La Nation Bénin...
Auprès du directeur national de Sos villages d'enfants Bénin Salimane Issifou, la jeune Agnès Tempe Dogo a participé à la Journée de débat général sur la protection des enfants défenseurs des droits humains[/caption]"Protéger et soutenir les enfants en tant que défenseurs des droits humains". C'est le thème retenu pour la Journée de débat général 2018 du Comité des droits de l'enfant des Nations unies. Cheville ouvrière dans la lutte pour le respect des droits de l'enfant au Bénin, Sos villages d'enfants Bénin a pris part à ces assises biennales qui ont eu lieu le vendredi 28 septembre à Genève en Suisse avec le directeur national Salimane Issifou et une fille qui vit dans une famille Sos à Natitingou, Agnès Tempe Dogo. La jeune défenseure des droits humains de 12 ans nous parle de cette rencontre.
La Nation : Vous avez été invitée à la Journée de débat général 2018 du comité des droits de l'enfant des Nations unies. De quoi s'agit-il ?
Agnès Tempe Dogo : C'est une journée réservée aux enfants. Elle a été organisée par le comité des droits de l'enfant des Nations unies. Lors de cette journée, il y a eu trois groupes de travail composés d'adultes et d'enfants. Le premier groupe est composé des utilisateurs des réseaux sociaux comme moyen de défense des droits humains. Le deuxième groupe a réuni les acteurs gouvernementaux et le troisième groupe est composé des acteurs de la société civile. Ce troisième groupe, auquel j'ai appartenu, a débattu sur la prise en charge alternative des enfants.
Que doit-on retenir des travaux de votre groupe ?
En tant qu'enfant défenseur des droits humains, nous avons fait des témoignages sur nos expériences de plaidoyers, sur comment la prise en charge est faite. Pour ce qui me concerne, j'ai parlé de nos plaidoyers auprès des parents et des autorités béninoises. Avec le Conseil exécutif des enfants de Sos villages d'enfants de Natitingou composé de six membres dont j'étais la présidente, nous avons rencontré le préfet de l'Atacora et avons tenu des séances de sensibilisation. Nous avons parlé des violences faites aux enfants, des grossesses en milieu scolaire, des châtiments corporels, des fuites de responsabilité de certains parents... Au terme des plaidoyers, j'ai été retenue pour représenter les villages Sos de l'Afrique de l'Ouest et du Centre. C'est d'ailleurs ce qui a justifié ma présence à Genève.
Quelle est la suite à donner à cette rencontre, les actions à mener à court, moyen et long termes ?
A court terme, je pense déjà réunir mes frères et soeurs de Sos villages d'enfants de Natitingou pour partager avec eux les différentes expériences que j'ai écoutées. Je pense aussi voir Madame le préfet de l'Atacora pour lui rendre compte de la Journée à Genève. Il s'agira ensuite pour moi de poursuivre les sensibilisations auprès de tous les enfants que je rencontre ou des camarades, car il n'y a pas de jour pour sensibiliser. A tout moment, on peut sensibiliser un enfant en difficulté. Mon ambition, c'est aussi d'organiser un forum qui réunira au moins 150 enfants du Bénin. Un forum au cours duquel nous aurons à parler des difficultés que nous rencontrons et des actions que nous pouvons entreprendre pour la protection de nos droits.
Qui sont ceux qui ont été conviés à cette rencontre ?
La Journée a réuni des représentants d'organisations internationales dont l'Unicef, des représentants de gouvernement, des acteurs de la société civile et des enfants venus de plusieurs pays dont la Côte d'Ivoire, le Centrafrique, le Sénégal, la Gambie, l'Italie, l'Angleterre, la France, le Canada, la Palestine, l'Inde, l'Indonésie... Lors de cette 4e édition, il y a eu beaucoup plus d'enfants que d'habitude. Parmi les enfants, il y avait des enfants conseillers, les 20 qui ont préparé la rencontre avec le Comité des droits de l'enfant, des enfants orateurs, défenseurs des droits humains et des enfants participants. Quant à moi j'ai été accompagnée par le directeur national de Sos villages d'enfants Bénin Salimane Issifou.
La Journée a porté sur la protection et le soutien des enfants défenseurs des droits de l'homme, qui sont-ils en effet ? Quel est leur rôle ?
Les Enfants défenseurs des droits humains (Eddh) sont des enfants qui œuvrent pour la promotion et la protection de leurs droits et de ceux des autres enfants. Ils travaillent donc au respect de leurs droits et ceux de leurs pairs. Par conséquent, les Eddh interviennent dans la lutte contre les violences faites sur les enfants, les châtiments corporels, le harcèlement en milieu scolaire, les mariages d'enfants, la protection de l'environnement... Moi spécifiquement, mes plaidoyers vont dans le sens de la lutte contre les grossesses précoces en milieu scolaire, les châtiments corporels, les mariages forcés des enfants, la fuite de la responsabilité parentale, les défauts d'acte de naissance, la participation et la prise en compte de l'enfant. Bref les droits de l'enfant et les droits humains.
Que doit-on comprendre par droits de l'enfant et droits humains ?
Les droits de l'enfant, ce sont les obligations des parents et de l'Etat à l'égard des enfants dans leurs intérêts supérieurs pour garantir leur bien-être. Entre autres, on peut citer le droit à la vie, le droit à un acte de naissance, le droit à une nationalité, le droit à l'éducation, le droit à l'alimentation et le droit à la protection... Quant aux droits humains, c'est l'ensemble des dispositions par lesquelles on applique le principe selon lequel tous les hommes sont égaux en droits, sans discrimination aucune. Les droits de l'enfant constituent donc une portion des droits humains.
Quelles sont les difficultés auxquels les enfants défenseurs des droits humains font face dans leurs missions ?
Les enfants défenseurs des droits humains rencontrent plusieurs problèmes. Ils ont des difficultés à accéder aux informations qui leur permettent de devenir des défenseurs. La plupart des enfants ne connaissent même pas leurs droits pour les défendre. D'autres connaissent leurs droits, mais craignent les représailles. Ils ont peur de parler par crainte des sévisses. Dans certains pays, les enfants ne sont pas pris en compte, ils sont laissés pour compte. Certains adultes décident que les enfants ne soient pas associés aux instances de prise de décisions. Parfois, ce sont les lois elles-mêmes qui les empêchent de se constituer en groupes.
En tant qu'enfant défenseur des droits humains, que pensez-vous que le gouvernement et tous les acteurs impliqués peuvent faire pour la promotion et la protection des enfants défenseurs des droits de l'homme ?
Je pense que l'État devrait mieux s'impliquer en outillant et en positionnant des points focaux dans tous les villages qui sont à l'écoute des enfants et qui aident à la protection de leurs droits. Je propose aussi que l'État organise régulièrement des fora qui réunissent les enfants défenseurs des droits humains avec les gouvernants. Il faudra aussi continuer à vulgariser le Code de l'enfant, la Politique nationale de protection de l'enfant... L'Assemblée nationale devrait aussi adopter une loi pour la promotion et la protection des défenseurs des droits humains.
Vous avez représenté Sos villages d'enfants de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale. Quelles sont vos impressions au terme de la Journée ?
Cette journée a été une opportunité pour moi de découvrir les expériences des autres et les problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant qu'enfants défenseurs des droits humains. Je suis heureuse d'avoir participé à la journée. C'est une chance pour moi d'être choisie. Cette journée a permis aux enfants de se sentir écoutés et pris au sérieux. Je pense que cette initiative va contribuer à la prise en compte des enfants et au respect des droits humains. Par ailleurs je me suis fait des amis et j'ai découvert la ville de Genève...