à un avenir meilleur. « En conclusion sur ce
volet, je dirai que la mendicité infantile et la déscolarisation en zone à
risque ne sont pas seulement des problèmes sociaux. Ce sont des menaces pour la
sécurité nationale. Investir dans l'éducation, c'est non seulement protéger les
enfants, mais aussi bâtir la paix, prévenir l'extrémisme et favoriser le
développement durable du pays », affirme-t-elle.
Maryse
Assogbadjo évoque un troisième volet de son travail, intitulé « Education
alternative: entre réalité et défi, une issue». Cet article évoque la situation
peu reluisante des millions d'enfants béninois exclus du système éducatif
classique et pour qui l'éducation alternative représente l'unique espoir de
réintégration et de réussite.
Elle assure que l'objectif de cet article est aussi double : valoriser les initiatives d'éducation alternative comme des réponses crédibles et efficaces à l'exclusion scolaire et alerter les décideurs sur la nécessité de pérenniser ces dispositifs. A l’instar des sujets suscités, cet article est un plaidoyer journalistique en faveur de chaque enfant pour le respect du droit à l’éducation. D’après elle, la production expose les initiatives d'éducation alternative, les impacts positifs mais aussi les défis à relever.
Nutrition
Le
journaliste d’investigation Fortuné Sossa a, quant à lui, travaillé sur la
nutrition des enfants vulnérables. L’enquête l’a conduit dans cinq communes des
départements du Zou et du Borgou. J’ai ciblé « les enfants dont les familles
sont extrêmement pauvres, les enfants qui n'arrivent pas à trouver à manger,
les enfants qui ont d'énormes difficultés parce que les parents n'ont pas les
moyens», explique l’intéressé. Pour ces travaux, Fortuné Sossa s’est tourné
vers plusieurs structures dont les services sociaux, le secteur de
l'enseignement maternel et primaire parce qu'il y a les cantines scolaires, les
services de la santé qui s'occupent des questions de malnutrition des enfants,
etc.
Le
constat général, selon lui, est que l'Etat fait des efforts, mais beaucoup
reste encore à faire en matière de nutrition des enfants et notamment des
enfants en situation de vulnérabilité. « Le nombre d'enfants qui végètent dans
la pauvreté, qui n'arrivent pas à trouver à manger parce que leurs parents n'en
ont pas; c'est énorme. On en rencontre dans les rues. Pendant mon enquête, j'en
ai rencontrés. Or, un enfant qui a faim ne peut pas suivre les cours à l'école
; un enfant qui a faim ne peut pas grandir correctement, il aura des problèmes
de croissance. C’est un problème qu’il faut forcément régler », insiste Fortuné
Sossa.
Pendant
les travaux de terrain, les deux journalistes ont fait face à des difficultés
qu’ils ont partagées avec l’assistance. Parmi ces blocages, figure celui liée
au défaut d’accès aux sources d’information.
Fortuné Sossa (à gauche) et Maryse Assogbadjo exposant les résultats de leurs investigations journalistiques